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LE ROMANTISMEET LA MODE
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DL MEME AUTEL II
Le Roman historique l'poque romantique. Essai surl'influence de Walter Scott. (Kpuisci.
(Ouvrage couronn par rAcadcniic franaise.
Fontenelle. L'homme, l'uvre, l'influence.(Ouvrage couronn par TAcadniie franaise.)
Fontenelle. Histoire des Oracles, dition critique.
(Collection de la Socit des Textes franais modernes.)
Le Romantisme et les murs. Essai d'tude historique etsociale, d"aprs des documents indits.
(Ouvrage couronn par l'Acadmie franaise, i
Un manuscrit indit de Remard sur Delille. (Kn cours depublication dans la Ucviic d'Iiisluirc lillcrairc r/c la France, partird'avril 1907.)
EN PREPARAriOy :
Le Romantisme et le Sentiment religieux.
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LE
ROMANTISMEET LA MODED'APRJ':S DES DOCLMK\TS 1\DITS
Louis MAIGRONProfesseur l'Universit de Clermont-Ferrand
PARISLIBRAIIAIE ANCIENNE HONORCHAMPION. DITEUR
O. OLAI MVLAOUAIS. O
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PREFACE
Nous n'avons sans doule pas nous cxcnscr auprs dulecleur de lui off'iii" un volume entiei' sur des questions demode, el ce seiait une eiieur de ei'oire qu'il ne peut yavoif dans un sujet de cette nature qu'amusement etIVivolit. De|)uis Balzac et Taine. on sait rimportance du
milieu, el (pielles indications prcieuses et prcises peut fournil' sur un individu sa faon de se loger, de se
velii", etc. (Connatre les toilettes, rameublement. les
manies, l'air et la ])h\sionomie que le loniantisme a mis
la mode n'es! donc |)as simplement j)laisir, toujouis unpeu vulgaire, de cin-iosit. J>'e\amen de la coquille ne
|)ouvant pas ne pas donner d'utiles indications sur
l'animal qu'elle abrite, alors mme que l'abri n'a t
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II PKKFACE
observations sur le roman lis nie el la mode. A y regarderd'un peu prs, le sujet a paru assez vari et assez fcond.
I.a tentation tait naturelle, non certes de l'approfondir,cent t long et beaucoup plus dilTicile quil ne semble,mais de le traiter avec quelque dveloppement : de lles chapilies qui suivent. Le lecteur dira si nous avons
bien fait de cder la tentation '.
De toute vidence, notre travail ne pouvait qu'tre ren-
fiM'm entre des boines chronologiquement assez troites.Lcssence mme de la mode est d tre capricieuse, chan-geante et de durer fort peu. Imagine-ton une lgante se
contentant longtemps de la mme forme de chapeau ouportant plusieurs saisons de suite la mme toilette i* l*uis.^si Ion peut tudier l'volution d'un sentiment nouveau,
si on le voit natre, se dvelopper et en se dnaturanten gnral, il est viai descendre des mes d'lite quiTout conu jusque dans les profondeurs de la foule obs-
cure, toutes choses qui demandent du temps, beaucoup
de temps parfois, c'est au contraire un des traits caracl('-
risli(pies de la mode que d'clater soudain, souvent sanspr|)aralion aucune. Elle dpend de mille circonstances
qu'il est presque toujours ditricile. quelquefois mme
I. Ce livre n'a t tout d'abord qu'un long cliapitre destin formerla premire partie de notre tude, le Romantisme et les nucnrs. Desadditions successives ont enfl le cliapitre au point de rendre nces-
saire sa di^^sion en d'autres chapitres. Mais ces cliapitres, il devenaitncessaire aussi de les publier part, pour ne pas rompre l'unit deTensemble. 11 y avait d'ailleurs matire un nouveau livre: et leslecteurs de Ici Revue bleue et de la Revue hebdomadaire savent en efTetque le Romantisme et In mode a cl crit, comme il tait logique qu'ille ft, avant le Romantisme et les murs, auquel il sert naturellementd'introduction.
"
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PRKFACE mimpossible, de dlermiiier. Elle dpend surlout du hasai'd.
L II vnement ])oliliqae. un succs littraire, les fantai-
sies dune toile, de moindres choses encore, suffisent y entretenii" d'ijicessantes modifications. El sans doute
quand.il lui ariixede rpondre un tat despril junraL
comiiie c'est justement le cas avec le romantisme, elle a
de.s chances d'avoir quel([ue duie. Mais ces circonstances
exceptioiuielles elles-mmes ne lui assurent, et ne peuvent
jamais lui assurer, qu'une existence relativement ph-
mre, permanence et mode tant ce qu'il y a de pluscontiadictoire. Et de fait, dans les documents indits
dont nous avons pu disposer et qui s'tendent, on s'en
souvient i)eut tre, juscpien 847- i^ n'est gure plus ques-
tion des modes roman tiques, aprs i836 ou iSSy au plustard. Encore ne s'agit-il en gnral, pour ces annes, que
d'assez rares et que de lirves indications-
Entre les diverses manifestations rie la mode romantiqued'ailleuis. des distinctions s'imposent, dont la mconnais-
sance ou l'oubli conduirait des erreurs certaines de
perspective et d'apprciation. Qu'un chapeau de femmene soit qu'un djeuner de soleil et qu'il ne faille mmepas une saison j)our faire vanouir la frache cuiginalit
dune toilette, il n'y a rien l que de trs naturel. Mais desbijoux se dmodent moins vite, un ameublement moins
vite encore, a fortiori un genre d'architecture : ou plus
exactement peut-tre, toutes ces choses durent davantage,par la difficult mme d'en changer assez souvent. Il yavait beau temps que les robes la chtelaine taient
oublies, lorsque, dans les salons de celles-l mmes quiavaient t les premires s'en habiller, on pouvait encore
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IV PREFACE
voir traner des bibelots ou des bijoux moyen ge. Lesinvits qu'aprs i85o on conviait dans des salles manger
gothiques ne venaient certainement pas s'y asseoir enmanches gigot et en gilets-pourpoints. Les castels
enfin qu'avait fait lever le succs prodigieux de Notre-
Dame de Paris ont vraisemblablement survcu la chutedes Burgraves. Tmoignages clatants de linfluence
romantique, manoirs , ameublements et bijoux moyen-
geux, des degrs divers naturellement, ne sau-raient donc tre des preuves aussi exactes de sa dure ; on
ne peut raisonnablement pas et en bonne mthode leur
demander de la mesurer avec quelque prcision. Le flot
romantique les avait apports, le flot s'tait retir : ils
nen demeuraient pas moins. C'est un de ces cas o l'effetsurvit sa cause d'une faon presque dmesure. Enl'espce l'observation est l'vidence mme, et l'on auraitquelque scrupule d'y insister : il fallait la prsenter
cependant.
Autre observation non moins vidente, semble-t-il.
Une influence n'est vritablement srieuse qu'la
condi-tion d'tre gnrale, et elle ne peut tre gnrale qu'en
s'exerant sur le plus grand nombre possible de milieuxsociaux. D'o il suit que les plus humbles tmoignages
peuvent tre quelquefois les plus loquents et les plus
dcisifs. Quand il s'agit de toilette par exemple et de mobi-
lier, des factures de modestes tapissiers valent les inven-taires des (I intrieurs les plus fashionables , de mmequ'une toque crneaux sur la tte d'une grisette prouve
autant sinon mme davantage la vogue du genremoyen ge que sur la tte d'une marquise. On ne trou-
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PUKFACE V
vcra dans les pages qui suivent, et nous le regrettons,
qu'une lettre de modiste, et de modiste presque illettre :
mais, ct de vraies femmes du monde, on verra figurerde vagues Jeune-France, d'obscurs rapins. de grgaires
individus, et nous venons de dire pourquoi nous avons
accueilli ces cratures de troupeau avec beaucoup desatisfaction, sinon de prfrence.
Quoique nous n'ayons pas encore obtenu la permission
de nommer tous les auteurs des documents utiliss ici, etpour la raison expose dans la prface de notre livre sur
le Romantisme et les murs , du moins nous a-tonlaiss la libert d'en faire connatre quelques-uns. Nous
en remercions nos obligeants collaborateurs. Leur dcision
se comprend sans peine, l'empressement suivre une
mode n'ayant jamais rien dcel d'intime, et bien aucontraiic. Qu'on taise le nom de la femme qui. par naveimitation des hrones de George Sand, clbia l'origine
divine de l'amour, son imprescriptible libert, et rgla sa
conduite sur d'aussi commodes prceptes : c'est de ladlicatesse la plus lmentaire. De mme si votre grand-pre a t, rellement et dans la pratique ordinaire de
la vie, baudelairien avant Baudelaire lui-mme, personne
ne pourra vous faire un crime de n'aller point le crier surles toits. Mais quelle indiscrtion pourrait-il bien y avoir
avouer que votre arrire-grand" tante se fit offrir unmobilier gothique
par son mari ouqu'elle
aimafollement
les manches gigot ?D'autres collaborateurs cependant ont nergiquement
refus de revenir sur leur dcision premire. Il dplai-
sait souverainement aux uns de voir u imprim tout
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VI PRKFACE
vif leur nom de famille. Louons celte modestie d'autant([uelle est plus rare. Quant ceux qui n'auraient aucune
rpugnance lire leur nom dans un livre, les lettres dontils sont possesseurs manquent parfois de charit: le pro-chain y reoit d'assez jolis coups de grifVes : les familles
des grills pcuAcnt subsister encore ; c'tait donc pru-
dence, tout compte fait, de respecter l'incognito gnral :
nous nous sommes inclin devant ces scriqiules diveis,
au risfpie de laisser des disparates dans notre liavail.Sur celle question de documents d'ailleurs, nous croyons
nous tre suffisamment explif[u*. ^ous persistons cioire
qu'en la matire la jiersonnalit du tmoin n'ajoute que
bien rarement la valeur du tmoignage, et mme il nefaudrait pas beaucoup nous pousser pour nous faire dire
qu'ici le tmoignage idal serait le tmoignage anonyme.
Importe-I il viaiment par exemple (|no ce soit la ])elite
bourgeoise Jacqueline Tahmcan qui nous renseigne surles nuances en vogue au temps du romantisme au lieu de
Gabrielle Terrier, autre bourgeoise peine plus distin-
gue ? et l'indignation contre les petites couventines ([ui
boivent du vinaigre et suceiil des citions ])onr avoir le
teint la mode gagne-t-elle rellement ({uek|ue chose .s'exprimer ])ar la plume de Madame Dubois, que nousne connaissons pas autrement. au lieu d'tre sur leslvres de madame Desvignes, que nous ne connaissonspas davantage ? Mais ces honntes personnes nous appren-nent (|ui' les modes )"omaiili(|iies ont t suivies avec un
'mei"veilleux entrain ])ar la petite bourgeoisie et
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VllI 1>1\KFACE
siicci's tlfiniliC du ^('nco movon af>e . Comme pour cequi est des murs, avec incomparablement ])his de rapi-
dit seulement, le maximum d'inlluenec du romantismea concid aAec sa ])riode d'clat littraire. Il semble donc
bien cpiOn j)uisse. sans troj) d'ineonvnieuts. taire com-
mencer la vritable hisloire de la mode romantique aulendeuiain du suees d'Henri III et sa cour. C'est du moins
ce que nous avons fait volontairement. Le lecteur devaiten tre loyalement avei'ti.
On ])(iiiia s'lonuer aussi que cerlaiu chapitr'e surl'ainenhU nienl et rarcbiteeture se leiniine assez brusque-
meiil. bleu n'lail facile comme de le prolonger, la liste
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LE ROMANTISME ET LA MODE
Il y u longtemps que l'observalioii en a t faite : toutgrand vnement, historique ou littraire, a son contre-
coup immdiat sur la mode, dans notre pays. C'estmme une des faons les plus ordinaires dont la majoritdes Franais et des Franaises tmoignent de l'intrtqu'ils prennent tout ce qui se passe autour d'eux d'unpeu important. Une forme de chapeau consacre letriomphe d'une cole, une coupe de vtement le succs
d'une politique, et tout finit par des comptes de modisteset de couturiers '.
I . Il y a eu successivement les cols Atala, les toques la Marie.Stiiart, les fichus Dame blanche, et les rubans Trocadero, par sou-Acnir du voyage du duc d'Angoulnie en Espagne. Cf. O. Lzanne,La Femme franaise. Y>. 98, et Un sicle de modes fminines, p. 13.
Sous Louis-Philippe, tous les jolis garons del capitale veulentavoir un pantalon pliss aux hanches comme celui des chasseursd'Afrique ; on a des burnous, des chchias chez soi. Ch. Siniond,Paris de 1800 1900, II, p. 336. Le bonnet luthrien fit fureuraprs les Huguenots, et le succs de Fanny Elssler dans la Temptemit la mode elsslrine , etc. Cf. l'tude si substantielle et siagrable de M. Ehrhard, Une vie de danseuse, Fanny Elssler, Paris,Pion, 1909.
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2 LE ROMANTISME ET LA MODE
Il tait impossible que la rvolution romantique n'ap-
portt pas de modifications dans la plupart des habitudes
sociales ; et en effet son influence mondaine a tnotoire. On mit du romantisme dans sa toilette et l'on enmit dans son mobilier. Pour se conformer au rite des
lgances nouvelles, on grilla dinnombjables cigarettes,
on fit flamber allgrement le punch, on pratiqua mtho-
diquement l'orgie, Torgie chevele , comme on disait
avec une truculence nave. Tout bon romantique exhi-bait cavalirement barbe ou moustaches, et secouait avec
orgueil une chevelure au moins mrovingienne ,
quand elle n'tait pas lonine . Le teint devait tre
verdtre, l'air fatal, et il tait de la dernire distinction
de paratre succomber sous le poids d'une destine mau-
dite, en tirant dune poitrine caverneuseles
plus lamen-tables soupirs.
Ce furent l ridicules assez rpandus. On ne prtendcertes pas qu' partir de iSaS ou de 1800 les trois quarts
des Franaises se soient affubles de robes llsabeau de
Bavire ou la Marguerite de Bourgogne, la plupart des
Franais de pourpoints la vnilienne, et qu'ils se soient
tous donn un teint cuir de Cordoue ou jaune citron.
Mais aussi ne faudrait-il pas croire que la mode roman-tique n'ait t le fait que de quelques initis, crivains,
artistes, snobineltes, crbrales ou simples dtraqus des
deux sexes. 11 en a t de cette mode comme de foules lesautres, exactement : on a gnralement aim le d got
nouveau , on l'a suivi, quelquefois mme avec uneapplication, une candeur dlicieuses. Les chapitres de
ce livre en offriront tous au lecteur des preuves amu-santes.
Traite avec quelque dtail, la matire exigerait au
moins un gros volume. Nous n'avons pas la prtention
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LE ROMWnSMEET LV MODE O
de l'crire : c'est trop diiricile. trop dlical. el jieiit tre le
rsultat ne serait-il pas en proportion de la dirficidlc et
de l'effort. Il nous suffira d'tablir, par ([uelques indica-tions prcises, que le romantisme a exerc son influencejusque sur la vie mondaine, l^ssayons donc, dans unsujet qui fut toujours en France d'une importance capi-tale, essayons de dmler ce qu'il est lgitime d'attribuer
au succs des ides romantiques.
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^"f v^v
II ' l. '
MODES DE PARIS
Ze Mercure des Salons, 18^0
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CHAPITRE PREMIER
La Toilette Fminine
I
Un des caractres essenliels de la rvolution roman-tique ayant t le retour la tradition nationale, le
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6 LE ROMANTISME ET LA MODE
Deux choses en facilitent particulirement le triomphe :
les bals costums et les succs dramatiques de la jeunecole, les pices j^rovoquant les bals, et les bals faisant
mieux apprcier les nouveauts pittoresques des pices.En 1829, Alexandre Dumas fait jouer Henri III et sa cour.Costumier et dcorateur s'y sont surpasss, comme on dit.Tout ce luxe de reconstitution historique manque quel-quefois d'-propos ou mme de vrit; mais il est amu-sant, il divertit les yeux, il sduit l'imagination ; c'en est
assez pour que. cette mme anne, dans le bal donnpar Madame de Gontaut, gouvernante des enfants deMadame, dominent les costumes la Franois F' et la Henri 111. La fle est juge charmante, originale. 1-aduchesse en a t merveille. Il faut renouveler unedistraction si exquise. Pourquoi Madame ne donnerait-elle pas son tour une fte travestie pour les jours gras ?et pourquoi n'y mettrait on pas en scne quelquepisode de l'histoire des Valois . en respectant surtout cela va de soi la vrit des costumes ' P
C'est d'ailleurs un empressement gnral se porter
vers les choses des xiv'=, xv* et xvi" sicles, qu'on appelleen bloc : le moyen ge -. Tout le monde en est engou.Dj en janvier 18^9, la duchesse de Berry et lady Stuait
de Rothsay. ambassadrice d'Angleterre, ont paru dans unbal, la premire en reine du xvi' sicle, la seconde enMarie Stuart '. Ds lors se multiplient de tous cts lea
runions du mme genre, et elles offrent toutes ou peuI)rs les mmes caractres. C'est une orgie de couleurs, un
I. Henri Houcliol, />c Luxe franais, chap. n, les Fles de Madame.:>.. Thophilo Gautier, Ilisloire du romaitlisine, p. 56, d. Char-
pentier.3. Ds Je 12 fvrier 1820, dans un bal costum donn cliez le
banquier GrelTulhe, la duchesse de Herry tait
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LA TOILETTE FEMIMNE 7
pelc-mele de formes archaques et pittoresques. Les
bals masqus foisonnent de personnages historiques,depuis Frdgonde jusqu' Marie Stuart, depuis Catherinedo Mdicis jusqu' Charlotte Corday '. Dans le carnavalde i833. on danse le famcu\ quadrille des modes fran-aises, et la mode contemporaine ne semble pas tropdisgracieuse cot de celle du lemps de Franois F' qu'elle rappelle par plus d'un point -.
Ce qui est caractristique du reste, et ce qu'il importede souligner ici. c'est qu'on ne se costume pas pour leplaisir exclusif de se costumer, de se divertir. La masca-rade a des prtentions, gnralement justifies, de recons-titution historique.
Pour rien au monde, pas une des lgantes d'alors ne
voudrait s'entendre reprocher les terribles liberts, lesscandaleuses erreurs, des lgantes ou des actrices d'autrefois.
Charg d'tablir des costumes pour une Marie Sfuarl,Garnerey les soumet aux actrices dsignes pour lesrles .
Une robe longue, quelle horreur 1 Moi qui n'ai debeau que ma jambe et mon pied.
Alors, comment veut tre habille Madame !*A la grecque.Dans le sicle de Charles 1\ ?Je l'exige ou je ne parais pas sur la scne.Et vous. Madame?Moi. par moiti la romaine et par moiti l'an-
glaise.
I. Challaim'l, llisluire de la mode, p. iCxj.
4^ 2. Cf. O. Uzanne, La Franaise du sicle... Mtamorphoses de laParisienne de 1792 1892. p. i43. Sur la vogue des bals masqusde i83i i83, on fora bien de lire les Souvenirs lillraires de MaximeDu Cam|), I, cliap. n, l'Ecole.
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O LE ROMANTISME ET LA MODE
A la bonne heure ' ! On se pique maintenant d'exactitude, et les jolies
femmes deviennent scrupuleuses comme des membres del'Acadmie des Inscriptions. Ce n'est pas seulement
qui shabillera peu prs comme on s'habillait au xv* ouau XVI'" sicle, c'est qui en reproduira sur soi les cos-
tumes avec le plus de fidlit. Ce louable dsir donnemme naissance la plus charmante et la plus amu-sante mulation.
Sur les conseils de la duchesse d'Ang^oulme et de
Charles X en personne, Madame s'est dcide donnerson bal travesti : et une activit de ruche, une activitfbrile de rgner aussitt parmi la gracieuse foule desinvites. C'est qu'on serait dsole d'tre taxe d'ignorance
et qu'une trop grave erreur dans un atour historiquepasserait pour une faute de got 1 Et toutes ces gentillesfauvettes de se prcipiter, comme un bataillon de jeuneset ardents rudits, la recherche des prcieux docu-
ments. Des ttes assez frivoles d'habitude n'hsitent pas
se farcir des plus rbarbatives lectures, et de fines mains
s'oublient manier de lourds et poudreux in-folio.(' On consultera M. Dumas, s'il le faut, ou M. de Chateau-briand mme , -car il importe de ne jamais oublier lalittrature, et c'est au contraire par elle qu'il convient de
commencer. tous les savants de l'Acadmie en us. lespeintres et les dessinateurs . pour tre plus srementrenseigne et plus vite.
Par bonheur. ^I. le surintendant des arts, c'taitalors Sosthne de La Rochefoucauld, d'ineffable
mmoire. M. le surintendant des arts a obligeammentindiqu quelques belles ignorantes le Dpt des
I. Henri Bouclint, Le Liire franais, p. Si^.
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JE LUI PLAIRAI
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LA TOILETTE FEM1M>E 9
Estampes comme la mieux fournie des coUeclions. Ce fut
vers ces trsors inesprs une poussefolle. "
LaBiblio-
thque eut, pendant deux semaines, sa grande cour
encombre d'quipages, ses portes assiges d'une pim-pante arme, trs dtermine prendre d'assaut les livres
images. Chacune, flanque de son dessinateur particu-
lier, de son couturier ou de sa modiste, compulsait, fovnl-
lait, s'arrlant une chose, en exigeant une autre, jetant
dans les salles silencieuses des exclamations bruyantes
comme celles d'une nue d'oiseaux entre dans uneglise. Le bon hvenin. garde des estampes, en perdait
la tte, et son personnel n'en pouvait croire ses oreilles I
Ce n'tait pourtant que le commencement du supplice,et la patience et la probit du bibliothcaire devaient tre
soumises de bien plus rudes preuves.{( S'estimant toutes au-dessus des rglements, excipant
de leurs fonctions la cour, de leurs titres ou de leurs
charges , quelques-unes des nou\ elles et d'autant plus
ferventes visiteuses implorent le prt domicile, dans les
meilleures intentions du monde : pour s'inspirer plus
l'aise, et avec plus de sret, du modle choisi. Elles lesavent, on fait flchir l'occasion la svrit des lois quiinterdisent la sortie des livres : elles pourraient mmeciter les noms d'heureuses privilgies ; ne valent-ellespas, elles aussi, une exception ?...
Oui. Thvenin (( prtait : mais il prtait , la mort
dans l'me, exclusivement d'ailleursa
sur des ordrescrits du ministre comptent . Vraiment, la faveur siardemment convoite n'tait pas plus diflicile obtenir i*Mais alors ce n'tait qu'un jeu ! Et (( les ordres crits
tombrent de tous endroits ; il en vint de la cour, du
directeur des beaux-arts, d'un tas de seigneurs moindres .
Le moyen pour l'administration des Estampes de rsister
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lO LE ROMANTISME ET LA MODE
il une si furieuse avalanche, aux Irois-quarls officielle?
Stoquement, l'administration cda. Ce n'est pas une desmoindres victoires que le romantisme ail remporles,peut-tre sans le savoir.
Demi-victoire, vrai diie. et malgr toute la bonneAolont des invits de Madame, la vril historique reutce soir-l de furieux accrocs. Chaque acteur figurantavait son artiste spcial , avons-nous dit. C'tait u Gar-
nerey, dessinateur de l'Opra, Laffitte, Lecomte, Isabey
ou Fragonard . Il tait invitable que la d diversit ne ft pas u extrme , et le mlange de tant d'poquesdut former une cacophonie des plus amusantes.
La duchesse de Berry, toute la premire, avait donn leplus fclieux exemple. Comme elle devait tre en reined'Ecosse, elle s'tait fait prsenter tous les portraits
imaginables de Marie Stuart, et Dieu sait s'il y en a !
Mais rien ne la contentait : aucun n'avait de manches gigot ! Et comment supporter l'ide de paratre enpublic, mme dans un bal masqu, sans manches gigot ?
u Par hasard, Mgr le duc d'Orlans possdait dans sagalerie une tonnante et exquise portraiture reprsentant,disait-on, la reine l'poque de son mariage )>, et quitait en ralit Louise-Marguerite de Lorraine, princesse
de Conti. Mais a la belle princesse avait des manches gigot . Il n'en fallait pas davantage : u cela coupa court
tous les scrupules , et la reine d'Ecosse emprunta pourla circonstance la toilelle d'une princesse de Lorraine; ce qui n'empcha pas Duponchel d'affirmer dans unarticle dithyrambique que le costume tait admirablede vrit. Duponchel avait plusieurs excuses, dont la meil-leure tait qu'il crivait avant i83o et qu'il partageait
donc l'ignorance gnrale.
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LA TOILETTE IKMIMNE II
Car. il est peine besoin de le faire remarqiiei", cette
fureur d' peu prs archologiques durait... le temps dela prparaliou d'un bal. c En fin de compte, tant delivres sortis, d'estampes disperses, de trsors gars auxquatre coins de Paris ne servirent de rien ; on en revinttout naturellement lmagerie de Lant et de Gtine *.
Et il faudra attendre quelque douze ans pour trouver,
aux bals des Tuileries, un peu plus d'exactitude rigou-reuse dans la copie des costumes d'autrefois -. La seule
chose importante pour nous au surplus est que le roman-tisme se soit insinu des livres dans la vie. en passant
par les divertissements de socit, et qu'il ail ainsi com-menc d'exercer son influence. Or cette influence, nous laverrons bientt grandir et se dvelopper (( furieusement .
En attendant, et pour nous en tenir toujours aux dis-tractions de socit, de Paris la contagion gagne la pro-vince. On y donne aussi des bals masqus, en assez grandnombre, et les costumes moyen ge y paradent peuprs sans rivaux. C'est au point que la fte n'est guref[u'un prtexte exhibitions historiques, comme il appert
de celte relation en vieil franois , adresse en 1882par un tudiant un de ses amis parisiens.
I. D'aprs Henri Bouchot. Le Luxe franais, chap. iv, [es Fles leMadame. Cf. aussi sur ce mme bal les Mmoires de M" de Boignc.III, p. 242 sqq.
3. Ou trouvera la rclalioii du bal costum dont il s'agit, et u quifera poque dans les annales des Tuileries . au troisime volume dela Chronique de la duchesse de Dino, p. o\ sqq. 1 1" mars iS^i . Laduchesse d'Orlans y tait en Marie de Bourgogne, costume de velours noir, richement brod d'or et garni d'hermine ; grandbonnet pointu, orn par devant d'une barbe de velours. Deuxdames l'escortaient, galement en costume du temps de Louis XI. Il y avait aussi des dames du temps de la Ligue, de la Fronde... Quant M""" de Chabannes, en dame de la cour de Charles I\ , son costume, dessin, disait-elle, par Paul Delaroche. tait parfai-tement exact et rigoureux, et la rendait parfaitement laide.
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12 LK ROMANTISME ET LA MODE
De nostre bonne ville do Bourges,le 1 7" de fvrier.
Ov estes lousiours sans double a cuyder superco-quciilieusemeiit, Messire Jehan, que fors lalmeet inclyteLutccc, ny ait rien ea-bas que mirifique et horrifiqueladrerie es choses gallantes. et que soyons tous ignares aplant, vilains et marauds, et moult peu idoines a nousesbaudir et joyeulsement rigoller. suivant justes prceptes
de doctrine biensante a esprits libres. Adoncques oyez,nostre fal cousin, ce que par ces prsentes il nous plaist
vous mander. Si eussiez est en nostre amne cit ce quinzime de
fvrier quatre heures aprez le bonsoir de messire PhbusApoUo, auriez veu moult gentes dames et gentils damoi-seaux bien atorncz. lunis en la dive hostellerie duChaperon d'or, se pourmener et baller ; et eussiez voirecreu que messire Satanas (que veuille notre gentilSeigneur tousiours confondre 1) avoit malignement faitissir hors des spulchres auxquels ils gisent piteusement,
tous gentils seigneurs et accortes dames des temps jadis,a fin d'ociroyer eulx pleine liesse une dernire fois.Et auriez seurement goust joies seraphiques et para-
disiaques, voyant grandes et honnestes dames recevoirhommages et vasselage de hauts et puissans seigneurs,voire de roys bien-amez. en louis gallans et vritables
atours. Se demenoient ensemble la dame de Beaut, cesla savoir Agnes Sorel. avecques Madame Marguerite deBourgogne, et Madame Isabeau de Bavire : et se pour-mcnoient cost Madame Marie Stuart, et MadameElisabeth, laquelle voulut rester pucelle sur le trosne de
Angleterre, et Madame Marguerite de Navarre, et encore
Madame Catherine de Medicis,lesquelles toutes
devi-
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LA TOILETTE FMIMXE i3
soient joyeulsement. tout ainsi qu'en un Decameron,avecques le gentil Cliarles le septime, Henri le troisime,
Franois le premier. Philippe Auguslus, Marot Clmentle pote si courtois, et aultres Seigneuries que seroit troplong vous dnombrer. Et estoient suivis et servis parvarlets, sargens d'armes, pages flouets et souefves damoi-selles d'honneur, et beuvaient grandes lampes de vin
joyeulx de Rheims es coupes cristallines et ciseles, et
menoient grand tumulte ce pendant que hors Ihostelleries'esmerveilloienl ribaudes et vilains K
Mmes fles Lyon, Bordeaux, Poitiers, Grenoble.On donne Beauvais un quadrille o paraissent JeanneHachelle, une vivandire de (Charles le Tmraire, unporte-tendard bourguignon et un archer cossais . A
Orlans et Heims, on organise, dans des runions pri-ves, des scnes o sont reprsents divers pisodes de la
vie de Jeanne d'Arc. Sans doute, un gol quelque peuscrupuleux et averti aurait assez souvent l'occasion de
faire des rserves. Il y a parfois dans ces vocations his-
toriques plus d'aideur et de zle que de souci de la vrit
ou mme des vraisemblances morales les plus lmen-taires. (I Sur un trne de velours bleu, constell de tleursde lys blanches n. on voit siger Charles MI, ayant sadroite Jeanne d'Vrc. et sa gauche Agns Sorel, que ru-nissent ainsi, dune manire fraternelle et bien touchante, l'amour du roi et l'amour de la pairie... ^lais c'estainsi que se fortifie et se rpand le got des choses dumoyen ge : les yeux s'y accoutument ; les lignes et lescouleurs en deviennent familires, et quand auront paru
1. Il est tonnant que la relation en vieil Franois ne parle nide bilboquet, ni de sarbacane. Les gentils damoiseaux auraient-ils oubli ces accessoires presque essentiels !' ou y a-t-il simpleinadvertance du correspondant '}
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i4 LE ROMAMISMEET LA MODE
lleiui m cl sa cour, IJcrnani, Charles VU chez ses grandsvassaux, la Tour de Nesle, personne ne sera surpris de voir
dans la rue, sur les paules de ses contemporains,
quel(|ues-uns des costumes qu'il a admires la veille au
thtre.
(( Quelle est cette dame? se demande Challamel,dans son Histoire de la mode, p. i68. u Est-ce la chtelaine
de Coucy ? Sa jupe est tranante. Un norme collierde perles ; des manches pendantes, telles que les portaitMarguerite de Bourgogne ; une aumnire fixe sa cein-
ture et des bijoux sculpts lui donnent lapparence d'une
femme du xiv*" sicle. Il n'en est rien pourtant C'est uneriche commerante, qui a vu les drames de Victor Hugoet d'Alexandre Dumas.
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LA TOILETTE FEMININE 1 ;)
dans llernaid. les crateurs du })remier moment tirrentds lors une harmonie moyengeuse, des coupes, des pro-fils trs inattendus. On exagra vite dans les oiricincsillettres, oij se perptraient les modles ^ Il n'y en eutpas moins un (( costume romantique, vari l'infininaturellement, en transformation perptuelle, et doncpresque impossible dfinir, mais o il est toujoursfacile de constater la prsence d'un ou de plusieurs l-
ments du (( genre moyen ge n : jupes tranantes,manches boulTantes ou crevs, tofl'es barioles dedessins hraldiques, etc., etc. Mes jolies contemporainessont bien ferres sur l'histoire de France . disait
ce propos l'ironiste parisien . Elles ne l'taient ccr-tainemenl gure plus que M'"' B***, la divine igno-
rante , dont nous allons entendre dans un instant lesinvraisemblables propos, et elles se souciaient du roman-tisme comme de leur premire jupe courte. Mais ([uoi !c'tait la mode. Il fallait bien la suivre.
De Reims, au mois de mars i832, une nice a consultsur des questions de toilette un oncle qui a u l'avantage,
qu'il n'apprcie peut-tre pas assez, de ne jamais quitterla capitale : et trs aimablement, et trs abondammeni,l'oncle, un mois aprs, la renseigne... Il est all, toutexprs pour elle, faire un tour dans les grands magasinsde couture et chez les modistes en renom : il a ouvert lesyeux tout grands dans les rues et la promenade ; il amme et surtout consult son tour des amies d'un gotsr et prouv : son espigle de petite nice a bien raison,c( il n'y a aucun ridicule aujourd'hui s'habiller commes'habillaient les chtelaines . C'est trs curieux, mais
c'est ainsi. Il ne l'aurait peut-tre jamais remarqu, mais
I. Cil. Simond, Paris de 1800 1900, U, p. 334-
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l6 LE ROMANTISME ET LA MODE
puisque la chose intresse la pauvre exile de Reims ,il \ a porl attention. Oui vraiment, on voit des
manches crevs n, peut-tre pas en trs j^rand nombre,mais on en voit. Quelques robes aussi ont de grandsramages. M"""" C*** et P*** portent une aumonire.
Bref, on dirait que toute l'ambition des jeunes femmesd'aujourd'hui est de rappeler ci laccoutrement de leurs
aeules fodales K Et ces toilettes sont en gnral seyantes . Il nest pas douteux en tout cas qu'elles
n'aillent ravir la chre petite nice, etc.
(l'est justement la question qui vous vient involontai-
rement l'esprit, quand on tudie les faons de s'habillerde cette priode : tous ces attiffements (sic) moyenlige - taient-ils aussi seyants que les intresss vou-laient bien le prtendre;' et comment s'en accommodaitl'esthtique fminine ? Question dlicate, minemmentpersonnelle d'ailleurs, ternellement susceptible au sur-
plus comme toutes les questions de mode - desrponses les plus contradictoires, mais laquelle on peuts'arrter un instant.
Tout d'abord, n'insistons pas trop sur les bals cos-Inms. quand il s'agit de toilettes courantes, un bal cos-tum n'tant jamais qu'une exception. Ici comme par-tout, tant vaut la femme, tant Aaul la toilette qui l'habille.M"*" de C*** est tout fait charmante en dame de la courde Marie de Bourgogne , tandis que sa robe l'Isabeau
de Bavire fait paratre M"'" G*** encore plus commune etplus vulgaire que d'habitude ' . Au bal des Tuileries
1. Kn i83o, on renouvela " les petits bords Henri II plumetournienlce , et les dames ralFolrenl des cols et guimpes laMdicis. Challamel, Histoire de la mode, j). 171.
2. Louise de !{*', 1 5 octobre i83i.3. Madeleine D***, 20 mars 1835. Voir plus loin, p. 26, ce qui est
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LA TOILETTE FEMLMM ly
de i8/ii, dont parle la duchesse de Dino ', le costume deM'"* de Ghabannes, en dame del cour de Charles IX , parfaitement exact et rigoureux n, la rend parfaite-
ment laide aussi, tandis qu' la fte donne par laduchesse de Berry en 1829, les femmes sont (( en gnralbien mises et fort leur avantage , exception faite cepen-
dant pour la duchesse elle-mme, tout simplement abo-minable . Elle s'tait fait arranger les cheveux d'unbouriffage, peut-tre trs classique, mais horriblement
mal seyant et s'tait affuble dune longue veste d'hermine,avec le poil en dessus, qui lui donnait l'air d'un chien
noy. La chaleur de ce costume lui avait rougi la figure,le col et les paules, qui ordinairement taient trs blancs-,
et jamais on n'a pris des soins, plus heureusement
russis, pour se rendre effroyable -. Il serait tout aussi imprudent de s'en rapporter avec~*~^
trop de confiance aux journaux de mode de l'poque.Gomme le dit fort bien M. Charles Simond ', aperuesdans le Follet, la Mode, les recueils des bons faiseurs dutemps, ces parures nous stupfient. Il y a en toutes les figu-
rines l'exagration falote des dessinateurs professionnels,plutt chercheurs de choses voyantes, exagres, pousses
l'extrme. Dans la pratique, excutes pour une femmedu monde ou, comme on disait, une personne commeil faut , ces toilettes changeaient d'aspect et s'aristocra-
tisaient. Pour cela un rien, des nuances, des tons, une
dit de la toque crneaux et de la faon dont elle coifTc certainesfemmes.
1. Chronique, III, p. 34 sqq.2. Mmoires de M""" de Boigne, III, p. iltli. Et les hommes sont
comme cette pauvre duchesse : trs peu d'exceptions prs , ilsont l'air de masques du boulevard. Id., ib.
3. Paris de 1800 1900, II, p. 334-
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de i84i. dont parle la duchesse de Dino ', le costume deM'"- de Chabannes, (( en dame del cour de Charles IX , parfaitement exact et rigoureux, la rend parfaite-ment laide aussi, tandis qu' la fte donne par laduchesse de Berry en 1829, les femmes sont u en gnralbien mises et fort leur avantage , exception faite cepen-dant pour la duchesse elle-mme, tout simplement abo-minable 1). Elle s'tait fait arranger les cheveux d'unbouriffage, peut-tre trs classique, mais horriblementmal seyant et s'tait affuble d'une longue veste d'hermine,avec le poil en dessus, qui lui donnait lair d'un chiennoy. La chaleur de ce costume lui avait rougi la figure,le col et les paules, qui ordinairement taient trs blancs-,
et jamais on n'a pris des soins, plus heureusement
russis, pour se rendre effroyable -. Il serait tout aussi imprudent de s'en rapporter avec^~^
trop de confiance aux journaux de mode de l'poque.Comme le dit fort bien M. Charles Simond ', u aperuesdans le Follet, la Mode, les recueils des bons faiseurs dutemps, ces parures nous stupfient. Ily a en toutes les figTi-
rines l'exagration falote des dessinateurs professionnels,plutt chercheurs de choses voyantes, exagres, pousses
l'extrme. Dans la pratique, excutes pour une femmedu monde ou, comme on disait, une personne commeil faut , ces toilettes changeaient d'aspect et s'aristocra-
tisaient. Pour cela un rien, des nuances, des tons, une
dit de la toque crneaux et de la faon dont elle coiffe certainesfemmes.
1. Chronique, III, p. 34 sqq.2. Mmoires de M""" de Boigne, III, p. 344- Et les hommes sont
comme cette pauvre duchesse :
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1 5 LK ROMANTISME ET L.V MODE
"^ coupe plus OU moins ose, des aj^rcmenfs voulus ourejets .
Restent alors les portraits ; et ce sont eux en eflet qui,
comme toujours, nous renseignent sur la vritablelgance et le suprme bon genre. Pour citer encoreM. Charles Simond, ces femmes de la socit et de laris-tocralie d'alors sont riches ; elles ne sont peut-tre pas
trs entranes dans le sens du beau idal, parce que nileurs maris, ni leurs pres ne se sont beaucoup attards
aux arts. Sous l'Empire, ils se sont battus ; sous la Res-tauration, ils se sont argents ; maintenant ils jouissent
en repus, en gros propritaires : ce sont les fameux Papas trs bien n de la lgende. Mais tout de mme cemonde a de la politesse, du tact, une saine comprhen-sion des choses. Nulle excentricit chez les gens dubel air, ceux qui savent vivre, qui tiennent une maison ets'habillent. D'o peut-tre cette norme distance d'entrela mode purement dite, c'est--dire la page du journalenlumin, fabriqu par des artistes secondaires, et le
portrait de la grande dame, celui des princesses royales,
les brus du roi, par Winterlialtcr, les femmes deministres, les femmes de la haute linance. O nous sen-tons le mieux ces nuances dlicates, c'est dans la 17e dechteau d'Eugne Lami, cette suite charmante de petitesscnes jolies, fines, vcues. Ce monde d'alors est relle-ment trs bien . Il ne manque en eflet ni de grce, ni
de charme,cl
commele romantisme a bien dcidment
pass par l. il n'est que juste de rendre au romantismela part qui lui revient.
Du costume ou plus exactement des costumes que mit la mode lcole de i83o, il n'est pas question d'crirel'histoire. Nous ne parlerons avec quelque dtail que desdeux parties qui en ont eu le ])lus de vogue : les manches
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LV TOILETTE IKMIMNE 1 ()
gigot cl la toque crneaux. Il sulisait alors des unesou de l'autre pour assurer nue loilctfe un vritablersuccs.
II
C'est d'assez bonne heure qu'apparat la manche gigot, et la mode en svit bientt parlout avec une espcede rage.
Deux causes ont prsid cette naissance : le besoinde faire quilibre aux jupes, qu'on faisait alors trs bouf-fantes, et aux coiffures, qui taient normes, mais aussite dsir, irrsistible chez toute jolie femme, scmble-t-il, derappeler dans sa toilette un peu de la toilette du xvi" sicle.
Du moins est-il certain que c'est cause des manches gigot que la mode romantique a ado})t de prfrence lesicle des Valois ' : fusion touchante, unique peut-tre,de la coquetterie et du culte du pass national.
Toujours est il qu'on voit pousser sur les paules fmi-
nines des gonflements dmesurs, normes jusqu' en
devenir monstrueux. Cela est soutenu par des baleines oudes espces de petits ballons remplis de duvet; et cela
s'adapte tout. Longue ou courte, habille ou nglige,
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20 LE KOMVMISMEET LA MODE
les fameuses manches s'adaptent toujours au corsage.
impitoyablement,c
On en et mis
Dieule
Pre! dit
plaisamment Henri Bouchot. C'est que toutes .ses ser-vantes en taient pares, des plus orgueilleuses et des
plus huppes aux plus humbles et aux plus modestes.Rappelez-vous seulement ce qui a dcid la duchesse de
Berry choisir, pour figurer Marie Stuart. le corsage
d'une princesse de ('onli.
Dans la srie de lithographies d'Achille Devria, intitulele Got nouveau, et qui est bien la reprsentation fidle
de cette vie lgante et parfume de la Restauration^,
M"" d'Hinnisdal va faire une promenade cheval mati-nale ; il n'est que sept heures, mais son amazone adj des manches gigot. A div heures du matin,M"" ^eullaus nous est prsente dans un nglig char-mant : le nglig a des manches gigot. La robe qu'midi porte AI"'" Achille Devria a toujours des manches gigot. Et M"'' Louise de Radepont une heure del'aprs-midi. M""" Achille Devria trois heures, Laure
Devria huit et neuf heures du soir, M'"" Mnessier-
TVodier dix heures, ont eu beau changer de toilette :quelque chose est rest immuable dans leur mise, et cesont les manches gigot. AI"" Annette Boulanger enfinn'aurait videmment pas dormi tranquille, si, avant dese mettre au lit, minuit, elle n'et constat et faitconstater par le dessinateur que sa chemise avait aussiet toujours des manches gigot.
Les camristes elles-mmes suivent la mode, naturel-lement, au vif mcontentement parfois de leurs ma-tresses. (I Croirez-vous, ma chre, que j'ai d la semainepasse donner une leon celte impertinente de Valrie?
I. L'expression csl de Haudclaire, Cnriosils estlu'ljues,p.
a-i.
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DIX HEURES DU SOIR
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2'i LE UOMWISME ET LA MODE
parler le langage du temps et respecter la couleui' locale L
Rien neserait facile
comme de multiplier
ce proposles tmoignages que fourniraient si libralement les des-sins et les tableaux de l'poque. Peut tre vaut-il mieuxfaire voir, laide de documents indits, que la nouvellemode est partout adopte avec une espce d'enthousiasme,et que
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LA TOILETTE FEMIMNE 20
tait. (1 Avait-elle des manches comme cela? > m'a-t-elle demand avec inqnitudc. J'ai rpondu qu'elle avaitau contraire des manches collantes et fort plates. Elle at rassure. Elle a souri, n Cette M""" B*** est dcidmentexquise.
Je l'ai un peu pousse, et elle m'a avou que cette toi-lette-l n'tait rien ct de la toilette hleu saphir
qu'on lui prparait. Chez elle, et ailleurs sans doute, onsera ohlig d'largir les portes, ou elle devra passer detravers'. Bref, de quoi faire crever de jalousie toutes ses
amies, affirme-t-elle. Elle m'a dit les dimensions de sesbouflants. Trois ou quatre mtres de circonfrence peut-tre. J'ai oubli. Enfin quelque chose de pyramidal -. Remarquez comme ce railleur des modes romantiquesparle naturellement lui-mme le jargon romantique. Cependant, les manches que je vois parlout me parais-sent dj plus que suiisantcs. On dirait que nos aimablesdivinits se sont appliqu une monigollire de chaquect. Que le ciel leur soit propice et qu'il garde sous tripleclef tous ses vents orageux, pour ne pas emporter comme
ftus ces nouveaux chrubins l'omantiques!
INIme anne, lo octobre. Aimez-vous le moyen ge. *
On en a mis et on en met partout. Les premires semaines,c'tait amusant: aujourd'hui a commence devenirmonotone.
Visite M""" P*** cette aprs-midi. Toujours ces jujDCsinterminables qui ondulent comme des serpents, et ces af-reuses manches gonfles comme des outres. J'ai eu un mou-vement d'humeur. J'ai demand : A quand le hennin.^
1. Ce que l'ironiste de i834 disait des manches, les ironistes de1911 pourraient le dire des chapeaux.
2. ^oyez,hlfin du chapitre \, l'Air roinantjue, quelques-unsdes mois alors la mode.
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24 LE ROMANTISME ET LA MODE
Le hennin ? qu'est-ce que cela?Une coiffe trs haute.Avec phimes et rubans ?Oh !... Toute simple, unie.Une cornette, alors! Merci bien. Deux ans plus tt. un vicaire d'une des plus lgantes
paroisses de Paris exhalait ainsi, dans le sein d'un
ecclsiastique de province, la iTilancolie dont u la lg-
ret et la frivolit de ses contemporaines lui emplis-
saient l'me )) :
a ... C'est croire que nous sommes abandonns duCiel. Partout les plus affreux spectacles et les plus hor-
ribles misres ; on sait les ravages du cholra Parisen i832 partout la mort qui se met en vidence,comme dit Bossuet, et de la faon la plus pouvantable ;et partout aussi, hlas ! le mme oubli des lmentairesdevoirs, une insouciance faire frmir. O allons-nous,Dieu de misricorde, o allons-nous!' Celles qui devraientdonner le bon exemple votre peuple, qui ne devraientpenser qu' prodiguer aux pauvres et aux malheureux les
marques de la charit chrtienne, on les voit occupesdes intrts les plus vils et les plus mesquins. Leurs frres
agonisent leurs cts, et elles pensent leur parure !Elles ne songent qu' se vtir comme les impudiquesIsabeau de Bavire et Marguerite de Bourgogne, au lieud'imiter la modestie de Blanche de Castille ! Leur vanits'tale
et se boursoufle de la manire la plus outra-geuse, jusqu' cacher la vue des saints autels tous lesfidles qui n'ont pas le privilge du premier rang^.. Priphrase charmante dont l'excellent abb n'a pas dtre mcontent et qu'il aura vraisemblablement employe
I. L'abb L*'* Tabbc Y***, i:>. oclobro iS3:.
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LA TOILETTE FEMININE 20
en chaire pour dsigner les manches gigol, et unde leurs ordinaires eflets.
A des esprits moins srieux, et dans des circonstancesmoins tristes, la nouvelle mode inspire toutes sortes deplaisanteries faciles.
Dans cette mme saynte des Fashionables, deux amou-reux, au beau milieu du salon, se dvorent du regard et seserrenlpassionnment les mains, sans plus se proccuper de
la mre de la jeune fille ([uc si elle tait mille lieues de l ;or elle n'est spare du jeune couple que par une amiede la maison, trs lgante bien entendu et mise la der-
nire mode. Elle a naturellement des manches gigot,et (( derrire ce rempart ("ormidable , nos jeunes gens se
sentent aussi en sret que derrire l'Himalaya !
Il est trs probable aussi que les fameuses manchesont d abriter des gestes moins innocents que ceux denos aimables fiancs.
III
Pour prodigieuse qu'ait t la vogue des manches g:igot, celle de la toque crneaux l'a gale, sinon mmedpasse.
La toque crneaux ! C'est en effet l'autre grandenthousiasme de l'poque, et le plus expressif peut-tre.
Mieux encore queles
berthes.les tabliers
etles
bonnets
rubans, elle symbolise le got du jour. Elle est pour lebeau monde du temps de Louis-Philippe un signe intgral,l'affirmation absolue du moyen ge o. Cette chose bouf-fante I) a t par moiti inspire d'une coiffure crneaux
regarde comme celle de Jeanne d'Arc . Il n'en fallaitpas davantage pour que bon nombre de douairires
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26 LE ROMANTISME ET LA MODE
aient tout aussitt affect de s'en couronner, (( pourl'amour du moyen Age. de la Pucelle d'Orlans, desanctres et de lllistoire . Epoque vraiment unique,avons-nous dit. o loyalisme et coquetterie pouvaient
ainsi s'entendre et se prter de faon si touchante unmutuel secours !
Quand on fait lloller un tendard, on ne saurait le faireflotter trop haut : la toque crneaux prit donc assez rapi-
dement sur de certaines ttes des proportions formidables.(I M""" de Barn, fille de M"" de Tourzel, en arbore une sidmesure et si imposante que sur son corps fluet elle
parat la toque de Cessler juche en haut d'un mt . Lataille ou le teint s'en accommode ou ne s'en accommodepas du tout ', celle qui s'en couvre le chef peut avoir des
opinions royalistes, ou ne pas avoir d'opinions, ce quia d tre le cas le plus ordinaire : la loque crneauxtriomphe sur toute la ligne. Du haut en bas de l'chellesociale , comme disait un jeune clerc de notaire dansune opportune mtaphore, toutes les femmes en raffolent.\oyez plutt les gravures de mode et les dessins du temps,
surtout l'uvre de TonyJohannot, les
premireslitho-
graphies de Gavarni et celles d'Achille Devria-.
Les correspondances entre jeunes femmes sont encoreplus instructives.
I.
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LA TOILETTE FEMINLNE
... Quel dommage, ma toute belle, qu'un caprice inex-plicable de ce lou de Gustave vous retienne loin de Paris
au moment o on s'y amuse le plus ! Vous y ririez commeune petite folle que vous tes... Hier soir je vous aisoubaite passionnment prs de moi. Nous tions en voi-ture avec cet cervel de .Jacques, que j'adore, commevous savez. Il connat tout le monde Paris, comme voussavez encore, et, vous le savez toujours, comme il nemanque pas d'esprit, ses saillies vous auraient fait rireaux clats. Il tait hier dans un de ses bons jours...C'tait si plein de toques crneaux que, disait-il, tousles remparts de toutes les villes de France avaient d sedonner rendez-vous ici. On ne voyait que cela. Je nevous nommerai pas toutes celles que nous avons ren-contres, ce qui n'empclie pas la fine mouche d'ennumrer son amie une bonne douzaine. Mais croyez-vous que la vieille S*** se promenait avec cela sur savieille perruque jaune !* C'tait mourir ! Un vieux serinavec la casquette d'un archer! ) disait en ricanant cetendiabl de .lacques. Vous n'en croirez pas vos yeux, et
vous allez accuser comme toujours mon humeur mdi-sante ; je vous jure pourtant que c'est la vrit toute pure.8a fille Mathilde ses cts, trs en beaut cette aprs-dne-l, avait aussi le mme objet sur sa jolie chevelureblonde... Allons, ma petite belle, il faudra nous dcider faire comme tout le monde, puisque c'est une fureur.Voulez-vous que je vous en commande une, afin qu'ellesoit srement prte pour votre retour ?.. .
Une autre parisienne crit sa mre qui passe l'hiver Rouen :
...Maintenant, que je vous fasse un peu rire, ma clire
I. Anns Ccrfa\it. l 'i juin i83i.
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28 LE JIOMAMISME ET LA >[ODE
et bonne maman, .ltaisen visite l'autre jour chez celtedlicieuse Clothilde un nom prdestin, celui-l ! (( qui vous aime tant, qui vous trouve l'allure si aristo-cratique et tant d'esprit, et elle a bien raison. J'avais unejolie toque crneaux et qui ne m'allait pas trop mal, jevous assure. Oscar , -le mari, en raflble, et d'autreismessieurs aussi m'en ont fait compliment. J'tais peinearrive, une, deux, trois, quatre amies qui arrivent la
fde, et une, deux, trois, quatre toques crneaux. A latroisime, nous nous regardions avec surprise ; la qua-trime, le fou rire nous a pris isicj. Nous avions lair desoldats qui vont la parade. Mais je peux bien vouslavouer sans tre oblige de m'en confesser plus tard, carce n'est pas une calomnie, deux au moins des petits soldats
portaient bien gauchement l'uniforme. Suivent les nomsdes deux petits soldats. et les invitables papotagesmondains. Brusquement on dcide une petite promenadesur le boulevard. L'aprs-midi est ensoleille, le tempssec : on ira pied : on regardera les devanhnes et les pas-santes : bien plus amusant encore, on comptera les toques
crneaux!
Lu coup d'il la glace, et voil nos gentils(( uniformes > dans la rue. coiislatalious du ninic genre, dans deux autres lettres deM'"" Gabrielle Terrier, l octobre et S dcembre i83i.
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LA TOILKTTi: FKMIMNE 2()
Burty, Gagelin, Yictorine, Palmyre, Maurice Beau vais,
Saint Laurent, Herbault. Il est dommage seulement que cemoyen de vrification et de contrle soit impossible.Et les provinciales imitent c les heureuses de la capi-
tale' , bien entendu.
Dijon, i8 mai lSSi^. ... Depuis mon retour deParis, je ne rve que de toques crneaux. Mon mariprtend que j'en deviendrai folle. Vous n'avez pas idecomme cela va bien certaines figures. Je vous assurequ'avec un minois assez rose et des cheveux passables etpassablement bourifTs, on est ravir l-dessous! Iln'en faut pas douter, M'"" E*** avait une frimousse blancheet rose et une belle chevelure blonde. Je viens d'en com-mander deux la fois. Une folie ! Quoi qu'en diseArthur, c'est le mari n. il me semble qu'elles nem'iront pas trop mal. L. franchement, qu'en pensez-
vous.^... Oui, mais comment s'en tirera la modiste.^J'aurais bien d me les faire faire Paris... En portez-vous beaucoup Lyon!*... I)
Au moins autant qu' Dijon, certainement, ainsi qu'en
tmoignent ces lignes d'un Lyonnais, passablementexpressives dans leur brivet bourrue :
(( Il ne faut dsesprer de rien. On se met avoir dugot. Mieux vaut tard que jamais. On commence enfin comprendre qu'il est peut-tre logique que des Franaiss'habillent comme des Franais, et que c'est une stupidit
pure de se dguiser la Latine et la Grecque. Ah! ces
c de classiques! En auront-ils dit et fait, et fait direet fait faire, des neries!... Enfin, vive le romantisme ! etPasqucs-Dieu, que soient tout jamais bnis Victor Hugo,
Alexandre Dumas et Thophile Gautier ! Ils ont appris
1. Juliette Pcrcherancicr, Bourges, avril i834.
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OO LE ROMANTISME ET LA MODE
iiux l'cmmes s'habiller, et ce nesl pas un mdiocre ser-
vice qu'ils leur ont rendu. On voit circuler des manlelets,des manches bouffantes, des toques crneaux...
Et elles ont d circulci- aussi dans d'autres villes deprovince. La preuve en est dans cette lettre, qui ne porte
malheureusement ni date, ni indication d'origine, ni
signature, mais qui ii" peut avoir t crite qu' cette
poque, et par une provinciale. Nous en respectons scru-
puleusement la syntaxe et l'orthographe :(' Madame, permtez -moi de vous remaircier de la con-
fiance dont vous voulez bien me tmoigner. Je crois quevous serez contante. Ma maison, je peus le dire, est fortbien achalande et j'ai pour principe de servir que les
dames tout fait bon genre >). Suit une liste de dames tout fait bon genre . Vous avez raison de vouloir
une toque a crneaux et je prens la libert dont vous excu-
serez de vous fliciter de votre got. C'est la grande mode ;et mes ranseignemcnts privs me conseillent penserqu'on en portera davantage encore que l'anne passe.
J'en ai fait beaucoup ces tems-si et soit dit sans me flaterje croiquej'y suis devenue assez exprience. Peut-trevous avez vu celles que j'ai fait pour Mdames... Ici
huit noms de clientes. Elles ont eu la bont de me faireconnatre leur contanlement. J'cspaire que vous ferez
bientt de mme et dans cet espoir j'ai l'honneur d'tre l'avantage... >
Ln post-scriptum nous apprend qu'il y avait, sur unefeuille dtache et suivant le dsir exprim par la future
cliente, une espce de devis avec indication d'toffesemployes et prix en regard. La feuille est perdue : la
perte est regrettable.
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9. LE ROMAXTISME ET LA MODE
villgiature, crit une de ses amies : Vous me voyezravie, ma chre mignonne ; mon mari vient de partirpour Paris (je supplie votre esprit de ne mettre l aucunemalice), do il me rapportera un chapeau pour rem-placer celui qu'un vilain coup de vent ma compltementgt avaid-hier. Je Fai pri de me le commander plusromantique encore que le prcdent, tout ce qui se fait
de plus romantique, ultra romantique mme, quelquechose enfin de mousseux, de nuageux, denvol, d'arien,dimmatriel... Excusez-moi, je viens de causer une bonnedemi-heure avec un confrre de M. Hugo en posie, vousvoyez qu'il y parat.
Autant donc qu'il est possible d'apporter quelque
ordre dans la plus gracieuse des incohrences, il semblebien qu'en fait de coiffure le romantisme se soit manifestautant par la faon dont on a garni les chapeaux que parles formes qu'on leur a donnes. A l'imitation de la clbredanseuse Maria Taglioni, dont il faut bien savoir eneffet que l'influence fut alors considrable, on mettaittoutes sortes de fanfreluches aux robes et aux corsagesj)our rendre la toilette froufroutante et vaporeuse ;berthes, tabliers, charpes en dentelle, voiles de blonde,
tout est combin en vue d'envelopper la femme dechoses lgres et frissonnantes, et pour lui donner
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L'ANNEAU NUPTIAL
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L'ECHARPE
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aux nias, aux {/orge de pigeon, aux premire aurore, quand,
vers i83o.loul
s'assombrit brusquement.
Les nuancestristes et sombres l'emportrent sur les riantes couleurs,sans qu'on puisse attribuer celle mode d'autres causesque les ides romantiques de ce temps o les hommes etles femmes se plaisaient prendre des airs mlancoliques, byroniens et maladifs K
Peut tre n'y a-t-il pas entre les ides romantiques et
les nuances en vogue sous le romantisme l'troite rela-tion qutablit l'auteur de l'Histoire de la mode. Mais il est
certain que le vert russe, le cul-de-bouleille, le noirMarengo, le pur thiopien . la '< fume de Moscou , le(I froc-de-capucin ,- et autres teintes similaires ont eu
du succs vers i83o et un peu au-del. En voici d'assezbonnes preuves. C'est d'abord la lettre d'une petite bour-geoise de Paris.
(( Vous me voyez ravie, ma chre Lontine. Je croisbien que cette fois nous serons un peu dbarrasses detoutes ces blancheurs et de toutes ces nuances fades quela mode sesl trop longtemps obstine nous imposer.
Vous en tiez lasse, vous aussi, ce qu'il me semble.C'tait aussi vraiment trop la mme chose, n'est-ce pas ?de jouer constamment la nouvelle marie ou la pre-mire communiante 1 On pourra enfin sortir en jupe griseou en toilette sombre sans tre ridicule et sans que les gensvous demandent de qui vous tes en deuil. Vous pensez
si je me hte d'en profiter... Je me suis commande (sic)trois robes coup sur coup, lune carmlite, l'autre hlio-trope, l'autre noire, toute noire, mais noire comme unefume d'enfer, ainsi que dil notre ami L*" . quelque
1. Challaniel. Hisloire de la mode. p. iG8.2. Cf. Barbey d'.Vurcvilly (d. Lcmcrre), les Diaboliques, p. i^o, et
Une vieille Matresse, I, p. 71.
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LA TOILETTE FEMINLNE 3(J
Jeune-l'rancc sans cloute. C'est qu'il faut tout vous dire,
un ami d'Adolphe le mari doit faire mon portrait, etil m'affirme que
lesnuances fonces sont les seules qui
aillent bien mon teint. Il a du go\. H parle de mefaire en Velasquez (je crois bien que c'est ce nom-l), avecune robe de velours noir, ou noir avec des reflets bleus,enfin aile de corbeau, comme il dit. Vous vous souvenezpeut-tre que c'tait une nuance de ce genre queM""' S*** avait choisie l'an dernier pour ses raouts, et voussavez si M"" S*** est au courant de ce qui se fait de mieux.Il parat aussi que M"" B***, dont vous connaissez gale-ment le bon got, va dfinitivement renoncer aux robesenfantines. Cela veut dire videmment que M""" B***ne portera plus de robes claires. Je crois que toutes cesnuances ne m'iront pas trop mal. En tout cas on vous lefera savoir, ou plutt j'espre bien que vous me ferez letrs grand plaisir de venir le constater par vous-mme ' >,etc.
L'autre tmoignage n'est pas moins explicite.
A M'"' DE L'*', A Maon.
Lyon, Je S juin i833.
Il vous souvient sans doute de la maison de coulure
que j'ai eu le plaisir de vous recommander autrefois, etdont vous avez eu l'amabilit de me dire que vous
n'tiez pas mcontente. M"" D*** est en ce moment dansune situation des plus difficiles. Elle a perdu son mariaprs une maladie cruelle et qui la engage dans d'assez
fortes dpenses. Elle aurait voulu se retirer du com-
I. Jacqueline Tahureau, novembre i83i.
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LA. TOILETTE FMIMNE 45
bijou vraiment est une chose exquise. Au sommet d'unetour crnele, une chtelaine, l'air pensif, interroge l'ho-rizon, tandis qu'une de ses mains llolte doucement sur legrand lvrier qui lve vers sa matresse son museau pointuet fin, avec un air de partager la mlancolie qui, onle devine, emplit le cur de la jeune femme. On peutrver l-dessus l'infini. Nous n'y avons pas manqu.Toute l'histoire des croisades y a dfd, avec maints pi-
sodes pittoresques ou pathtiques. Comme il fallait s'yattendre, un enrag a propos de terminer la soire parla lecture de la Chasse du Burgrave et du Pas d'armesdu roi Jean. On l'a coslum en page, et il a dclam lesdeux morceaux avec une affterie ridicule et une emphasegrotesque, comme un mauvais acteur de mlodrame. Ildclamait devant le bijou pos sur une table. Bien puril.Mais bonne soire malgr le lecteur, et jolie provision desensations fines .
Le dilettante ajoutait, aprs avoir analys quelques-unes
de ces sensations fines : Il est dommage seulementque de si jolies choses soient condamnes devenir assez
rapidement banales . L'expression n'est pas trs claire;mais il est assez constant que bientt la plupart desParisiennes lgantes eurent un bijou moyen Age, commeM"" S'** : et le nouvel Alceste le consignait dansson Journal, en bougonnant:
lo janvier [i835]. Je ne peux plus, dans son salon,baiser la main une femme sans embrasser pleinebouche un chevalier, un page, ou quelque grand lvrierefflanqu et poussif: et quand je relve la nuque, il vasouvent une atl'reuse tte de gargouille qui, du haut ducorsage o on l'a agrafe, a l'air de se moquer de moiavec sa vilaine grimace de singe...
Je ne suis i)as dj si fanatique de cette Xolre-Dame
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sant et souvent de faon irrmdiable. Mais il sera plus propos de traiter cette intressante question au momento nous parlerons de l'air et de la physionomie que leromantisme mit la mode, et (ju'il l'nt du meilleur gotd'offrir aux yeux de ses contemporains.
On ne peut pas dire que la vogue de la toilette roman-tique ait t phmre. Cependant elle est en diminutionsensible ds i835 ou i836. C'est alors que les premiersromans de George 8and commencent porter leurs fruits,
et que la lionne apparat. Or celle-l ne met pas prcis-ment sa gloire rapj^elcr le moyen ge. Elle ne vit pasdans le pass. Elle vivrait plutt dans le lendemain, dansle surlendemain mme, si c'tait possible. Elle affecte entout cas de ddaigner les grces fminines . et rien nelui plat comme (( l'excentricit tapageuse . Cavalireet chasseresse, cravache leve, botte peronne, fusil l'paule, cigare la bouche, verre en main, toute imper-tinence et vacarme, elle prend plaisir dfier, dcon-cerler en ses extravagances un galant homme * . Dslors, adieu les berthes, les fanfreluches, et tout ce quirend la toilette lgre, vaporeuse, en donnant qui laporte la gracieuse apparence d'un charmant fantme delgende . La lionne affecte les faons masculines, gar-onnires, et s habille en consquence. Un vrai roman-tique se dtournerait d'elle avec tristesse et piti : il ne lacomprendrait pas. C'est qu'aussi bien, en fait de toilettedu moins, le rgne du romantisme est peu prs fini aux
I. Daniel Stcrn, Mes Souvenirs, pp. 35^-355.
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cd Charles Vil chc: ses grands vassaux, en revanche le
Roi s'amuse n'a t donn qnunefois, et l'annemme ola Tour de Aesle remporte nn clatant triomphe, la
Tour de Nesle dont on ne saurait exagrer la profondeur
de retentissement. 11 est donc vraisemblable qu'AlexandreDumas a plus encore que Victor Hugo lui-mme contri-bu la ditusion du c got nouveau .
Non que le k genre moyen ge ait attendu jusque-lpour exhiber en public, nous voulons dire dans la rue,ses accoutrements et ses fantaisies. On lit dans le premiervolume e^ Noies el Souvenirs d'un Anglais Paris ^ : Etant petit garon, j'avais t plus d'une fois frapp
d'tonnement la vue des jeunes gens paradant dans les
rues, en pourpoints, en hauts-de-chausses, la chevelureflottante orne de toques de velours et d'ailes d'oiseaux,
une courte pe pendue la ceinture ; nous n'tions pasau carnaval, et personne pourtant ne semblait s'mouvoir;les Parisiens d'alors s'taient habitus ces bizarreries.
Des gens comptents m'ont dit depuis que ces manifesta-tions avaient t inspires par / Gaule po ligue de M. de
Marchangx , les romans de M. d'Arlincourt, et toute lalittrature de ce genre qui a caractris le commencementde la Restauration
Simples caprices de jeunes gens, sans nul doute, maiscaprices significatifs. L'amusante mascarade n'a pas ddpasser un certain cercle, probablement assez restreint :
il nous suffit pour l'instant qu'elle ait pu se produire.Aprs i83o, elle vase renouveler, avec plus de persistancecelte fois et sur un plus large thati*e. Sous l'nei^iqucimpulsion qu'il reoit de la production dramatique con-
I. P. II. L'ouvrage a deux volumes : I, i83.")-i8A8 ; If, iS^S-1871. Il a t Iraduit par J. Herc et publi en i8(j3.
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pointu de raffin ; celui-ci. une redingotede dandy, d'une
coupe exagre, et une fraise la Henri IV. Tous les autresdtails de leur ajustement taient entendus dans le mmestyle, et l'on et dit qu'ils avaient pris au hasard et les
yeux ferms, dans la friperie des sicles, de quoi se
composer, tant bien que mal, une garde-robe complte .Beaucoup de jeunes gens d'alors n'ont pas eu d'autre
idal el ils nont pas suivi dans leur ajustement desrgles plus sres.
A peine et l quelques exceptions. Elles s'expliquentpar une condition sociale plus releve, une fortune moinsmodeste que celle des Jeune-France en gnral ou le dsir
de ne pas trop s'carter, malgr tout, des lgances
mondaines. (( Beauvoir, Vlbric, Gavarni et moi , ditA. Iloussaye dans un des plus amusants chapitres de sesConfessions , o les gamineries et les gats de toute cetteptulante et turbulente jeunesse sont bien vivement et
bien spirituellement contes, nous contrastions avec les
autres romantiques par notre habillement rigoureusement
la mode du jour, presque la mode du lendemain.Nous trouvions trs bien que Thophile Gautier et uneredingote bandebourgs pour tre mieux toff ; queGrard de Nerval s'habillt la Werther ; qu'EdouardOurliac et des bottes la Souvarof. Mais nous pensions
quon pouvait tre un trs bon romantique en sTiabillant
commetout le
monde, enmettant le chapeau sur le coin
de loreille et en renversant outre mesure les revers del'habit. Les romantiques abracadabrans se moquaient denous et nous appelaient muscadins' n.
Muscadins! G'lail une injure. Le vrai romantique, leromantique abracadabrant, ne fait de concession
I. 1, livre M, la Bohme romantine, pp. -aji-SS^.
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LA TOILETTE MASCILINE 6l
pas cet extraordinaire professeur d'histoire du collgeStanislas, Thodore Burette, qui va faire ses cours en
hottes revers rouges, culotte de peau collante, gilet la
Robespierre, fnic verl boutons d'or doubl de salin
blanc* , ou encore ces peintres dont parle Champfleury
dans ses Souvenirs, coiffs de feutres pointus ou debrets bleus et qui portent de larges paletots bleu de
ciel, doubls de satin rose , avec, pour attaches ces
paletots, des boutons de nacre, larges comme des picesde cent sous- . Mais ce qu'il faut bien savoir, c'est qu'il
y a eu un moment, dans l'histoire de la jeunesse fran-raise, o porter c un buffle , des souliers lapoulaine , un chapeau la Buridan , un pourpoint taillad etune dague de Tolde , tait (( le bonheur tout entier^ ,
I. Maxime Du Camp, Souvenirs UUraires, II, p, 73, et Jean Gigoux,Causeries sur les artistes de mon temps, p. i3.
a. Souvenirs, p. 81. Les deux rapins s'appelaient Gothique etChrist. Ils habitaient rue Gt-le-Cur, vers iSSg. C'taient de singu-liers tres barbus, coifTs de feutres point\is ou de brets bleus . EtChamfleury d'ajouter : A cette poque, il tait de bon ton etpresque de rigueur de se promener dans le Quartier Latin avec de
semblables coifTures . On peut voir aussi, dans les Mmoires dePontmartin, I, p. ii5, ce qui est dit de tout le personnel du jeuneromantisme , qui frquente le cabinet de lecture de Malvina-losalinde.
3. Maxime Du Camp, Souvenirs lillrnires. II, p. 72. Cf. encoreChallamel, Souvenirs d'un hugollre, pp. Sg-Ai- Une ide fixe deChallamel jeune avait t d'avoir un chapeau la Buridan . Oneh voyait beaucoup dans le Quartier Latin. Ce chapeau avait toutel'importance d'une manifestation
;quiconque l'adoptait prouvait
par l son amour du moyen ge. Je n'ai jamais obtenu ce cha-peau la Buridan tant dsir, continue Challamel. Mes parentsont tenu bon contre mon effrn dsir. Mais j'ai gard les longscheveux, comme bien d'autres adolescents de l'poque, et je me suisachet un poignard semblable celui d'Antony, une bonne lamede Tolde , avec les semaines qu'on me donnait . Rien ne montrecomme des confidences de cette nature l'influence du romantismepour tout ce qui regarde la toilette. Cf. enfin Un Anglais Paris,Notes et souvenirs, I, p. 12, et Flaubert, Correspondance, II, 80.
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ij2 LE ROMANTISMEET LA MODE
On voit quelle part revient au romantisme dans la l'orma-
lion du (I got nouveau .Cette ((rsurrection des vieilles habitudes nationales ,
comme disait un magistrat favorable la jeune cole,cette (( rsurrection fait la joie des observateurs et des
ironistes: et il est certain que par moments elle n'a pasd manquer de pittoresque en effet, quoique, vrai dire,les yeux aient d aussi trs rapidement s'y habituer ^
(( C'est dcidment une mode. crit notre d flneurparisien , la date du 12 avril 183' : le moyen ge aun beau succs. Il n'est pas loin de triompher dans la litt-rature, et pour peu que cela continue, il finira par triom-pher aussi dans nos rues, en attendant qu'il triomphe unjour dans nos salons. Mon Dieu, ce n'est pas plus laidqu'autre chose, et c'est certainement plus amusant.
(( Il fallait d'ailleurs s'y attendre ; ds l'instant que lesfemmes s'habillent comme du temps d'Isabeau de Bavire,les hommes leur devaient bien la politesse d'endosser lescostumes du temps de son benot poux Charles VI .
D'autres endroits du Journal sont plus explicites.(( 18 mai [i834]. J'ai eu le plaisir de voir des souliers
la poulaine. Ce n'est pas trop disgracieux, mais encorefaut-il savoir s'en servir. Les pointes de ceux que j'aiaperus taient si effiles que le propritaire a fini par
1 . On se rappelle l'observation de l'auteur des Notes et souvenirs, cite
au dbut de ce chapitre. Personne ne semblait s'mouvoir ( la vuedjeunes gens paradant dans les rues, en pourpoints, en hauts-dechausses, une courte pe pendue la ceinture ), quoiqu'on ne ftpas en carnaval.
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LA TOILETTE MASCl LINE 63
s'embarrasser dedans et qu'il a cliii (sic tout de son lon^;:
sur le pav. C'est bien dommage qu'il n'ait pas eu un fol son service, pour dtourner les rires des rieurs qui nemanquaient pas'.
Naturellement, les collgiens n'ont pas de dsir plus
vif que de ressembler aux hros de la mode.(( Au collge, dit Maxime Du Camp, dans ses Sou-
venirs littraires (II, p. 72), nous rvions de porter unbuflle et d'tre chausss de souliers la poulaine ; les
souliers la poulaine taient pour nous un sujet d'admi-ration d'autant plus vive que nous ne savions pas ce quec'tait.
Mme ambition et mme convoitise chez les futursrapins, ainsi qu'en tmoignent les Causeries sur les artistes
de mon temps, de Jean Gigoux.
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de notre
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LA. TOILETIE MASCIUNE 6;^
d'azur, gris d'argent, ou violets comme une soutaned'vque, le spectacle ne laisse
pas d'tre divertissant. Ondirait que certaines des pices nouvelles ont envoy dans lavue leurs Jigurants. C'est nous qui soulignons, bienentendu.
L'observation est l'exactitude mme. 11 est clair d'ail-leurs que rien ne pouvait l'avoriser les modes romantiques l'gal du thtre romantique.
Et le succs de ces modes a t tel un instant que deParis elles se sont rpandues, au moins partiellement, enprovince, o on les a encore exagres, comme d'ha-bitude '.
D'Orlans, ce deuxime de mai i83.'>.
Mon brave et fidle Lovs,
(( Prends ta cape espagnole et cours chez nos amis.Runis autour de toi comme en un conseil des CaslillcsKarl, Jehan, don Luis la barbe fauve et rutilante, etAntonio au teint plus basan que les Maures d'Afrique -.
Que vos yeux s'ouvrent comme des arcs d'ogive et quedans vos poitrines loyales se rjouissent vos curs.A Orlans comme Paris, les philistins sont en droute,et par Saint-Jean d'Avila leur ruine totale sera bientt
1. Quand une btise amuse Paris, il est difficile que la provinces'en prive. Aussi, ds que le lion promena dans Paris sa crinire, sabarbe et ses moustaclies. ses gilets et son lorgnon tenu sans lesecours des mains, par la contraction de la joue et de l'arcade sour-cilire, les capitales de quelques dpartements ont-elles vu des sous-lions qui piolestrent, par l'lgance de leurs sous-pieds, contrelncurie de leurs compatriotes . lialzac, Albert Savanis, uvrescompltes. II, p. lg.
2. Rien ne fut alors plus la mode que de donner ses nom etprnoms un air gothique ou exotique. Cf. plus loin, chaiJ. v, l'Airromantique, p. 233.
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consomme. Comme il sied un fal tenant de la causesainte, j'ai sem ici la bonne parole, et dj la moissonest riche et abondante. >
Quand on est romantique et qu'on a vingt ans. il n'est])as ordinaire que votre qualit dominante soit la modestie.Notre rapin s'tend donc avec complaisance sur ses succspersonnels, l'influence de ses \arcuses, pourpoints, toques
et autres pices des costumes alors la mode, et continueavec une dlicieuse ingnuit :
(( Tout ce qu'il y a de jeune, de vivant, d'ardent et debeau en ma bonne ville est d'ores et dj gagn nosfaons, et s'habille comme nous nous habillons Paris.Le grand Tho [Thophile Gautier] serait content, s'il sepromenait dans nos rues. On ne voit que feutres lacastillane sur des nuques que protgent d'opulentes che-velures, et toquets cavalirement poss sur l'oreille, avec
des plumes de coq ou de faisan qui tremblent la brise.Les gilets sont de couleur, rouges de prfrence, et ils
tincellcnt sur les poitrines comme des flammes. Le torses'y embote et le cou s'y enserre comme en un carcan ougorgerin... Qu'en dites-vous, messeigneurs :> Par la fres-
sure du Saint-Pre, vous sentez-vous tressaillir d'aise ?Pasques-Dicu 1 ou se croirait revenu aux beaux joursde la pucollc .lehanne qui dconfiturait si bien les
Anglais ' !
Que pour se faire mieux valoir dans son rle de jeune
homme qui donne le ton, notre rapin exagre plaisir lenombre de ses imitateurs, il y a apparence. Le prestiged'importer en piovince les dernires fantaisies de la
capitale l'aura gris, et il aura vu partout des adhrents
de la fameuse cause sainte . Ds lors il convient de
1. Victor Chalmct, i834.
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rduire la valeur du tmoignage ; mais le tmoignage a
toujours son prix.On comprend mieux maintenant des phrases comme
celles-ci. du Journal de notre flneur parisien n ou delettres indites: C'est toute l'histoire de France qui se
promne dans nos rues, d On peut la rigueur sedispenser d'aller dans les muses contempler les costumes
de nos anctres, on n'a qu' ouvrir les yeux au thtre oudans la rue. d Si j'avais un fds. je lui dirais : Monirarcon, veux-tu savoir comment on s'habillait sous lesValois? Ne va pas au collge ; descends dans la rue et
regarde.
Aprs le thtre, c'est en eflet la rue qui offre le spec-
tacle le plus instructif et le plus pittoresque, et il n'est
pas jusqu'aux enfants qui ne fassent leur partie dans ce
concert d'historiques exhibitions. Ces chres idoles
nous forment, comme aurait dit M. Ballanche. une palin-gnsie habille des annales nationales ; et, en rencon-
trant, aux Tuileries, les cheveux coups carrment la
Charles VI. les pourpoints de velours, les cols de dentelle
et les guipures, les chapeaux la cavalire, les manteauxcourts, les canons et les souliers rosettes de Louis XTII
et de Louis XIV, on peut faire un cours d'histoire deFrance, raconte par les tailleurs et les couturires avec
une exactitude plus rigoureuse que par Mzeray et par leprsident Hnault'. d
De ce cours voici un ou deux fragments indits:
(( Que j'aurais voulu, ma chre maman, vous avoir prsde nous l'autre semaine ! Vous auriez t ravie de votrepetit-fils! Armand tait joli, mais joli, croquer! Vous
I. Balzac, le Dput (TArcis, dans les uvres compltes, XIII,
p. Sufi.
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II
Il sulit en gnral du moindre incident pour c lancer
une toilette, comme on dit, ou pour faire adopter undtail de costume. Le fameux gilet rouge de ThophileGautier avait caus trop de bruit et trop de scandale pour
rester sans imitateurs. Le gilet fut donc un instant laproccupation dominante du Jeune-France, comme il futla matresse pice de son accoutrement ^ . Un gilet est
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et celle-l, Rodolphe et Albert apportent la confection
ou plus exactement la combinaison du prcieux objet." Aprs djeuner, les deux amis agitrent entre eux un
plan de gilet sans boutons et imitant le pourpoint avecautant d'exactitude que la stupidit native des bourgeoisde la bonne ville le pouvait permettre, sans trop s'exposeraux hues et aux rires pleine gueule des polissons et
des gobe-mouches. Rodolphe dessinait. Albert dcoupait les morceaux
en papier, afin de les faire mieux comprendre au tailleur.(I Quand tous les morceaux furent rassembls, Albert,
saisi d'un enthousiasme subit, s'cria, en frappant sur latable :
Que je rencontre mon plus fier crancier dans uncul-de-sac, dans une impasse, comme dit M. Arouet deVoltaire, gentilhomme du roi, si ce n'est pas l le giletle plus monumental qui soit sorti d'une cervelle d'homme !Et dire que la socit est en dgnrescence ! Calomnieatroce! on ne sest jamais mieux habill .
Pour l'tre le mieux possible, surtout pour l'tre d'unefaon diffrente de la faon commune, Rodolphe et Albertremplaceront le collet du gilet par .
On croirait volontiers que Thophile Gautier se moque,
que ce Rodolphe et cet Albert ne sont qu'une exception.La vrit est que la petite scne qu'on vient de lire s'est
joue plus d'une fois, et qu'il y a eu souvent des dlib-
rations de celte gravit entre jeunes adeptes de l'esthtique
romantique. Le Journal de notre u flneur parisien en
contient une preuve amusante.
(( ?J\ janvier [1882]. L'aprs-midi d'hier fut pour
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l'autre, on a dcid quils seraient coups, le premier,
de petites lignes verticales noires, et le second, de petiteslignes horizontales vert fonc. Consult, j'ai impertur-
bablement rpondu que ce serait trs beau et je me suisretir.
28 janvier [i83i|. La discussion sur la forme desdeux fameux gilets a t, parat-il, un peu longue. Cepen-dant l-dessus aussi on s'est mis assez vite d'accord. Onvoulait le genre pourpoint. Il ne s'agissait plus alors que
de quelques dtails. Les gilets seront lacs derrire. L'un
aura le col moins haut, mais il descendra plus bas et plusen pointe. Heureux jeunes gens !
Nous savons, de mme source, que les rutilants giletsde MM. B*** et T*** se pavanrent par les rues et lesboulevards, et qu'ils eurent beaucouj) d'imitateurs. Le
contraire et t pour tonner. La mode nouvelle avaitquelque chose d'clatant. d'insolent, disaient sesdtracteurs, bien fait pour plaire la jeunesse.Romantique ou non. la jeunesse l'adopta. On ne vitplus sur les poitrines masculines que (( rutilances et
flamboyances . Grces Dieu, crivait une mre de famille une
de ses amies, le 17 octobre i832, grces Dieu Germainva bien maintenant. Le jeune homme relevait d'unemaladie grave, fivre typhode peut-tre, peut-tre cho-
lra : on sait les ravages terribles du cholra cette mme
anne. La sant lui est tout fait revenue, et la coquet-terie avec la sant. C'est de son ge, et vous pensez si,
aprs de si atroces angoisses, nous nous faisons lui plaisirde satisfaire les moindres caprices du pauvre enfant !Il veut avoir un gilet de couleur, un gilet rouge, comme laplupart (Je ses camarades ; il aura son gilet rouge. 11 enaura
mmedeux : celui que lui donnera son jire sera
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rouge pur. celui que je lui offrirai sera rouge aussi, avec
de tout petits points bleu indigo ; el tous deux se bouton-neront ou se laceront par derrire, afin que la poitrinesoit mieux moule et (pielle se bombe comme une cui-rasse, comme il dil... Il porterait un corset, sil l'osait...Mais croirez-vous que le petit coquet veut que ce soit unecouturire qui lui fasse ses deux gilets?...