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DU VENDREDI 13 AU JEUDI 19 JUIN 2014 - N O 93 - 3 © PATRICK KOVARIK / AFP - PASCAL SITTLER / REA )- ANDREY KUZMIN / FOTOLIA - HYWIT DIMYADI / SHUTTERSTOCK.COM L 15174 - 93 - F: 3,00 « LA TRIBUNE S’ENGAGE AVEC ECOFOLIO POUR LE RECYCLAGE DES PAPIERS. AVEC VOTRE GESTE DE TRI, VOTRE JOURNAL A PLUSIEURS VIES. » ENTREPRISES VAGUE ÉCOLO SUR LA FILIÈRE MARITIME Exit le fioul ! Électriques, à gaz, ou tractés par un cerf-volant, les navires de demain seront plus propres. P. 10-11 MÉTROPOLES TOULOUSE À 3H10 DE PARIS L’arrivée, en 2024, de la LGV dans la Ville rose redessine le quartier de la gare, transformé en centre d’affaires. P. 18 ANALYSE LA RICHESSE, C’EST LE SAVOIR Le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz fait l’apologie d’une société du « learning ». P. 24 PORTRAIT THOMAS FRANCE Le bitcoin, il y croit, au point d’avoir créé une start-up spécialisée dans cette quasi- monnaie virtuelle. P. 26 . fr LA TRIBUNE DE… THIERRY ANTINORI Le vice-président exécutif d’Emirates dévoile les ambitions de la compagnie dubaïote et veut plus d’autorisations de vols vers la France. P. 8-9 Entreprise France à vendre ! Enquête sur le patriotisme économique Alors que le pôle énergie d’Alstom s’apprête à être vendu à une entreprise étrangère, quelles sont les marges de manœuvre de l’État pour garder en France les fleurons de l’industrie hexagonale ? PAGES 4 à 7 ANTICIPER 100 % électrique, l’E-Fan d’Airbus annonce une révolution dans le monde de l’aéronautique. P. 17 I NNOVER Du mur de glace contre la radioactivité au plâtre à ultrasons. TOUR DU MONDE P. 14-15 CHANGER Rouler aussi vite avec 30% de carburant en moins, le challenge des 82 e 24 Heures du Mans. P. 12 Arnaud Montebourg, ministre de l’Économie, et Patrick Kron, PDG d’Alstom.

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DU VENDREDI 13 AU JEUDI 19 JUIN 2014 - NO 93 - 3 !

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ENTREPRISESVAGUE ÉCOLO SUR LA FILIÈRE MARITIMEExit le fioul ! Électriques, à gaz, ou tractés par un cerf-volant, les navires de demain seront plus propres. P. 10-11

MÉTROPOLESTOULOUSE À 3!H!10 DE PARISL’arrivée, en 2024, de la LGV dans la Ville rose redessine le quartier de la gare, transformé en centre d’affaires. P. 18

ANALYSELA RICHESSE, C’EST LE SAVOIRLe prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz fait l’apologie d’une société du « learning ». P. 24

PORTRAITTHOMAS FRANCE

Le bitcoin, il y croit, au point d’avoir créé une start-up spécialisée dans cette quasi-monnaie virtuelle. P. 26

.frLA TRIBUNE DE…THIERRY ANTINORILe vice-président exécutif d’Emirates dévoile les ambitions de la compagnie dubaïote et veut plus d’autorisations de vols vers la France. P. 8-9

Entreprise France à vendre!!!

Enquête sur le patriotisme économique

Alors que le pôle énergie d’Alstom s’apprête à être vendu à une entreprise étrangère, quelles sont les marges de manœuvre de l’État pour garder en France les fleurons de l’industrie hexagonale ? PAGES"4 à 7

ANTICIPER100!% électrique, l’E-Fan d’Airbus annonce une révolution dans le monde de l’aéronautique. P. 17

INNOVERDu mur de glace contre la radioactivité au plâtre à ultrasons. TOUR DU MONDE P. 14-15

CHANGERRouler aussi vite avec 30% de carburant en moins, le challenge des 82e 24"Heures du Mans. P. 12

Arnaud Montebourg, ministre de l’Économie, et Patrick Kron, PDG d’Alstom.

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ÉDITORIAL

L’HISTOIREET SI LE PRINCIPAL CONCURRENT D’AIRBUS N’ÉTAIT PAS BOEING, mais SpaceX ou Google… En marge des célébrations du D-Day, Tom Enders (photo), Major Tom, comme on surnomme cet ancien officier parachutiste allemand devenu patron d’Airbus, n’a pas caché son admiration devant « la vitesse de décision et d’exécution, la capacité de prendre des risques », d’entrepreneurs comme Elon Musk. Ces nouveaux venus disent « vous n’avez encore rien vu. Vous n’avez pas idée de la façon dont la numérisation va changer la façon de faire des affaires, de concevoir des avions ». Tom Enders ne parle pas à la légère : Google a racheté Titan Aerospace, qui travaille sur des planeurs solaires concurrents de ceux que développe Airbus pour remplir certaines fonctions assurées par les satellites. SpaceX s’attaque, avec son lanceur Falcon, à la position dominante d’Ariane sur le marché du lancement de satellites commerciaux. « C’est effrayant et fascinant à la fois. Je crois que l’industrie aérospatiale a besoin de plus de coopération et d’impulsions venant de ces nouvelles industries. »

BALISES

Pour un choc de cohérence patriotique

La sortie de la crise écono-mique la plus grave depuis les années!1930 se conjugue avec une explosion des opérations de fusions et acquisitions. Depuis le début de l’année, plus de

1"000!milliards de dollars d’opérations ont été annoncés, un niveau proche de celui connu avant le choc de 2008. Avec des suc-cès! : Lafarge Holcim, un mariage entre égaux qui semble marcher, sur le papier au moins. Et des échecs, comme Publicis Omnicom dans la pub, qui a «!buggé!» sur des batailles de pouvoir mal anticipées"; ou bien dans la pharmacie, l’o#re de l’améri-cain Pfizer sur le britannique AstraZeneca, qui a buté sur une fronde sociale au pays du libéralisme roi. Comme quoi la France et Arnaud Montebourg n’ont pas le monopole du patriotisme économique"!La di$culté est de conserver l’équilibre entre trois objectifs di$ciles à concilier!: la concurrence, pour que ces concentrations ne se fassent pas au détriment des clients et des consommateurs finaux"; l’emploi, crucial à un moment où dans tous les pays déve-loppés le chômage demeure la plaie et le principal souci des gouvernements, tentés par le protectionnisme"; et l’investissement, qui est la clef de l’avenir et de la croissance future. C’est à cette aune qu’il faut com-

prendre l’attitude de Patrick Kron, le PDG d’Alstom, qui cherche à sauver son groupe devenu trop petit dans un monde trop grand. Alstom, ou l’histoire d’un épouvan-table gâchis, qui va conduire à l’ultime démantèlement d’une entreprise qui avait tout pour réussir!: présente sur deux mar-chés majeurs –!l’énergie et le transport –, détentrice de joyaux industriels et techno-logiques, les turbines et le TGV, cette entre-prise n’échappera pas à un découplage de ces deux pôles. Oui, mais comment"? Avec l’américain GE, avec lequel Patrick Kron a négocié en secret, parce qu’il ne voulait pas de Siemens, et parce que l’opération lui semblait sociale-ment mieux disante"? Ou avec le groupe allemand, qui s’apprêterait à déposer une o#re associé au japonais Mitsubishi, pour créer deux champions européens, l’un dans les transports, et l’autre dans l’énergie"? Quelle que soit la solution choisie, c’est la recherche de la bonne taille critique qui doit gouverner l’opération, plus que les pro-messes de maintien de l’emploi en France, qui n’engagent que ceux qui les écoutent.Quand à s’inquiéter de la perte du contrôle du capital de nos grands champions natio-naux, il est un peu tard pour s’en préoccu-per. Plus de la moitié du CAC!40 est déjà détenu par des fonds étrangers. La nationa-lité d’une entreprise multinationale a-t-elle

d’ailleurs encore un sens dans la mondiali-sation"? L’essentiel n’est pas de préserver, mais de dynamiser le potentiel de dévelop-pement en France de ces grands groupes dont l’avenir est international. Un pacte de responsabilité déjà moribond ou de fausses lignes Maginot n’y changeront rien. C’est un choc de cohérence patriotique qui est désor-mais nécessaire.Si on veut développer une base nationale d’actionnaires pour empêcher nos entre-prises, grandes et petites, de se faire rache-ter les unes après les autres, il faudra mettre en œuvre un environnement fiscal compé-titif. Ce n’est pas avec des «!Yaka!» ou des «!Faukon!» qu’Arnaud Montebourg convain-cra les Français de réinvestir massivement en Bourse, mais par des incitations en faveur de l’actionnariat salarié et de l’épargne retraite en actions, seul moyen de remobiliser l’épargne abondante des Fran-çais aujourd’hui stérilisée dans le finance-ment d’un État ventripotent qui n’o#re plus que 1,70"% de rendement avant impôt. Arnaud Montebourg doit prendre ses res-ponsabilités et cesser de voir dans la finance un adversaire, mais un partenaire. Comme l’avait bien compris son lointain prédéces-seur Pierre Bérégovoy. À l’époque, sous la gauche pourtant, la France comptait plus de 7!millions d’actionnaires individuels. Il n’en reste plus que 4!millions désormais.

Une justice sans respectEn mai, fait ce qu’il te plaît. Que ce soit en mai 2011 avec DSK ou en mai 2014 avec BNP Paribas, nous autres Français avons du mal à admettre l’indépendance de la justice américaine face au pouvoir politique. Notre justice, elle, n’est pas indépendante. Voici quelques exemples de ces dernières semaines.

En mai 2014, le permis de construire de la Samaritaine a été annulé par le tribunal administratif, jugeant sur l’esthétique, saisi par deux associations, alors que la ville de Paris (après modification du PLU), les architectes des Bâtiments de France (dont chacun connaît la puissance !) et même le ministère de la Culture avaient donné leur accord. Et la ville de Paris fait appel. Le chantier attendra. Autre exemple : la ferme des « Mille vaches », près d’Abbeville. Elle a reçu son permis de construire, un arrêté préfectoral limite à 500 vaches laitières l’exploitation tant que l’épandage des boues résiduelles n’est pas suffisant ; le tribunal administratif d’Amiens, le 12 mars, rejette la demande de suspension du permis de construire. En mai 2014, des militants de la Confédération paysanne viennent « démonter » la salle de traite. Ils seront sans doute jugés en leur temps… et l’exploitation attendra. Dernier exemple : lancée en mai 2013, l’OPA du fonds français Ardian et du chinois Fosun sur le Club Med est freinée par des recours d’actionnaires minoritaires. En mai 2014, le financier italien Andrea Bonomi se dit prêt à lancer une contre-offre. Le Club Med attendra.

Les trois cas sont différents. Dans le premier, les recours d’associations doivent être régulés. Ils coûtent ici des milliers d’emplois. Dans le deuxième, la justice n’est visiblement pas indépendante, en tous les cas non respectée, et depuis une quinzaine d’années, sur ce type de sujet, les risques pris par les contestataires sont suffisamment faibles pour justifier qu’ils soient pris. Dans le troisième cas, la justice est lente et encombrée, et devient un frein à des fusions, rachats, ventes d’entreprises dont l’activité doit attendre des années pour suivre un cours normal. Dans chaque cas, la justice perd de sa crédibilité et donc de son honneur.En France, la judiciarisation est symptomatique d’un activisme aux motivations multiples et dont la résultante est le ralentissement, voire l’épuisement des acteurs, ici économiques. Face à cette judiciarisation, il y a le temps, pour limiter les recours, pour juger. Si la justice a besoin de budget pour respecter le temps, elle retrouvera son impartialité par le respect.Je repars en plongée. Rendez-vous la semaine prochaine… pour démontrer l’inverse.

SIGNAUX FAIBLES

L’ouvrage le plus récent de Philippe Cahen : Les secrets de la prospective par les signaux faibles, Éditions Kawa, 2013.

PAR PHILIPPE CAHENPROSPECTIVISTE

@SignauxFaibles

PAR PHILIPPE MABILLE

@phmabille

75LINKEDIN EST VALORISÉ 75 FOIS plus que le français Viadeo. Ce dernier va entrer en Bourse à Paris en 2015 et

vise une valorisation comprise entre 180 et 200 millions

d’euros. De son côté, la firme américaine a une capitalisation

boursière de près de 14,3 milliards d’euros. Soit un rapport de 1 à 75.

Une prime au leader.

48!000LES INVESTISSEMENTS

dans la production d’énergie et l’efficacité énergétique

devraient atteindre 48 000 milliards de dollars d’ici à 2035, ce qui serait insuffisant pour contenir le réchauffement

climatique à 2 °C, estime l’Agence internationale

de l’énergie (AIE), qui évalue à 53 000 milliards de dollars les investissements requis.

19!%C’EST LA RÉDUCTION

DES ÉMISSIONS de gaz à effet de serre dans l’UE fin 2012 par rapport à 1990, selon l’Agence

européenne pour l’environnement, au lieu des 18 % annoncés en

octobre. La baisse des émissions est « en grande partie due aux réductions dans les transports

et l’industrie et à une proportion croissante d’énergies provenant

de sources renouvelables ».

445MILLIARDS DE DOLLARS,

c’est le coût annuel de la cybercriminalité, selon le Center

for Strategic and International Studies. La facture pèse surtout

sur les grandes puissances économiques : pour les États-Unis, la Chine, le Japon et l’Allemagne, elle atteint un total de 200 Mds $

(150 Mds ¤). Les pertes liées aux données personnelles sont estimées à 150 Mds $.

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TENDANCESLA TRIBUNE - VENDREDI 13 JUIN 2014 - NO 93 - WWW.LATRIBUNE.FR

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L’ÉVÉNEMENT4 I

LA TRIBUNE - VENDREDI 13 JUIN 2014 - NO 93 - WWW.LATRIBUNE.FR

LES FAITS. Tout comme le pôle énergie d’Alstom, nombre de grandes entreprises françaises sont susceptibles de passer sous contrôle étranger. La France est victime d’un capitalisme sans capital. LES ENJEUX. L’État n’est pas totalement impuissant pour contrer ce phénomène, au nom d’intérêts stratégiques. Mais ses marges de manœuvre financière sont limitées. Et le souci d’assurer la réciprocité à la capacité de développement international des groupes tricolores tempère les ardeurs nationalistes…

A près le rachat d’Arce-lor par Mittal, celui de Péchiney par Alcan et l’entrée du chinois Dongfeng à hauteur de 14!% dans le capital du groupe PSA Peu-geot Citroën, c’est au

tour d’Alstom d’être une proie. En passe d’être démantelé, le groupe va voir avant l’été son pôle énergie, trop petit au niveau mondial, passer sous contrôle amé-ricain, avec GE, ou allemand, avec Siemens, qui s’apprête à déposer une o"re ferme avec le japonais Mitsubishi. Les dernières digues sont-elles en train de lâcher!? L’économie française se porte-t-elle si mal que les joyaux du CAC#40 soient désormais la proie des investisseurs étrangers!? L’ur-gence est telle que le gouvernement vient de décider par décret d’élargir le nombre de secteurs sensibles et stratégiques et d’accorder à Arnaud Montebourg, le ministre de l’Économie, un droit de veto lui permettant de fermer la porte aux investisseurs indésirables.Victime de son capitalisme sans capital, la France se voit menacée de perdre le contrôle national de ses grands groupes, dont certains membres éminents ont d’ores et déjà commencé à délocaliser leurs sièges sociaux à l’étranger. Un signe de plus du déclin, certains disent de la décrépitude, de l’économie, déjà symbolisé par le passage dans le rouge de la balance commerciale, en déficit chronique depuis 2003. Alors, est-ce grave, docteur Montebourg!? La réalité est plus complexe.

Il faut tout d’abord rappeler que les inves-tisseurs étrangers sont depuis longtemps présents dans l’économie française et, en particulier, dans le capital des entreprises du CAC#40. Selon la Banque de France, les non-résidents détenaient, à la fin de l’an-née#2012, 410,4#milliards d’euros d’actions des 35#sociétés françaises composant l’in-dice CAC#40, sur une capitalisation bour-sière totale de 886,4#milliards d’euros. Ne

sont, en e"et, considérées comme «#fran-çaises#» par la banque centrale que les seules entreprises dont le siège social se situe dans l’Hexagone# : or EADS, Solvay, STMicroelectronics et Gemalto ont déjà installé leur siège social à l’étranger.Au regard de ces capitaux investis, le taux de détention par les non-résidents des actions françaises du CAC#40 atteignait 46,3!% en 2012. Une progression, comme en 2011, de

près de 2,2#points de pourcentage. La situa-tion capitalistique est plus diverse dans le détail#: la part des investisseurs non résidents varie de 50!% à 75!% dans 16#groupes. Ce n’est pas un phénomène nouveau# : le taux de détention du CAC#40 par les non-résidents est en fait revenu aux points hauts observés en#2004 et#2006, années au cours desquelles il dépassait déjà les 46!%. Mais, ce phénomène tranche avec le passé. À titre de comparaison, le taux de détention étrangère du CAC#40 s’élevait à 36!% en 1999, 33,4!% en 1997 et à moins de 10!% à la fin des années#1980. À eux seuls, les fonds souverains, notamment norvégien et qatari, contrôleraient actuellement 27 !% du CAC#40, selon le cabinet d’analyse finan-cière Alphavalue, qui estimait en avril à 49,9!% la part du capital des entreprises du CAC#40 détenue par les investisseurs étran-gers (voir le graphique ci-dessus).

DES ENTREPRISES PUISSANTES ET ATTIRANTES

Cet appétit est loin d’être irrationnel. D’une part, les membres du CAC#40 sont tous des leaders européens ou mondiaux sur leurs marchés. Rappelons qu’avec 31#entreprises classées –#contre 29#entreprises allemandes et 26#britanniques –, la France se place au quatrième rang mondial du millésime 2012 du Fortune Global 500.Il est donc logique que ces entreprises cotées s’attirent les faveurs des investisseurs, peu

France, tes entreprises foutent le camp!!

PAR FABIEN PILIU

@fpiliu

LES PME AUSSI SONT DES PROIES… ALLÉCHANTES !

À l’Agence française des investissements internationaux (AFII), on

se réjouit. Après un début 2013 catastrophique, marqué par une chute des projets, notamment américains, la dynamique de l’investissement étranger créateur d’emploi s’est maintenue, avec une contribution à l’emploi supérieure à celle de 2012. L’année dernière, la France a attiré 685 nouveaux projets, contre 693 en 2012, recense le « Rapport 2013 des investissements étrangers créateurs d’emploi en France »,

publié par l’AFII en avril dernier. « Au total, ces décisions d’investissement ont créé ou maintenu 29 631 emplois, contre 25 908 en 2012, portant le stock d’emplois créés par des investisseurs étrangers », explique Serge Boscher, le président par intérim de l’AFII, depuis le départ de Véronique Bédague-Hamilius à Matignon. Si 50 % de ces projets sont des créations de nouvelles structures ex nihilo, l’autre moitié représente des extensions de sites existants et des reprises d’entreprises.

Concrètement donc, 347 entreprises tricolores sont passées, partiellement ou totalement, sous pavillon étranger en 2013, contre 327 un an plus tôt, selon le Bureau Van Dijk. Précisément, 53 % des investissements étrangers dans les entreprises françaises concernent la majorité, voire la totalité du capital de ces dernières. C’est moins qu’en 2012, quand les acquisitions représentaient 63 % des opérations recensées par BVD. À l’inverse, dans 38 % des cas, les groupes étrangers se sont contentés d’une part

minoritaire (contre 30 % en 2012). 7 % des rachats de sociétés tricolores ont, quant à eux, été opérés sous forme de fonds de capital-investissement ou de capital-risque (institutional buy-out).Un secteur se détache-t-il ? « Depuis 2011, c’est le secteur numérique qui attire le plus les investisseurs. C’est très positif. L’image de la France est associée à la créativité, son savoir-faire dans le domaine de la recherche, de l’innovation, du design et de l’ingénierie est mondialement reconnu », constate Serge Boscher. F.P.

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importe leur nationalité, d’autant plus qu’elles ont su traverser la crise en subissant un minimum de dégâts. Ainsi, en 2010, un an après l’année la plus sombre pour l’économie française depuis 1945, marquée par un repli de 2,6!% du PIB, toutes les entreprises du CAC"40 –"à l’excep-tion de Renault, Peugeot, Dexia, EADS, Alcatel Lucent et STMicroelectronics –, ont versé des dividendes en hausse à leurs actionnaires au titre de l’exercice 2009!! Quant au rendement de ces actions, c’est-à-dire le revenu annuel que procure un de ces titres à l’instant «"t"» à son détenteur, il a également progressé cette année-là, parfois dans de très jolies proportions. Ce fut par exemple le cas du rendement de l’action Lafarge (+4,26!%), AXA (+4,49!%), Lagardère (+5,02!%), Crédit Agricole (+5,56!%), Total (+6,05!%), GDF Suez (+6,06!%), Unibail-Rodamco (+6,31!%), Vivendi (+8,43!%), Suez Environnement (+9,55!%).

LA FIN PROGRESSIVE DES PARTICIPATIONS CROISÉES

Il faut également avoir à l’esprit que les entreprises du CAC"40, comme les autres sociétés européennes, profitent du chan-gement de stratégie des investisseurs internationaux qui souhaitent rééquilibrer leurs allocations d’actifs entre les marchés américains, jugés surcotés après avoir continuellement progressé depuis 2009, et les marchés européens, décotés.Publiée en août"2013, l’étude mensuelle de Bank of America-Merrill Lynch auprès de grands gérants d’actifs dans le monde n’in-diquait-elle pas que 20!% des investisseurs interrogés allaient donner plus de poids dans leur portefeuille à la zone euro à hori-zon douze mois, soit la plus forte propor-tion observée en six ans!?La montée en puissance des entreprises étrangères dans le capital des grandes entreprises cotées s’explique enfin par la fin progressive du système des participations croisées, instauré lors des privatisations de

1986 par Jacques Chirac alors Premier ministre, sous l’impulsion d’Édouard Balladur, son ministre des Finances. Ce sys-tème consistait à demander aux grandes sociétés françaises de conserver des parti-cipations plus ou moins importantes dans d’autres sociétés tricolores. Ainsi, Bouygues détient actuellement 20 !% du capital d’Alstom, et est en partie à l’origine des mouvements à venir, puisqu’il ne considère plus cette participation, dans le pôle énergie notamment, comme stratégique, l’alliance avec Areva ayant échoué.Avantage de ce système": les entreprises se protégeaient ainsi d’éventuelles prises de contrôle par des entreprises étrangères grâce à la création de «"noyaux durs"» d’action-naires stables contrôlant une part impor-tante du capital. Son inconvénient majeur!? Ces croisements immobilisaient le capital d’entreprises dans d’autres sociétés sans aucun intérêt stratégique pour elles.Mais avec le début de la mondialisation, les entreprises françaises ont progressivement mis fin à ces participations croisées afin de se recentrer sur leurs principaux métiers et de financer leur développement à l’interna-tional, via le rachat de leurs concurrents étrangers et l’ouverture de filiales. Depuis la fusion entre les sociétés d’assurance AXA et UAP en 1996, qui constitue le point de départ de ce processus de démantèlement, l’impor-tance des participations croisées ne cesse de décroître. Si le poids des entreprises, mais aussi des holdings familiaux, représentait 25!% de l’actionnariat des entreprises du CAC"40, il ne dépasse plus 20!% désormais.

LE CAPITALISME A-T-IL UNE PATRIE ?

Ce point est important. En mettant fin aux participations croisées, les grands groupes ont dégagé les ressources nécessaires à leur indispensable expansion internatio-nale, qui s’est brutalement accélérée au début des années"2000. Comment ont-elles procédé!!?

APRÈS ALSTOM, QUI SONT LES PROCHAINS SUR LA LISTE ?

S ur la place parisienne, les volumes de fusions

et d’acquisitions ont repris depuis le début de l’année 2014. Et il n’est pas à exclure qu’après Alstom, d’autres grandes entreprises succombent à l’avenir aux velléités de rachat d’investisseurs étrangers. De nombreux grands groupes français occupent en effet des positions de leaders mondiaux dans leur secteur respectif. Ce qui attire les convoitises à un moment où les perspectives économiques s’éclaircissent pour certains.

Qui pourraient donc être les prochaines grandes entreprises françaises à passer sous fanion étranger ? Au préalable, semblent exclues celles dont l’État ou ses bras armés – Caisse des dépôts, Banque publique d’investissement, Agence de participation – sont des actionnaires solides. Leur présence dans de grands groupes comme Orange, EDF, GDF Suez, Renault, Safran, Thales, ou Air France, est dissuasive.Les grandes sociétés françaises les plus « vulnérables » sont davantage celles qui disposent d’un capital dispersé, comme Société générale, Vallourec, Vivendi, Air Liquide, Capgemini, Schneider

Electric, Danone, Legrand, Essilor, Unibail-Rodamco, Alcatel-Lucent Gemalto, Technip ou Total. Si une opportunité se présentait, un prédateur étranger pourrait tenter de venir rafler la mise. Les petites capitalisations boursières sont-elles les plus exposées ? « Il est vrai que la valeur moyenne des transactions est généralement inférieure à 5 milliards d’euros. Néanmoins, dans des secteurs concentrés avec des groupes de taille gigantesque comme la pharmacie ou la banque, beaucoup ont la capacité financière pour se racheter entre eux à des valeurs beaucoup plus élevées », explique Éric Pernot, responsable du secteur énergie chez BBVA Corporate & Investment Banking France.Mais il ne faut pas oublier que « les OPA hostiles se font de plus en plus rares, d’une part parce que l’acquéreur a tendance à payer un prix très élevé, mais aussi parce que l’OPA hostile crée souvent un malaise chez les effectifs qui la subissent. Ce qui peut, à terme, faire perdre de la valeur à l’entreprise », note Éric Pernot.

Le meilleur rempart contre les OPA hostiles reste, selon lui, la culture de « l’excellence » de ces grands groupes qui créent de la valeur, et cela les rend trop

chers pour beaucoup d’acquéreurs potentiels. Ainsi, la possibilité de création de valeur additionnelle par un acquéreur est d’autant plus difficile à envisager.Reste le phénomène de désengagement de certains fonds, actionnaires solides de fleurons de l’économie française, qui laisseront à terme la place à d’autres. Ainsi, le groupe hôtelier Accor pourrait voir deux de ses actionnaires principaux, le français Eurazeo et l’américain Colony (21,34 % du capital à eux deux), poursuivre leur désengagement progressif, amorcé depuis la mi-2009.De même, Wendel, principal actionnaire de Saint-Gobain (16 %), pourrait adopter une politique similaire. « Ces fonds ont un horizon d’investissement souvent plus long que les fonds de private equity traditionnels qui investissent généralement à 3 - 5 ans. Ils pilotent de manière assez neutre et pragmatique leurs opérations. Certes, ils s’attacheront à vendre au meilleur prix, mais ils ne seront pas un réel frein à l’arrivée d’investisseurs étrangers dans le capital de ces grands groupes français », explique Éric Pernot.

Les attaques venant de l’étranger devraient du reste se multiplier. Surtout à un moment où le modèle, jusqu’alors généralisé, de réductions des coûts en interne s’épuise. « La recherche de nouvelles synergies pour optimiser les coûts – après des années de programmes de réductions de coûts internes qui atteignent parfois leurs limites – peut également motiver les grands groupes à tenter des opérations de fusion et d’acquisition d’envergure », indique Éric Pernot. Toujours dans le but de maximiser les gains de productivité. MATHIAS THÉPOT

Les turbines d’Alstom,

convoitées de concert

par l’américain GE et l’allemand

Siemens. © Benoit DECOUT / REA

Suite p. 6 s

À Rueil-Malmaison (92), le siège social de Schneider Electric, considérée comme l’une des grandes sociétés françaises vulnérables. © P.-O. DESCHAMPS /AGENCE VU

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L’ÉVÉNEMENT6 I

LA TRIBUNE - VENDREDI 13 JUIN 2014 - NO 93 - WWW.LATRIBUNE.FR

DES PRATIQUES DIFFÉRENTES EN EUROPE, MAIS UN SOUCI COMMUN

La France est-elle un îlot isolé d’étatisme

et d’interventionnisme en Europe ? On le pense souvent. On a également souvent tort. Certes, certains pays semblent plus ouverts aux rachats de groupes nationaux par des investisseurs étrangers. La Suède, en 2011 avait refusé d’aider Saab automobile, qui avait été racheté par un consortium chinois. Mais, dans certains cas, même ces gouvernements savent utiliser des investisseurs privés nationaux pour conserver la « nationalité » de l’entreprise. Par ailleurs, les structures économiques rendent les actions de l’État moins utiles là où, comme en Allemagne, les PME « championnes du monde », tablent souvent sur l’autofinancement et le soutien des banques locales, plus que sur la Bourse.

Reste qu’opposer l’Allemagne libérale à la France étatiste est simpliste. Outre-Rhin, aussi, les pouvoirs publics n’hésitent pas à soutenir leurs « champions nationaux ». Le gouvernement fédéral allemand, quelle que soit sa couleur politique, a ainsi toujours défendu la « loi Volkswagen. » Dénoncée par la Commission européenne, elle a été modifiée en 2008, mais elle affirme toujours le principe d’une minorité de blocage de 20 % pour empêcher toute OPA hostile. Une règle qui n’a comme but que de prémunir Volkswagen, détenu à 20,8 % par le Land de Basse-Saxe, de tout achat non désiré.En Allemagne, cependant, l’action est moins directe qu’en

France. Officiellement, l’État ne se mêle pas de la stratégie et du capital des entreprises privées. Mais il peut aider à ce que certaines entreprises ne deviennent pas des « proies » d’entreprises étrangères. En 2008, Berlin avait ainsi, en sous-main, poussé une solution germano-allemande pour Dresdner Bank en soutenant le rachat par Commerzbank. Après la faillite de Lehman Brothers, ce soutien était devenu plus concret : 18,6 milliards d’euros avaient été prêtés pour réaliser l’opération. On se souvient aussi des milliards d‘euros dépensés par les Länder pour préserver les Landesbanken, les banques régionales, de tout contrôle étranger. Là encore, au grand dam de Bruxelles.

En réalité, en Allemagne, comme en France, on voit d’un bien mauvais œil la prise de contrôle étrangère de grands groupes nationaux. Le désastreux rachat de Mannesmann, fleuron de l’industrie nationale, par Vodafone, en 1999, continue de marquer les esprits et de déterminer une partie de la politique des gouvernements, fédéral et régionaux. Ainsi, en 2003, le Land de Hambourg avait acquis 10 % de Beiersdorf pour contrer une OPA de l’américain Procter & Gamble. En 2005, une vive polémique avait éclaté en Allemagne autour de l’action des fonds d’investissement, qualifiés alors par le ministre de l’Économie, Frank Müntefering, de « criquets dévastateurs » (Heuschrecken). Deux ans plus tard, l’offre de rachat

de l’équipementier auto VDO par le fonds Blackstone avait ému toute la classe politique et débouché, en 2008, sur une loi obligeant les initiateurs d’une OPA à dévoiler leurs « intentions. »

En Italie, le « patriotisme économique » est également une réalité. Le rachat de Parmalat en 2011 par le français Lactalis a été perçu comme un vrai drame de l’autre côté des Alpes. Un fonds souverain avait été créé par la suite pour bloquer les OPA étrangères. En 2013, il a pris le contrôle d’Ansaldo Energia pour empêcher un rachat par une entreprise sud-coréenne. Et l’on peut constater combien, dans l’affaire e la compagnie aérienne Alitalia, la question du patriotisme économique a été sensible.

Même le Royaume-Uni, souvent présenté comme un modèle d’ouverture, semble revenir sur certains principes. Le rachat de Cadbury par l’américain Kraft a provoqué une volonté de défense des Britanniques et un durcissement de la loi sur les OPA. Récemment, le gouvernement britannique s’est ému de la volonté de rachat du géant pharmaceutique AstraZeneca par l’américain Pfizer (qui a finalement renoncé à son offre) et Londres a même demandé à Bruxelles le droit de « bloquer les OPA lorsqu’il en va de la sécurité nationale, de la compétition et de la pluralité des médias. » Un ton qui rappelle Arnaud Montebourg au pays d’Adam Smith…

ROMARIC GODIN

Patrick Kron, PDG d’Alstom,

lors de son audition par

la Commission des affaires

économiques de l’Assemblée

nationale, le 20 mai 2014.

© FRANCOIS GUILLOT/AFP

En finançant leurs acquisitions hors de France via un accroisse-ment de capital et à l’échange d’actions fran-çaises nouvellement émises contre celles des sociétés détenues par les non-résidents. En procédant ainsi, les entreprises évitaient de recourir aux voies classiques comme l’apport en cash ou l’endettement. Concrètement, «!les actionnaires de la société cible se voient proposer d’échanger les actions de la société reprise contre des actions émises à cet e"et par la maison mère française initiatrice de l’investissement direct!», précise la Banque de France. Ce fut particulièrement le cas entre 2001 et 2006, avant que ce processus s’atténue sensiblement. «! L’année! 2012 semble marquer un nouveau tournant, avec un retour au parallélisme observé entre 2001 et 2006!: les flux d’achats d’actions françaises par les non-résidents progressent à la mesure des investissements directs français à l’étran-ger!», observe la Banque.

Cette stratégie a porté ses fruits. Les entreprises du CAC! 40 peuvent aujourd’hui se targuer de réaliser plus de la moitié de leurs chi"res à l’inter-national, notamment dans les émergents, échappant ainsi à la mol-lesse de l’activité sur le

Vieux continent. Le chi"re d’a"aires d’AXA en France ne plafonne-t-il pas à 22#%, celui de Saint-Gobain à 28,5#%#? Champions toutes catégories de l’internationalisation, STMi-croelectronics (électronique), Technip (ingénierie), Vallourec (biens d’équipe-ment), Pernod Ricard (vins et spiritueux) et Michelin (pneumatiques) réalisent plus de 90#% de leurs ventes hors de France.Bien conscient des opportunités de déve-loppement qu’un rapprochement avec l’américain General Electric pouvait o"rir, Patrick Kron, le PDG d’Alstom, est ainsi à l’origine de la volonté de rapprochement entre son groupe et le géant américain, qu’il considère comme plus complémentaire et socialement moins risqué pour les usines françaises que Siemens, le frère ennemi alle-mand, que Kron a toujours refusé depuis le sauvetage d’Alstom par Nicolas Sarkozy, en 2004. Son principal tort!: ne pas avoir averti Arnaud Montebourg, qui a appris l’info via l’agence Bloomberg.

LE RETOUR DES FUSIONS ET ACQUISITIONS

Depuis cinq ans, en raison de la crise finan-cière, la situation était anormale, le marché des fusions acquisitions étant bloqué. Aujourd’hui, l’heure est à la normalisation. Le jeu des a"aires reprend. Les entreprises, si elles veulent créer de la valeur, n’ont pas

d’autre choix que de croître, via de la crois-sance organique, mais également grâce à de la croissance externe. Ceci est particulière-ment vrai pour les entreprises d’envergure internationale. C’est la raison pour laquelle il serait excessif de conclure que les récents rachats traduisent une dégradation de l’éco-nomie française. Les entreprises tricolores, comme les autres, sont elles aussi à l’o"en-sive «!pour racheter des concurrents, des parte-naires, des sous-traitants!», observe Jérôme Hervé, directeur associé senior chez Boston Consulting Group.Pour Serge Boscher, le président par intérim de l’Agence française des investissements internationaux (AFII), les dossiers Lafarge, PSA et Alstom ne devraient pas susciter de polémique. «!Il faut se féliciter que Dongfeng ait choisi PSA. C’est parce que le constructeur est passé maître dans la gestion managériale de ses usines et qu’il possède un large portefeuille d’in-novations que le groupe chinois est entré dans le capital de PSA. Avec ce rapprochement capita-listique, le constructeur français aura désormais les moyens d’accélérer sa stratégie à l’internatio-nal, notamment en Chine, qui représente l’un des marchés les plus prometteurs. Le rapprochement d’Alstom, qui, faut-il le rappeler, a"che une bonne santé financière, avec un autre géant du secteur, doit également être perçu comme une opportunité!», explique-t-il même si, admet-il, «! il faut veiller à ce que les groupes français puissent continuer de traiter d’égal à égal avec leurs nouveaux partenaires. C’est l’enjeu princi-pal des rapprochements en cours et à venir. Il faut absolument qu’ils débouchent sur des accords et des relations gagnant-gagnant!».Le capitalisme n’ayant pas de patrie, que peut faire le gouvernement face à un risque de perte de la substance nationale des entre-prises françaises#? Ses moyens sont limités, que ce soit sur le plan de la force de frappe financière, publique comme privée. Idem sur le plan juridique, en vertu des règles de la concurrence. Il n’a donc pas d’autre choix que d’adopter une attitude ambivalente aux yeux des inves-tisseurs en défendant les entreprises straté-giques appartenant à des secteurs sensibles –!les prises de position d’Arnaud Montebourg dans le dossier Alstom en sont les plus parfaites illustrations – et de renforcer le dis-positif de contrôle des investissements étran-gers en France. Di$cile à concilier avec le tapis rouge annoncé aux entreprises qui souhaitent s’implanter en France ou reprendre des entreprises en di$cultés, que l’on est souvent bien content de trouver et d’attirer. L’exercice est délicat. Les Français semblent déroutés, s’inquiétant des enjeux pour l’emploi. 58#% des personnes interrogées début avril par l’institut BVA se disaient mécontentes de la gestion par l’État du dossier Alstom. Ils étaient 55#% à se déclarer favorables à une nationalisation temporaire du groupe pour éviter son démantèlement.

En février 2010, l’annonce du rachat de Cadbury par l’américain Kraft a suscité des manfestations d’employés et a conduit à un durcissement de la loi britannique sur les OPA. © OLI SCARFF / GETTY IMAGES / AFP

90 % du chiffre d’affaires de plusieurs grands groupes français sont réalisés hors de l’Hexagone.

s Suite de la p. 5

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LA TRIBUNE - VENDREDI 13 JUIN 2014 - NO 93 - WWW.LATRIBUNE.FR

I 7L’ÉVÉNEMENT

Dans le dossier Lafarge-Holcim, Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement pro-ductif, avait déclaré qu’il serait vigilant quant au caractère

équitable de cette fusion. Dans le dossier PSA, il avait défendu à contrecœur un «!échange de bons procédés!» après l’entrée au capital simultanée de l’État et du constructeur chinois Dengfeng. En revanche, le démantè-lement d’Alstom a fait bondir celui qui est désormais le ministre de l’Économie. Comme dans le dossier Dailymotion, un temps la proie de l’américain Yahoo"!, Arnaud Monte-bourg s’est montré très o#ensif, n’hésitant pas à faire monter les enchères de la part de l’américain GE, notamment en incitant l’alle-mand Siemens à entrer dans la danse.À défaut de pouvoir compter sur l’épargne logée dans les PEA –!on ne recense que 5!millions de placements de ce type, contre 60!millions de Livrets!A –, le ministre de l’Économie envisage même de prendre des mesures contraignantes pour orienter l’assurance-vie vers le capital des grands groupes français"! «!Nous avons une épargne nationale extraordinaire, 1"300!milliards d’euros qui sont dans l’assurance-vie, qui de surcroît jouit d’une bonification fiscale. Nous n’avons jamais encore à ce jour décidé d’augmenter le degré de contrainte sur les compagnies d’assu-rance pour qu’elles décident d’investir dans des proportions plus importantes dans les grandes entreprises de notre pays. Nous le pourrions. Nous avons nos fonds de pension, mais on ne les utilise pas"! Cette question, on va la poser aux assurances, aux fonds de retraite mutualistes en leur disant que nous avons besoin que cet argent, des milliards, des centaines de milliards, s’investisse dans nos entreprises!»,!a déclaré fin mai le ministre de l’Économie, lors de son audition sur le dossier Alstom par la com-mission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale.Ces interventions musclées de la part de l’un des deux patrons de Bercy tranchent avec les intentions élyséennes. Le 17!février, François Hollande n’a-t-il pas créé le Conseil supérieur de l’attractivité (CSA) déroulant ainsi le tapis rouge aux investisseurs étrangers"?

UN ÉTAT ACTIONNAIRE PLUS PRAGMATIQUE QU’IDÉOLOGUE

L’exécutif est-il donc schizophrène"? Pas vrai-ment. Il faudrait être naïf pour penser que le gouvernement français est le seul au monde à agir ainsi. Les États-Unis libéraux ont blo-qué le rachat de leurs ports ou de leur pétrole par des chinois. Tout dépend des entreprises ciblées par les investisseurs étrangers. S’il s’agit d’entreprises stratégiques ou de pépites potentielles, l’exécutif n’hésite pas à montrer les dents. Plusieurs outils sont à sa disposition!: l’Agence des participations de l’État (APE) et Bpifrance Investissement, au sein duquel le Fonds stratégique d’investis-sement (FSI) a été dilué. Mais quand le second sou#re d’un défaut majeur –!une force de frappe limitée de 14!milliards d’euros constituée de participa-tions apportées par l’État et la Caisse des dépôts – le premier, rééquilibrage des comptes publics oblige, a revu sa doctrine d’investissement. Lors du Conseil des ministres du 2!août!2013, le gouvernement a présenté une communication sur la moder-nisation de l’État actionnaire, précisant que l’État pourrait «!envisager de réduire les

niveaux historiques de participation publique dans certaines entreprises, dès lors que le niveau de contrôle ou d’in-fluence de l’État actionnaire n’en serait pas significativement a#ecté!».En pleine a#aire Alstom, Arnaud Montebourg a également fait étendre par décret le champ des secteurs qui relèvent de la procédure d’autorisation des investissements étrangers, afin que le gouvernement puisse «!s’assurer que ces objectifs légitimes seront pleinement pris en compte par les investisseurs étrangers, qu’ils soient issus de pays de l’Union européenne ou de pays tiers!». Jusqu’alors cantonné à 11!activités liées à la défense et à la sécurité, il s’appli-quera désormais aussi à l’approvisionnement en électricité, gaz, hydrocarbures ou autre source énergétique, à l’exploitation des réseaux et des services de transport, à l’approvisionnement en eau, aux communi-cations électroniques et à la protection de la santé publique. Des engagements spécifiques, des conditions pourraient leur être réclamés. Le texte donne aussi un droit de veto au ministre de l’Économie"!En revanche, dans les secteurs non sensibles, a fortiori quand de nombreux emplois sont

en jeu, le gouvernement est plus accueillant. Arnaud Montebourg s’est prononcé en faveur d’un repreneur égyptien pour Pétroplus et s’est porté garant de l’algérien Cevital, le repreneur de FagorBrandt. Mais dans le dos-sier Ascometal, le repreneur français Franck Suplisson, avec des capitaux anglo-saxons, l’a emporté sur le brésilien Gerdau, peu connu il est vrai en France.L’attitude du gouvernement est-elle ambiva-lente"? Malgré certaines provocations dues au tempérament propre à Arnaud Montebourg, l’exécutif se veut surtout pragmatique, conscient du poids des investissements étrangers dans l’économie française. Aujourd’hui, les entreprises étrangères emploient deux millions de Français, repré-sentent un tiers des exportations et 28"% de la R&D tricolores. Selon l’Insee, 1"250 des 4"800!ETI recensées en France étaient sous le contrôle de groupes étrangers en 2011. L’Insee relève plusieurs di#érences entre ETI «!étrangères!» et françaises. L’une interpelle particulièrement!: plus grandes et plus capi-talistiques, les premières versent des salaires plus élevés, supérieurs de 25"% en moyenne à ceux versés par les secondes. F.P.

Arnaud Montebourg et Carlos Tavares, PDG de PSA, lors de la conférence de presse sur l’accord de partenariat entre l’automobiliste français et le chinois Dongfeng Motor, le 26 mars 2014. © Hamilton / REA

QUAND LE CAC 40 S’EXILE

D ans les faits, l’internationalisation du CAC 40 se matérialise

aussi par la migration de sièges sociaux, d’activités ou de dirigeants au-delà des frontières françaises. Ainsi, la fusion entre Lafarge et le suisse Holcim va se traduire par un déplacement du siège social du groupe en Suisse. Arcelor Mittal au Luxembourg et EADS en Hollande sont deux autres exceptions connues d’une pratique toutefois peu répandue au sein du CAC 40, en grande partie parce qu’elle ne donne pas la possibilité de bénéficier d’une fiscalité plus attractive.

Les transferts d’activités ou de fonctions sont en revanche bien plus fréquents. Schneider Electric a, en 2011, annoncé que trois de ses directeurs généraux s’installeraient à Hong Kong et que le président de son directoire, Jean-Pascal Tricoire, y passerait davantage de temps afin de dynamiser le développement en Asie. L’an dernier, Total a, pour sa part, acté le transfert à Londres de la gestion de sa trésorerie et d’une partie de sa communication financière, soit 70 personnes au total, afin d’être en contact direct avec la capitale financière et pétrolière européenne.

Le PDG de Sanofi, Chris Viehbacher, a aussi récemment indiqué par l’intermédiaire de son groupe qu’il partait s’installer aux États-Unis. Une décision survenue quelques jours après celle de François-Henri Pinault (Kering) qui s’en va à Londres. Comme eux, de plus en plus de membres des directions générales d’entreprises du CAC 40 vivent désormais en dehors de l’Hexagone. Jamais, assurent-ils, pour des raisons fiscales, mais le plus souvent pour se rapprocher du client… M.T.

Mais que peut faire Arnaud Montebourg!?Après son décret élargissant les secteurs protégés face aux IDE, le ministre de l’Économie rêve de mobiliser les 1 300 milliards d’euros de l’assurance-vie.

De Alsthomà AlstomL’offre de rachat de l’américain GE sur l’énergie d’Alstom est un peu un retour aux origines. Un des lointains ancêtres du fleuron des TGV et des turbines n’est autre qu’une filiale de General Electric, Thomson Houston, qui avait fusionné en 1928 avec la partie ferroviaire de la Société alsacienne de construction mécanique. Als + Thom, soit Alsthom, qui passera sous le contrôle de la Compagnie Générale d’Électricité (CGE), puis se rapprochera du britannique GEC Power Systems, pour devenir GEC Alsthom. La CGE deviendra Alcatel, puis Alcatel Lucent (encore un Américain) et Alstom sans « h ».

Le CAC 40 estaussi un prédateurVivendi/Seagram, puis Universal ; France Télécoms/Orange ; GDF Suez/International Power ; EDF/Edison ; Sanofi-Aventis/Genzyme ; Unibail/Rodamco… Les stars du CAC 40 n’hésitent pas à passer à l’attaque quand leur stratégie internationale le commande. Accepter ou pas la réciprocité, c’est toute l’ambiguïté du « patriotisme économique ».

Les protectionsanti OPAIl existe tout un arsenal juridique pour un groupe français cherchant à se protéger d’une OPA hostile. Parmi le CAC 40, selon une étude du cabinet d’avocats Herbert Smith Freehills, 17,5 % plafonnent les droits de vote, 75 % ont des clauses de changement de contrôle, 32,5 % ont un actionnariat salarié et dans 12,5 % des cas, ils détiennent plus de 10 % des droits de vote. Enfin 90 % demandent des titres au porteur identifiable.

Plus d’actionnaires salariésFin 2012, les salariés et anciens salariés actionnaires dans les entreprises françaises était d’environ 3,7 millions, en croissance régulière depuis dix ans. À la même date, les actionnaires individuels « directs », étaient 4,1 millions contre 7,1 millions il y a dix ans. Le désamour des Français pour la Bourse tranche avec la volonté du gouvernement de favoriser l’investissement en actions.

REPÈRES

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LA TRIBUNE - VENDREDI 13 JUIN 2014 - NO 93 - WWW.LATRIBUNE.FR

LA TRIBUNE DE…8 I

PROPOS RECUEILLIS PAR FABRICE GLISZCZYNSKI

LA TRIBUNE – Comment se porte l’activité d’Emirates dans le monde ?THIERRY ANTINORI – Nous sommes tou-jours dans un cycle de croissance profitable. Au cours de notre exercice fiscal 2013-2014, clos fin mars, Emirates a été bénéficiaire pour la 26e!année consécutive. Notre béné-fice net a progressé de 43"% (+32"% au niveau groupe), à 887!millions de dollars, pour un chi#re d’a#aires de 22,5!milliards de dollars (+13"%). Notre marge de 4"% est certes cor-recte dans un secteur à faible rentabilité, mais son potentiel d’amélioration est élevé. L’investissement dans le produit, le réseau de destinations, la flotte et la marque conti-nuent de payer.

Emirates a ouvert 27 nouvelles routes en deux ans. Continuez-vous sur ce rythme effréné ?La fermeture pendant 80!jours (du 1er!mai au 20! juillet) de l’une des deux pistes de l’aéroport de Dubaï nous oblige à clouer au sol 20! avions durant cette période. Néanmoins, sur l’ensemble de l’année, notre o#re en sièges-kilomètre o#erts va progresser de 10"% par rapport à l’an der-nier. Dès que la piste rouvrira, nous lance-rons cinq nouvelles lignes, en août et sep-tembre (Abudja, Kanu au Nigeria, Chicago, Oslo, Bruxelles). Au final, nous lançons huit nouvelles lignes en 2014.

Quel est votre plan de développement pour la suite ?Emirates va continuer de surfer sur le dyna-misme de Dubaï comme hub touristique et économique, et sur son excellente situation géographique. Un tiers de la population mondiale se situe à quatre heures d’avion de Dubaï et 70"% à huit heures"! Les 7!mil-liards d’habitants dans le monde vont avoir à l’avenir des besoins de mobilité accrus, en grande partie en Asie et en Afrique. C’est

pour cela que nous commandons autant d’avions. Dubaï, dont 30"% du PIB provient de l’aviation et du tourisme, est prête à répondre à cette demande.

Emirates a annulé sa commande de 70 A350, quel sera le profil de la compagnie en 2020 ?Nous sommes en train de revoir nos besoins d’avions. Nous devrions transporter en 2020 70!millions de passagers, contre 44,5!mil-lions en 2013, tandis que notre flotte devrait passer de 219!avions aujourd’hui à au moins 250 en 2020. Une bonne partie des avions qui nous sera livrée d’ici là servira à renouveler notre flotte. Surtout, la capacité moyenne de nos appareils va fortement augmenter puisqu’elle va se rapprocher de 400!sièges contre 350 actuellement, et 300!sièges il y a trois ans. Ceci en raison de l’augmenta-tion de notre flotte d’Airbus A380. Nous en exploitons déjà 48 et 92!exemplaires sont en commande. Au cours des trois prochaines années, nous prendrons livraison de 10 à 15!nouveaux A380 par an. Certains d’entre eux, une minorité, devraient être équipés de seulement deux classes (classe a#aires et économique, sans première classe), avec un nombre de sièges supérieur à 600. Cette configuration adaptée aux volumes de trafic de certains marchés comme l’Inde ou cer-tains pays d’Asie du Sud-Est. Sinon, nous maintenons une configuration tri-classe (First, Business, Economy).

Comment évoluent les comportements des passagers ?Avec les nouvelles technologies et les nou-veaux moyens de communication que sont les médias sociaux, les consommateurs vont, encore plus qu’ils ne le font aujourd’hui avec Internet, choisir leur o#re de transport aérien eux-mêmes. Demain, il leur sera possible, par exemple, de réserver un billet d’avion en par-

lant dans un écran tactile situé dans la salle de bains. Grâce à la technologie, les clients seront de plus en plus maîtres de leur choix.

Quel est l’effet des médias sociaux sur votre activité ?Concernant les médias sociaux, les clients deviennent, avec les commentaires qu’ils font sur les produits, des sortes d’agences de publicité des compagnies aériennes. Les nouvelles technologies et les médias sociaux vont renforcer les marques fortes. C’est la raison pour laquelle nous investissons plus de 3"% de notre chi#re d’a#aires dans le mar-keting et que nous faisons du sponsoring. Cette forte visibilité sensibilise les gens à la marque, leur donne envie de voyager dans nos avions, à bord desquels la qualité du produit est généralement appréciée et gé-nère par la suite des commentaires positifs des clients. Il y a un cercle vertueux.

Emirates n’est plus seule dans le Golfe. Qatar Airways et Etihad Airways (Abu Dhabi), se développent également tous azimuts. Comment voyez-vous cette concurrence ?Avoir davantage de compagnies qui se développent et investissent dans le pro-duit ne peut qu’inciter le consommateur à

voyager plus. Pour autant, s’il y a des points communs entre Emirates, Etihad et Qatar Airways, il y a aussi beaucoup de di#érences, liées notamment à notre antériorité, qui nous procure un avantage en termes de taille puisqu’Emirates propose chaque jour entre 35 et 40"% de sièges en plus qu’Eti-had et Qatar Airways réunies, en termes de produit avec nos!48!A380 [Etihad et Qatar Airways recevront leur premier exemplaire cette année, ndlr], et en termes de notoriété, puisque notre marque est mieux installée.

Etihad, l’autre compagnie des Émirats arabes unis, multiplie les prises de participations capitalistiques dans le monde. Est-ce un danger pour Emirates ?Je ne suis pas là pour commenter la straté-gie d’Etihad. L’histoire dira si ces deux stra-tégies sont bonnes ou si l’une est meilleure que l’autre. La nôtre n’a pas dévié. Nous n’avons pas l’intention d’investir dans une compagnie aérienne. Nous ne voulons pas exposer notre marque dans de telles opé-rations, mais préférons investir dans le pro-duit et l’achat d’avions.

Et intégrer une alliance globale comme vient de le faire Qatar Airways, qui a rejoint Oneworld ?C’est la même chose. Intégrer un système d’alliances comporte un risque de dilution de la marque. Nous voulons contrôler tout ce que nous faisons. Pour autant, nous ne sommes pas fermés à des partenariats bilatéraux à condition qu’ils aient du sens pour le client, et que la marque de la com-pagnie partenaire soit forte et complé-mentaire de la nôtre, comme c’est le cas dans notre accord avec Qantas. Mais ce type de collaboration restera exception-nel. Nous n’avons pas d’accord en vue de la taille de Qantas. Nos capacités de ma-nagement sont limitées.

THIERRY ANTINORI, VICE-PRÉSIDENT EXÉCUTIF ET DIRECTEUR COMMERCIAL D’EMIRATES «!Nos commandes soutiennent des milliers d’emplois en France!»Ancien d’Air France et de Lufthansa, Thierry Antinori, vice-président exécutif d’Emirates, dévoile à La Tribune les ambitions de la compagnie aérienne de Dubaï en France. Il demande l’autorisation d’exploiter plus de vols vers l’Hexagone et rappelle « les milliers d’emplois » que soutiennent les commandes d’Emirates à Airbus.

«!Les États du Golfe considèrent le transport aérien comme une activité stratégique!»

@fgliszczynski

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LA TRIBUNE - VENDREDI 13 JUIN 2014 - NO 93 - WWW.LATRIBUNE.FR

I 9

Etihad a frappé assez fort en dévoilant ses nouveaux produits à bord, notamment son mini-studio dans ses A380, au point d’avoir désormais l’image de la compagnie la plus luxueuse du monde. Quelle est la réponse d’Emirates ?Emirates va faire évoluer ses produits, mais ne fera pas exactement la même chose. Pour la prochaine génération de première classe, nous travaillons sur un concept de chambres.

La France refuse de vous accorder de nouvelles autorisations de vols. Où en sont les négociations ?Nous exploitons 32!vols par semaine entre la France et Dubaï, 20 à Paris, sept à Nice et cinq à Lyon. Nos vols sont remplis à 87"%. Ce qui nous conduit à refuser des ventes en permanence. Il y a de place pour de la croissance. Nous demandons la possibi-lité de passer rapidement de 32 à 35! vols par semaine en France. Ce n’est pas une demande exorbitante. À Lyon, nous sou-haiterions passer de cinq vols par semaine à un vol quotidien. Certains tour-opérateurs d’Asie et du Moyen-Orient nous disent que cela développerait leurs ventes vers la région lyonnaise. À Paris, notre requête porte seulement sur un vol supplémentaire par semaine afin de pouvoir proposer à nos clients trois vols quotidiens tous les jours et non plus six jours sur sept comme c’est le cas aujourd’hui. Nous n’avons même pas trois vols par jour à Paris, quand nous en avons huit à Londres. Ensuite, en temps utile, nous serions prêts à investir égale-ment dans d’autres villes françaises, comme Marseille ou Toulouse.

Emirates est déjà la compagnie non communautaire à disposer du plus grand nombre de vols long-courriers vers l’Est, au départ de la France…Nous avons 16!vols par jour au Royaume-Uni, neuf en Allemagne et moins de cinq vols en France. Qu’est ce qui justifie ce dé-calage alors que les pays sont comparables sur le plan économique et que la France et les EAU ont passé des accords pour déve-lopper de 50"% les échanges entre les deux pays dans les années qui viennent"? En 2013, le commerce entre la France et les EAU a dépassé les 5,1! milliards d’euros, dont 3,9!milliards d’euros sont des exportations françaises vers les EAU. Entre!2000 et!2014, elles ont augmenté de 79"%. Cela peut jus-tifier de rapprocher notre o#re en France de celle que nous avons dans d’autres pays. Cela ne pourrait que développer le tourisme et l’économie française.

Oui, mais à Paris, vos avions sont en grande partie remplis par des passagers qui ne s’arrêtent pas à Dubaï, mais y prennent une correspondance…On ne peut plus réduire l’attribution des droits de trafic en se basant uniquement

sur des considérations limitées au transport aérien, car elles donnent à certaines compa-gnies nationales une influence dispropor-tionnée par rapport à des enjeux plus larges d’échanges commerciaux et de flux touris-tiques. Les droits de trafic sont octroyés par les ministères des Transports depuis la Convention de Chicago de 1944. Depuis, les échanges et le tourisme ont évolué. Les ministères du Tourisme ou du Commerce devraient être des parties prenantes plus importantes pour aborder ces questions de droits de trafic.

Qu’apporte Emirates à l’économie française ?La valeur de nos commandes d’Airbus s’élève à 106! milliards de dollars au prix catalogue, dont 37!milliards pour la flotte actuelle et 69! milliards pour les avions [avant l’annulation des 70!A350 d’une valeur de plus de 20!milliards de dollars, ndlr]. Ces com-mandes soutiennent des milliers d’emplois chez Airbus et ses fournisseurs en France. Le poids d’Emirates dans le programme A380 soutient à lui seul plus de 12"000!em-plois français directs et indirects. À cela s’ajoutent tous nos autres achats en France, qui s’élèvent à 486!millions d’euros. Nous sommes, par exemple, le premier acheteur de Dom Perignon dans le monde.

D’un autre côté, vos détracteurs disent que vous êtes en grande partie responsable des 10 000 suppressions de postes chez Air France ?Je ne conteste pas les chi#res. La vraie question est!: pourquoi Air France a dû sup-

primer autant d’emplois"? Les bonnes déci-sions ont-elles été prises au bon moment"? Le fait d’avoir recherché pendant trop long-temps une protection auprès des autorités françaises n’a-t-il pas empêché l’entreprise d’être su$samment agile pour répondre à ses défis"? La coupe des budgets marketing n’a-elle pas porté préjudice dans certains pays émergents où la marque Air France n’est pas une marque de choix, car l’inves-tissement a été insu$sant"? Je ne peux pas répondre. Notre seule préoccupation chez Emirates est d’être proche du client et du marché. Après, c’est le client qui décide. C’est son droit puisqu’il paie.

Plusieurs pays européens dénoncent les soutiens des États du Golfe à leurs compagnies et demandent des règles de concurrence équitables… Emirates ne reçoit aucune subvention. Nos comptes sont audités par un orga-nisme international, Price Waterhouse, et tout ce que nous faisons est absolument transparent. Le point clé dans ce débat, c’est que les États du Golfe considèrent le transport aérien comme une activité stratégique. Ils ont par conséquent investi massivement dans les infrastructures et ont mis en place un cadre réglementaire et juridique permettant de développer le transport aérien. Les aéroports sont par exemple ouverts 24! heures/24! et nous n’avons pas de taxes à Dubaï, contraire-ment aux pays européens. C’est le droit de chaque pays de définir les secteurs qu’il juge stratégiques. Par exemple, les EAU n’ont pas d’industrie automobile. L’Eu-

rope n’a pas estimé que le transport aérien était stratégique. C’est son droit, mais on ne doit pas blâmer les États du Moyen-Orient d’avoir fait le choix contraire. Au lieu de critiquer les États du Golfe, on ferait mieux de s’en inspirer. Mais les compagnies européennes restent de facto désavantagées par rapport aux compagnies du Golfe…De manière générale, il est e#ectivement plus facile de faire des a#aires au Moyen-Orient, quel que soit le secteur d’activité. Certes. Mais la vraie question est ailleurs. Il y a tout simplement des réponses complè-tement di#érentes de la part de certaines compagnies par rapport à la problématique commerciale du transport aérien. Tout cela relève des décisions managériales, qui n’ont rien à voir avec le fait que le transport aérien soit considéré comme stratégique ou pas. Certains managers ou certaines générations de managers se cachent derrière le cadre réglementaire pour masquer les di$cultés de leur compagnie. C’est parfois plus facile que d’assumer des décisions qui ont été sanctionnées par le client.

Que pensez-vous de la stratégie d’Air France ?Air France donne l’impression de redeve-nir o#ensive par rapport aux autres com-pagnies européennes. La direction met le produit au cœur de sa stratégie. C’est une bonne chose. Cela signifie qu’Air France va sans doute progresser même si Emirates ajoute deux vols par semaine sur Lyon et un vol de plus par semaine sur Paris…

DEPUIS 2012, LES COMPAGNIES DU GOLFE N’ONT RIEN EU DE PLUS

L’attribution de nouvelles autorisations de vols à des compagnies du Golfe

est toujours un sujet polémique en France. Car elle met en scène des acteurs dont les intérêts sont divergents. Ceux d’Air France d’un côté, vent debout contre les compagnies du Golfe, accusées de venir piller le marché européen, et de l’autre, ceux des différents acteurs de l’économie qui ne veulent pas que ce sujet pollue leurs affaires avec les pays du Golfe, notamment les industriels de l’aéronautique et de la défense, en particulier Airbus.Officiellement, lier les droits de trafic aérien entre deux pays aux affaires commerciales est interdit par la convention de Chicago, qui régit le transport

aérien. Seuls les flux de passagers qui voyagent entre les deux pays concernés doivent être pris en compte.La réalité est tout autre. Au regard de la puissance économique et diplomatique des États du Golfe, la direction générale de l’aviation civile (DGAC) a négocié ces derniers temps avec un mandat ayant fait l’objet d’un arbitrage au plus haut niveau de l’exécutif, après plusieurs réunions interministérielles agitées.Sous les présidences de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, les compagnies du Golfe se sont régulièrement développées dans l’Hexagone. Même début 2011, alors qu’Air France était au plus mal, les Émirats arabes unis ont obtenu des nouveaux vols pour

Emirates et Etihad. En contrepartie, Paris pensait avoir assuré des contrats stratégiques, comme celui des Rafale aux Émirats, dont Dassault Aviation n’a jamais vu la couleur.

Depuis l’arrivée de François Hollande à l’Élysée en 2012, le ton a changé. Un consensus s’est installé dans différents ministères pour ne pas accorder de droits de trafic aux compagnies du Golfe, tant que le redressement d’Air France ne se sera pas achevé. Jusqu’ici, le gouvernement a su résister aux demandes pressantes des pays du Golfe. L’an dernier, le premier ministre du Qatar avait écrit un courrier à Jean-Marc Ayrault pour l’exhorter à accorder de nouveaux droits à

Qatar Airways. De leur côté, les Émirats arabes unis ne cessent de demander « un ciel ouvert » avec la France (les compagnies de chacun des deux pays pourraient exploiter le nombre de vols qu’ils souhaitent), comme ils l’ont fait l’an dernier lors de la visite aux EAU de François Hollande. Pour autant, il sera compliqué pour la France de tenir encore très longtemps. Surtout face au Qatar, si ce dernier offre prochainement le premier contrat à l’export du Rafale. Dans cette hypothèse, nul doute que Qatar Airways se verrait attribuer dans la foulée de nouveaux vols en France. Et si tel était le cas, les Émirats viendront frapper à la porte pour obtenir la même chose pour leurs compagnies Emirates et Etihad Airways. F.G.

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SARGOS, OU COMMENT ANTICIPER LES ACTES DE PIRATERIE

L a sécurisation des navires aidant, les actes de piraterie

ont légèrement diminué, passant de 297 en 2012 à 264 en 2013, selon le Bureau maritime international. Parmi les constructions visées par les pirates, les plates-formes pétrolières, qui vont

pouvoir renforcer leur sûreté grâce au projet de recherche « Système d’alerte et de réponse graduée offshore » (Sargos). Sont parties prenantes dans ce projet : Total, GDF Suez, la DGA et la Marine nationale.

Ces entreprises étaient regroupées sous la bannière de Sofresud, une PME

spécialisée dans les solutions d’ingénierie pour le secteur de la défense navale et de la sûreté maritime.« Sargos est conçu pour détecter des embarcations non identifiées, les pister, évaluer leur dangerosité puis déclencher des réactions graduées appropriées », indique Bernard Alhadef, le président de Sofresud.

Forte de ce savoir-faire acquis dans Sargos, la PME a déployé avec Total Nigeria un nouveau système baptisé VMAS (Vessel Monitoring and Alert System). L’intérêt est de surveiller en temps réel la situation maritime de l’ensemble des zones pétrolières et de lever des alertes lors d’anomalies.

LA TRIBUNE - VENDREDI 13 JUIN 2014 - NO 93 - WWW.LATRIBUNE.FR

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ENTREPRISES

La filière maritime française multiplie les innovations afin d’aiderles armateurs à s’adapter aux nouvelles réglementations environnementales et à faire face à la hausse du coût des carburants.De quoi préserver la compétitivité du secteur.

PAR ERICK HAEHNSEN ET ÉLIANE KAN

@ErickHaehnsenD ans quelques jours, quelques semaines vous serez peut-être sur les plages et verrez passer bateaux et ferries. C e r t a i n s t r è s modernes, d’autres

plus anciens. Comment seront les navires dans les années à venir!? Moins gourmand en énergie et plus sûr, le navire du futur sera aussi plus propre et plus facile à entre-tenir. Des évolutions qui concernent aussi bien les bateaux de plaisance et de pêche que ceux a"ectés au transport de marchan-dises ou de voyageurs. Une pléthore de PME s’a"aire sur ce chantier avec d’impor-tants projets de R&D. C’est le cas notam-ment d’A2V, de Beyond the Sea, de CMR, de Fortil, d’Optis, de Sofresud, et de STR-Europe qui bénéficient du soutien des pôles de compétitivité Mer Méditerranée et Bretagne Atlantique. Bon nombre de leurs études concernent de nouveaux modes de propulsion des navires.Un sujet stratégique pour les armateurs visés par les nouvelles réglementations de l’Organisation maritime internationale (OMI). À commencer par cette obligation

de limiter les émis-sions de soufre en mer dans certaines «#zones d’émissions contrôlées de soufre#» (SECA, Sulfur Emis-sion Control Area). Premières touchées, la Manche, la Mer du Nord et la Baltique. Dans ces secteurs, les

armateurs devront, dès le 1er#janvier pro-chain, utiliser un carburant dont la teneur en soufre ne sera que de 0,1!%, contre 1!% aujourd’hui. Une obligation qui va ensuite se généraliser en passant, au 1er#janvier 2020, à 0,5!% au plan mondial. Cette réglementation sonnera peut-être la fin du fioul lourd auquel se substitueront d’autres types de carburants, comme le GNL (Gaz naturel liquéfié) qui contribue à diminuer les rejets d’oxyde d’azote, de CO2 et de particules fines au-delà de la réglementation actuelle. Certains arma-teurs français sont particulièrement avan-

10 milliards d’euros, c’est le chiffre d’affaires annuel de la filière française de l’industrie navale et nautique. cés sur le sujet. C’est le cas de Brittany

Ferries. La compagnie a confié au construc-teur naval STX Europe la réalisation d’un ferry au gaz qui innovera en intégrant des cuves de GNL dans ses soutes. Livrable à l’automne 2016, ce navire mesurera 210#mètres de long et transportera 2!474#pas-sagers, 600#véhicules et 40#camions pour un coût de 270#millions d’euros. «!Ce projet a bénéficié d’un soutien d’une trentaine de mil-lions d’euros dans le cadre des investissements d’avenir!», indique-t-on au ministère des Transports et de la Mer.Aussi séduisant soit-il au plan environne-mental, le développement de bateaux à gaz implique de surmonter de grandes di$cul-

tés d’ordre technique. «!Leur ravitaillement nécessite de trouver des autorités portuaires et des fournisseurs de gaz qui acceptent de développer des infrastructures à terre pour alimenter les navires!», soulève Christophe Avellan, directeur adjoint du pôle Mer Méditerranée.

DES NAVIRES TRACTÉS PAR CERF-VOLANT !

Dans le cadre du programme Navire du Futur, 34#projets collaboratifs sont soute-nus, pour un montant de 129#millions d’euros. Parmi ceux-ci, le projet Beyond

the Sea, piloté par le navigateur Yves Parlier. Colabellisé par les pôles Mer Méditerranée et Mer Bretagne, ce projet regroupe d’autres entreprises comme CMA-CGM et Porcher Industries ainsi que l’école d’ingénieurs ENSTA Bretagne. «!Notre idée consiste à tracter les bateaux à l’aide d’un cerf-volant. Ce qui fait gagner 20"% d’énergie sur la facture dès lors que le vent atteint 18!km/h. Dans cette configura-tion, un porte-conteneurs pourrait économi-ser 30"000! litres de carburant par jour"! Le système se composera d’un cerf-volant gon-flable équipé de capteurs de position et de mouvements. Il sera aussi piloté par ordina-teur grâce à un jeu de treuils et de poulies,

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RGOS

Le futur ferry à gaz de Brittany Ferries sera construit sur le chantier STX Europe de Saint-Nazaire. © STX EUROPE

Vague de nouveautés écolo sur les bateaux

INVENTER

@ElianeKan

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explique l’ingénieur-navigateur. D’autres systèmes existent, notamment celui de Skysails. Mais ce dernier est compliqué à mettre en œuvre.!» Yves Parlier prépare une campagne d’essais sur un navire de pêche d’environ 13! mètres, avec une voile de 50! m" fabriquée à Arcachon (Gironde) et dont le vol statique sera contrôlé automatique-ment. Pour financer sa recherche, Yves Parlier a prévu de commercialiser, à partir de la fin de l’année, des cerf-volants des-tinés, dans un premier temps, à des bateaux de taille plus modeste (5 à 10!mètres). «!Progressivement, nous propo-serons des systèmes pour de plus grands bateaux avec des cerfs-volants de plus en plus automatisés!», anticipe le vainqueur, entre autres, de la première édition de la Transat Jacques-Vabre, en 1994.

DEUX FOIS PLUS VITE AVEC MOINS DE CARBURANT

Autre vision de navire de l’avenir, celle apportée par A2V (Advanced Aerodynamic Vessels), une jeune entreprise qui veut révolutionner la filière avec un navire rapide et très économe en énergie. Sem-blable à un catamaran, il se distingue par sa nacelle en forme d’aile afin de voguer à la fois sur l’eau et dans l’air. «!Par rap-port à un bateau de conception traditionnelle et de taille comparable, notre bateau ira deux fois plus vite tout en consommant moins de carburant pour l’ensemble du trajet!», assure Matthieu Kerhuel, le directeur général de l’entreprise. Créée en juin!2013 à Carquefou (Loire-Atlantique), A2V veut développer une activité d’architecture navale spécialisée dans la création de navettes rapides dédiées, entre autres, au transport de passagers ou du personnel vers les plates-formes pétrolières. «!Nous avons prévu de construire fin 2014 un premier prototype d’une dizaine de mètres avant de passer à une unité de 25!mètres allant à une vitesse de 60!nœuds, annonce le directeur général de l’entreprise qui vient de clôturer une levée de fonds de 550#000!euros auprès de particuliers. Ces fonds vont contribuer à renforcer l’équipe qui comptera une dizaine de personnes fin 2014, dont des ingénieurs et docteurs issus de l’École centrale de Nantes.!»Le marché des navettes rapides pour le transport des passagers attire également STR Europe (Sustainable Technology and Research), un groupe d’ingénierie navale spécialisé dans la propulsion électrique et hybride. Créé il y a trente ans, cet acteur européen réunissant 15!personnes réalise environ 1! million d’euros de chiffre d’a$aires en 2013, dont 50#% sont consa-crés à la R&D. Dans le cadre du projet Déesse, STR Europe a développé une pre-mière navette fonctionnant, comme les voitures hybrides, au diesel et à l’électri-cité, grâce à des batteries au lithium. Fort de ces développements qui ont associé Éca Électronaval, Moteurs Baudouin et SupMéca, le groupe a sauté le pas avec une première navette, cette fois-ci tout électrique à destination de la Guadeloupe. D’une capacité de 50!passagers, celle-ci possède une autonomie d’une quinzaine

d’heures grâce à ses batteries Lightionics rechargeables. «!Nous avons conçu cette navette en association avec un chantier turc faute d’avoir trouvé un partenaire en France! », indique Carmine Biancardi, directeur de STR Europe.

MOTEURS TOUT ÉLECTRIQUES ET CAPTEURS ÉLECTRONIQUES

Les bateaux électriques séduisent aussi bien les professionnels du nautisme que les particuliers. En témoigne la société Fortil. Initialement spécialisée en ingénierie, celle-ci s’est lancée dans la conception et la vente d’un moteur tout électrique pour les petits bateaux et les annexes en mer. Le projet a réclamé deux ans d’études et 500#000!euros financés par l’entreprise qui réalise 8!millions d’euros de chi$re d’a$aires pour une centaine de salariés. Pour la première année de commercialisation du SL-One, Fortil affiche 900! exemplaires vendus, tous produits en France. La clé de son succès#? Sa batterie intégrée dans le moteur se recharge en deux heures grâce à un panneau solaire délivré par Fortil. «!L’alimentation est automatique et elle est même optimisée grâce à la carte électronique, qui pilote l’absorption du rayon-nement sur le panneau! », argumente

Frédéric Brinon, en charge de la commer-cialisation du produit, qui se veut une rupture technologique et commerciale, puisque le moteur est vendu moins de 1#400!euros (contre plus de 2#000!euros pour des modèles concurrents). Résultat, sur un marché potentiel de 7#000 unités, Fortil compte en vendre 3#000 en France et à l’export.Aussi performants soient-ils, les moteurs électriques ne sont pas encore adaptés aux trajets longue distance. Le fioul lourd et le diesel ont donc encore de beaux jours. D’où l’intérêt du projet Airclair, aujourd’hui en phase terminale. Il s’agit d’élaborer de nouveaux capteurs capables d’analyser en continu la qualité du carbu-rant entrant dans le moteur. L’objectif! : optimiser en permanence le réglage du moteur à injection électronique. Au final, ce procédé devrait permettre d’économiser 5#% sur la consommation du carburant. Le projet, qui avait pour chef de file l’entreprise CMR (Contrôle mesure régulation), un groupe international spé-cialisé dans l’instrumentation maritime, a nécessité 3,3! millions d’euros dont 1,5!million d’euros est financé par le FUI (Fonds unifié interministériel) et les col-lectivités de la région Paca. Pour réaliser ces fameux capteurs, le groupe de 700!personnes (70!millions de chiffre d’affaires) a fait alliance avec

l’École centrale de Marseille, l’Université d’Aix, la CMN (Compagnie méridionale de navigation) et la société SP3H qui détient le savoir-faire. «!Les capteurs seront produits à Marseille et équiperont les moteurs de bateaux mais aussi ceux des centrales élec-triques, qui sont confrontées aux mêmes pro-blématiques de rentabilité!», prévoit Patrice Flot, directeur général adjoint de CMR.

70 000 emploisL’industrie navale et nautique française compte 70 000 emplois pour un chiffre d’affaires annuel supérieur à 10 milliards d’euros. Selon les segments, le taux d’exportation varie de 30 % pour les navires militaires à 65 % pour le nautisme, et à plus de 80 % pour les paquebots et ferries.

80 millions pour les ferries propresUn appel à projets dédié aux ferries propres vient d’être lancé pour 80 millions d’euros. À cela s’ajoute, dans le cadre du prochain programme cadre Horizon 2020 (programme européen pour la recherche et l’innovation), une enveloppe de plusieurs dizaines de millions d’euros dédiée à l’ingénierie, la construction et la réparation navale.

Bientôt un simulateur optique Les chantiers et architectes navals auront eux aussi leur simulateur. Le programme conçu par le français Optis, éditeur français de solutions logicielles de simulation optique, va aider les concepteurs à imiter le comportement de la lumière et à modéliser la perception visuelle des usagers. Il sera disponible dans un an et demi.

Le moteur SL-One de Fortil intègre la batterie à recharge solaire. © FORTIL

Poétique et efficace : le navigateur Yves Parlier veut tracter les navires à l’aide de cerfs-volants géants. © BEYOND THE SEA

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ENTREPRISES LA TRIBUNE - VENDREDI 13 JUIN 2014 - NO 93 - WWW.LATRIBUNE.FR

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D’ici à quelques années, les aveugles pourraient retrou-ver la capacité de distinguer leur environnement, mais aussi de reconnaître des

personnes et peut-être même de lire des livres. Si, depuis dix-huit mois, un premier implant oculaire a été mis sur le marché pour remplacer les rétines abîmées, un nou-veau modèle, baptisé Iris (Intelligent retinal

implant system) vient d’être présenté par la start-up française Pixium Vision (28!sala-riés). Son innovation!: une caméra adaptée au langage neurologique. «!Les systèmes existant utilisent une caméra classique à 24 ou 30! images par seconde, précise le PDG et cofondateur de Pixium, Bernard Gilly. Nous avons conçu une caméra neuromorphique qui fonctionne comme l’œil humain, c’est-à-dire en continu. De ce fait, le cerveau peut mieux interpréter les stimula-tions que l’implant lui transmet.!» Le dispo-sitif Iris fonctionne en trois parties. D’abord, une minicaméra fixée sur des lunettes envoie ses informations à un ordi-nateur de poche. Ensuite, une fois traitées, les images sont transmises à un implant, fixé sur la surface de la rétine, qui stimule directement le nerf optique. Enfin, le patient équipé reçoit des informations visuelles qu’il réapprend à interpréter. En plus des technologies issues de l’Institut de la vision et de l’université Pierre-et-Marie-Curie, Pixium Vision a agrégé plu-sieurs développements scientifiques venus d’Allemagne et des États-Unis (université de Stanford). Sa solution est actuellement

testée sur des patients aveugles avec des premiers résultats prometteurs. Créée en 2011 avec l’un des meilleures oph-talmologues français, le Pr José-Alain Sahel, la start-up a e"ectué une levée de fonds de 24!millions d’euros en deux tranches (9,5!M# en mai!2012 et 14,5!M# en novembre!2013), auprès d’Omnès Capital, Sofinnova, Abin-gworth, Bpifrance et Seventure. Alors qu’elle devrait recevoir sous peu sa certifi-cation ISO/13$485, elle compte aujourd’hui ouvrir son capital en Bourse, afin de prépa-rer le lancement commercial en Europe et d’élargir les essais aux États-Unis.

45 MILLIONS D’UTILISATEURS POTENTIELS

Aujourd’hui, les deux concurrents d’Iris sont le dispositif Argus II, de l’américain SecondSight et l’implant Micropuce, de l’allemand Retinal Implant. Mais le marché potentiel est très large, avec 45!millions d’aveugles dans le monde. Selon une étude de l’EFAB (Forum européen contre la cécité), l’impact économique de la non-

voyance atteint 20!milliards de dollars par an en Europe. Bernard Gilly estime que les coûts médicaux sont de l’ordre de 35$000 à 40$000!euros par an pour une personne aveugle. Pixium devrait rapidement com-mercialiser Iris autour de 100$000!euros et discute actuellement avec les autorités sanitaires pour sa prise en charge au titre des implants.Avec l’université de Stanford, la start-up travaille aussi au développement du pro-chain modèle Prima (Photovoltaic retinal implant), doté de plusieurs milliers d’élec-trodes, contre 50 à 150 pour la version actuelle. «!Le marché de la neurostimulation représente plusieurs milliards d’euros par an (traitement de la maladie de Parkinson ou des douleurs chroniques, par exemple), et il connaît une très forte croissance. L’arrivée des implants rétiniens sur ce marché est très attendue.!»À plus long terme, la neurostimulation bien maîtrisée pourra sans doute permettre de plonger des personnes dans des réalités vir-tuelles ludiques ou de loisirs, comme l’an-nonçait le film de David Cronenberg, eXistenZ, en 1999. Mais pour cela, il faudra attendre encore au moins vingt-cinq ans.

Sans contrainte, pas d’innovation!», dit l’adage populaire. Les organi-sateurs des 24!Heures du!Mans auto l’ont en tout cas pris au pied de la lettre. Cette 82e!édition de

l’épreuve, dont le départ est donné samedi 14!juin à 15!heures, est celle d’une nouvelle réglementation!: les voitures de la catégorie reine, nommée LM P1, devront courir en consommant 30$% de carburant en moins. Un enjeu déjà de taille et d’autant plus s’il est mis en perspective. «!En vingt ans, on a réduit de 20"% la consommation des voitures. Là, sur une année, on la réduit de 30"%!», sou-ligne Vincent Beaumesnil, le directeur spor-tif de l’Automobile club de l’Ouest (ACO), organisateur de la course.Pour autant, pas question de sacrifier le spectacle. «!Sous le prétexte de l’innovation engendrée, on n’est pas prêt à tout ou à n’im-porte quoi.!» L’ACO a donc mené cette évo-lution avec toute l’expérience qui est la sienne. D’abord en préparant le terrain. Car, si le règlement est mis en place cette année, les premières manœuvres ont com-mencé à la fin de 2009. «!On est alors parti du constat que les règlements devaient évoluer, qu’on arrivait à la fin d’un cycle, raconte Vincent Beaumesnil. Il était aussi de notre responsabilité de garder le leadership en matière d’innovation.!»Il est vrai que, de ce point de vue, les 24!Heures du!Mans peuvent se féliciter d’être un laboratoire d’innovations! : les freins à disque de Jaguar en 1953, le turbo compresseur de Porsche en 1974, ou encore la voiture hybride d’Audi en 2012. L’idée de

travailler sur une forte baisse de la consommation est lancée. Très vite, les constructeurs sont associés à la réflexion. Ce qui permet de définir conjointement un planning de travail de quatre ans, durée nécessaire pour se préparer.

TROIS CONSTRUCTEURS EN POLE POSITION

Très concrètement, la nouvelle réglemen-tation prévoit principalement de limiter la consommation d’énergie des voitures, que ce soit au niveau du débit de carburant ou encore de l’énergie maximale récupérée et réinjectée par le système hybride. «!Avant, la clé de la performance était d’être le plus rapide possible. Aujourd’hui, c’est de tirer le

meilleur parti d’une quantité d’énergie limi-tée! », résume Vincent Beaumesnil. En outre, le poids, l’aérodynamisme et la sécu-rité sont également concernés par le nouveau règlement.Une fois les caractéristiques techniques connues, chaque constructeur s’est donc mis à la tâche. «!À l’inverse de la Formule!1, nous leur laissons une grande liberté pour créer. À chacun de chercher à en tirer le meilleur parti.!» Trois constructeurs sont engagés dans la catégorie des LM P1. Porsche, qui fait son retour dans l’épreuve des 24!Heures, Toyota et Audi. Et chacun a choisi une voie di"érente pour un même objectif!: grâce à l’hybridation, conserver un niveau de per-formance équivalent. Cette technologie repose sur deux procédés! : récupérer de l’énergie soit par un disque entraîné au

moment du freinage, soit via les gaz dégagés par le turbo. C’est cette énergie qui est redistribuée au moment de l’accélération et soutient la performance des voitures.Porsche, qui roule avec un moteur essence, va combiner les deux systèmes. Toyota équi-pera ses voitures de deux systèmes de Kers (Kinetic energy recovery system) installés sur les freins. Quant à Audi, qui roule avec un moteur diesel turbo, il a également fait le choix du Kers. Mais chacun des construc-teurs di"ère quant à la façon de stocker l’énergie récupérée. Quelles que soient les technologies employées, force est de consta-ter que le pari est gagné, si l’on en croit les premiers essais e"ectués lors de la journée test au début du mois de juin. En e"et, en dépit de la réduction de la consommation d’énergie, les voitures ne sont qu’à quelques centièmes de seconde des performances qu’elles réalisaient l’an dernier. Pour les constructeurs, Le Mans constitue donc un laboratoire grandeur nature, une occasion unique de tester non seulement les innovations, mais aussi leur résistance. Et tendre un peu plus vers l’un des 34!pro-jets de la Nouvelle France industrielle. Nissan ne s’y est pas trompé. La marque japonaise revient l’an prochain en compé-tition dans la catégorie reine. Mais dès cette année, les organisateurs lui ont ouvert les portes du 56e!stand, celui réservé aux pro-jets innovants. Avec un défi de taille!: que son prototype Zeod RC (pour Zero emis-sion on demand) soit la première voiture à boucler un tour de circuit sans une seule goutte d’essence.

Le nouveau règlement de la célèbre course auto impose 30 % d’économies de carburant pour la catégorie reine. Une façon pour les organisateurs de stimuler la recherche.

Les 24!Heures du!Mans, laboratoire d’innovations grandeur nature

Lors des essais des 24 Heures du Mans 2014, le 1er juin, les véhicules hybrides se sont révélés presque aussi performants que ceux à essence de 2013. Toyota est arrivé premier au LM P1, devant Audi et Porsche. © PASCAL SAIVET / VSA

Le PrJosé-Alain Sahel (à gauche) et Bernard Gilly, deux des cofondateurs de Pixium Vision. © PIXIUM

PAR DENIS KERDRAON

@dkerdraon

PAR FLORENCE PINAUD

@FlorencePinaud

La start-up française Pixium Vision développe un dispositif d’implant rétinien pour rendre des capacités visuelles aux aveugles. Son innovation fournit des images de meilleure qualité grâce à sa caméra neuromorphique.

Un implant dans l’œil pour retrouver la vue

CHANGER

CRÉER

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Du mur de glace isolant l’eau radioactive au plâtre 3D à ultrasonsChaque semaine, La Tribune vous propose de partir à la découverte des petites et grandes innovations qui annoncent l’avenir.

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Le ver marin, avenir de la transplantation ?Médecine. Des chercheurs de la société bretonne Hemarina ont découvert que le sang de l’arénicole, un ver marin, a un pouvoir oxygénant et serait compatible avec tous les groupes sanguins. Son hémoglobine peut acheminer cinquante fois plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine. Trois utilisations sont envisagées!: un substitut

sanguin, un pansement qui permet d’accélérer la cicatrisation et un système d’oxygénation des gre"ons avant les transplantations.

3 FRANCE – Brest

La première plate-forme d’hôtellerie africaineTourisme. «!Dans de nombreux pays africains, les portails de réservation en ligne ne couvrent que le marché national. Les grandes agences de voyages en ligne, de renommée internationale, sont présentes dans pratiquement chaque pays, mais n’ont pas la capacité nécessaire pour proposer toute la diversité des o"res.!» Marek Zmyslowski, un Polonais installé à Lagos, au Nigeria, a donc une idée de génie. En août!2013, il lance Jovago, une plate-forme riche d’environ 5#000!hôtels, qui répertorie tous les établissements du continent. Les clients peuvent comparer les o"res et

réserver sur le site, sans frais. Numéro!1 africain de la réservation en ligne, Jovago est passée en neuf mois de 10 à 100!employés.

L’application qui combat l’insécuritéCitoyenneté. Lancée début mai par un groupe d’amis, l’application CityCop permet aux citoyens de signaler des faits d’insécurité dont ils sont témoins ou victimes, en les indiquant en temps réel sur une carte interactive. Pour indiquer une agression, l’utilisateur place à l’endroit du méfait un petit drapeau. Chaque délit a sa couleur!: bleu clair pour le vol de voiture, orange pour un trafic de drogue, jaune pour une agression sexuelle, etc. Disponible sur Android et iPhone, CityCop a

déjà été téléchargée 25#000!fois. Un succès pour ce pays de 3,2!millions d’habitants où le sentiment d’insécurité est très élevé.

2 URUGUAY – Montevideo

Le pouvoir aux salariésManagement. Depuis janvier dernier, l’entreprise d’e-commerce Zappos tente un nouveau mode de gestion!: l’holacratie. Finis les managers, l’esprit bureaucratique et la hiérarchie, place à l’entreprise agile. Désormais libérés du joug d’une direction autoritaire, les 1#500!salariés se gèrent eux-mêmes au sein d’équipes auto-organisées. L’entreprise fonctionne autour des tâches à e"ectuer et non plus autour des personnes. Ainsi, les employés

n’ont plus d’intitulé de poste fixe, mais se voient assigner plusieurs rôles, avec des objectifs précis, définis par un collège de membres de l’équipe.

1 ÉTATS-UNIS – Henderson

5 NIGERIA – Lagos

14 ILA TRIBUNE - VENDREDI 13 JUIN 2014 - NO 93 - WWW.LATRIBUNE.FR

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Le premier téléphone en brailleTéléphonie. Jusqu’à présent, les smartphones n’étaient pas adaptés aux malvoyants. La start-up Ownphone, spécialisée dans les téléphones adaptés aux enfants ou aux personnes âgées, commercialise, pour 75!euros, le premier smartphone doté de touches en braille. Ce téléphone se compose de six touches#: une pour appeler, une autre pour raccrocher, les quatre autres correspondent à des contacts pré-enregistrés. L’acheteur peut renseigner les numéros de ses contacts

sur le portail en ligne de Ownphone, qui personnalise l’appareil grâce à l’impression 3D, moyennant 7!euros supplémentaires.

4 ROYAUME-UNI – Londres

PLUS D'ACTUALITÉS ET D'INFOGRAPHIES SUR LATRIBUNE.fr

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LE TOUR DU MONDE DE L’INNOVATION

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9 De la glace isolera l’eau radioactive

L’incapacité d’endiguer la fuite d’eau radioactive de la centrale nucléaire de Fukushima impose des solutions innovantes. Le nouveau plan d’isolation de Tepco prévoit la construction d’un immense mur de glace autour du réacteur n°!1. 1"550!tuyaux

vont être enfoncés profondément dans le sol et y injecteront un puissant liquide réfrigérant. L’objectif de cette «!congéla-

tion!»!: créer une sorte de rempart de 1,5!km de long sur 30!mètres de profondeur pour contenir l’écoulement des eaux contaminées dans l’océan. Les travaux, financés par le gouvernement, ont commencé depuis le 2!juin.

7

9 JAPON – Fukushima

Quand la chaleur du jour devient la lumière de la nuitÉnergie. Grands consommateurs d’énergie, les buildings peuvent aussi devenir économes. C’est le sens du projet de l’architecte néerlandais Ben van Berkel, qui a conçu une façade d’immeuble, à Séoul, équipée d’un dispositif capable d’absorber la chaleur dégagée à l’intérieur du bâtiment pendant

la journée. Le soir venu, cette chaleur stockée se transforme en énergie pour alimenter un magnifique spectacle nocturne de lumières.

8 CORÉE DU SUD – SéoulLe plâtre 3D soigne mieux grâce à des ultrasonsSanté. Un nouveau plâtre conçu avec une imprimante 3D, baptisé Osteoid, permet de guérir les blessures plus rapidement qu’un plâtre normal. Son secret"? Il di#use des ultrasons de faible intensité qui accéléreraient la guérison. Selon son créateur, porter ce «!plâtre!» pendant vingt minutes tous les jours augmenterait de 80 le taux de guérison des pseudarthroses (retard de consolidation des os après

une fracture). L’Osteoid a gagné le Golden A’ Design Award!2014 dans la catégorie Conception de forme et de produit imprimés en 3D.

Des couches-culottes en chair de méduseHygiène. Ofer Du-Nour, le PDG de la start-up Cine’al, a eu l’idée d’utiliser la chair ultra-absorbante des méduses, faites à 90"% d’eau, pour en faire des couches-culottes. Baptisées Hydromash, celles-ci se composent d’un mélange de gélatine de méduse et de particules antibactériennes, capables

d’absorber d’énormes quantités d’eau sans se dissoudre. Autre avantage!: ces couches sont entièrement biodégradables en quatre semaines.

Le cinéma à l’arrêt du busSociabilité. Un collectif d’architectes et de designers a eu une idée fort sympathique pour rendre l’attente aux arrêts de bus plus agréable!: installer sur les escaliers d’un immeuble tout proche une minuscule salle de projection, qui accueille jusqu’à sept spectateurs. Baptisé Stairway Cinema, ce mini-ciné di#use des courts-métrages en continu.

Chacun peut influer sur la programmation en suggérant des films sur un site dédié. L’objectif du collectif!: compenser le manque de convivialité aux arrêts de bus en invitant les citadins à vivre une expérience commune.

10 NOUVELLE-ZÉLANDE – Auckland

6 TURQUIE 7 ISRAËL – Tel-Aviv

LA TRIBUNE - VENDREDI 13 JUIN 2014 - NO 93 - WWW.LATRIBUNE.FR

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SÉLECTION RÉALISÉE PAR SYLVAIN ROLLAND

@SylvRolland

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ENTREPRISES LA TRIBUNE - VENDREDI 13 JUIN 2014 - NO 93 - WWW.LATRIBUNE.FR

16 I

A vec l’ambition de regrou-per des o!res collabora-tives, de covoiturage, d’entraide ou d’achat-vente, le réseau social de

voisins Mon P’ti Voisinage innove en faisant le pari de la proximité. Testé durant un mois à Corseul, Dinan et Quévert, en Côtes d’Armor, il a été lancé à l’échelle nationale au début du printemps. Plus de 1"000#voisinages de 10 à 20#foyers ont déjà été créés en Bre-tagne (hameau, bourg, quartier…) à Saint-Malo, Dinard, Rennes, Saint-Brieuc. Plusieurs centaines s’y ajoutent déjà à Paris, dans le Sud et à Lyon. Et il y a de la marge#: le nombre de réseaux de voisinage potentiels de 100 à 150#foyers est évalué à 200"000.«!Quelle que soit la recherche de service que l’on e"ectue, Mon P’ti Voisinage per-

met de ne pas naviguer entre di"érents sites pour faire du covoiturage, don d’un meuble ou du baby-sitting!», indique David Rouxel, un des trois cofonda-teurs qui a déjà créé, il y a quelques mois, la plate-forme de tourisme collaboratif Good Spot. «!Les gens participent vraiment à cette expérience et échangent sur plein d’autres sujets, animaux perdus, projets en commun, vie de quartier, etc. Grâce au marketing viral et à l’utilisation des réseaux sociaux, des ouvertures quotidiennes sont en cours en France. Des ambassa-deurs de quartier nous aident aussi à la communication sur place.!»Mais, pour le citoyen et consomma-teur désireux de s’engager dans cette démarche collaborative et accéder gratuitement au site, il faut montrer patte blanche. Sécurisé, Mon P’ti Voi-

sinage fonctionne sur la confiance, selon trois mécanismes# : la coopta-tion, mais surtout la géolocalisation du domicile et l’envoi d’un courrier avec code personnel.La plate-forme, qui ne trouve pas d’équivalence en Europe, s’enrichira au fur et à mesure de nouvelles rubriques et fonctionnalités. Quant à son modèle économique, il prévoit à terme l’ouverture à des partenaires de la consommation collaborative et à des services publics. L’intégration de la publicité localisée est annoncée pour la fin de l’année, une fois franchi le seuil de 100 "000# utilisateurs. «!Nous allons rapidement rechercher des fonds auprès d’investisseurs, notamment pour étendre Mon P’ti Voisinage aux plates-formes mobiles!», annonce David Rouxel.

Le réseau social sécurisé et géolocalisé Mon P’ti Voisinage regroupe des offres collaboratives et veut aider les voisins à mieux communiquer entre eux.

Créer du lien entre voisinsINVENTER

À l’heure de la 3D, se remettre à bâtir des maquettes…#!!» À Paris, dans les vastes bureaux paysa-gers de Systra, les architectes du leader mondial des infras-

tructures de transport public (3"800#salariés dans le monde) n’en revenaient pas d’avoir à réaliser pour de vrai, à échelle réduite, les viaducs pour le métro aérien. Des pratiques dépassées, selon ces accros du numérique. Et pourtant, mi-2012, comme leurs collègues de la direction technique, ils ont adopté une nouvelle méthode, le «#Makestorming#», développée par l’agence de conseil en inno-vation Nod-A. «!Il s’agit de se focaliser sur le “faire” [make], de rapprocher les cols-blancs des cols-bleus, les penseurs des faiseurs, explique Marie-Noéline Viguié, cofondatrice de l’agence. Nous cherchons à introduire les modes réactifs des start-up dans les grands groupes ou les PME qui se sont sclérosés au fil du temps, empêtrés dans des organisations pyramidales et cloisonnées, éloignés du monde physique.!»Le maître mot est donc le «#prototypage#». Tout le processus d’innovation repose, en e!et, sur un travail collaboratif et interdisci-plinaire autour de la fabrication des objets, qui donne immédiatement forme aux idées ingénieuses qui surgissent lors de rencontres ad hoc, ce qui n’a rien à voir avec le brains-torming. Et toute idée, que ce soit dans l’uni-vers de l’industrie ou des services, peut être matérialisée. Cardif, par exemple, filiale de BNP Paribas, a prototypé, grâce à un faux smartphone en fibres de bois et à des vignettes mobiles simulant les icônes d’applis, son dernier produit d’assurance habitation proposé sur le Web. En outre, des figurines ou des romans-photos aident à concrétiser les mises en situation. À chaque

fois, ce sont des collaborateurs et des pres-tataires de tous horizons, parfois avec des utilisateurs, qui ont mesuré, découpé, plié, brisé, moulé, ajusté, collé, monté, agencé…Chez Systra, habitué à concevoir des réalisa-tions en dur, la di$culté était de casser les usages de la profession. «!Les gens ont l’habi-tude d’intervenir successivement sur un projet selon leur métier, expose Jean-Daniel Kuhn, directeur des programmes innovation. D’abord, l’ingénierie civile, puis l’ingénierie voie, puis l’ingénierie systèmes (énergie, signalisa-tion…), ce qui oblige à des allers-retours pour se comprendre. En outre, chacun derrière son écran d’ordinateur risque de perdre la vision globale.!»

« UN PEU COMME DANS UNE CUISINE, ENTRE AMIS »

L’avantage des ateliers Makestorming –#les workshops – réside en ce qu’ils réunissent toutes les parties prenantes autour de la table et du matériel nécessaire à édifier une maquette. Cherchant à anticiper les appels d’o!res pour être dans les starting-blocks à l’instant «#t#», Systra s’est donc essayé à ce nouveau modus operandi, d’abord mi-2012 sur le projet de métro souterrain du Grand Paris, puis en avril#2013, sur le projet de futurs métros aériens de Paris, Shanghai, Ryad, Bombay, un programme nommé Highline. Et, à chaque fois, trois jours inten-sifs y ont été consacrés, selon un déroulé standard et co-animé par des collaborateurs de l’agence et de Systra. D’abord une phase d’inspiration, la matinée du premier jour. Pour Highline, quatre équipes (une par ville, 25#personnes en tout), mêlant ingénieurs de toutes spécialités, architectes, urbanistes,

commerciaux ont ainsi écouté des experts venus de l’extérieur, dont un fournisseur de matériaux innovants, un sociologue féru de la ville 2.0 et le responsable design de la RATP. «!À ce stade, l’objectif consiste à se docu-menter et à repérer les meilleures réalisations sur le sujet afin de ne pas réinventer la roue!», explique Stéphanie Bacquere, l’autre cofon-datrice de Nod-A. L’après-midi, les équipes ont planché chacune de leur côté, échangeant leurs réflexions, esquissant des dessins de viaducs intégrés dans le paysage urbain tout en tenant compte des contraintes techniques (sable, vent, bruit, circulation, esthétique, etc.). Puis elles se sont mélangées et concur-rencées entre elles directement, mais aussi via des jeux de rôle (l’usager, le riverain, l’élu, l’exploitant, etc.), aidées en cela par des «#fixeurs#», des spécialistes maison chevron-nés, hiérarchiques ou non.Les deuxième et troisième jours ont été voués au prototypage, avec, là encore, une logique d’itérations et de regards croisés entre équipes, sous l’œil critique des «#fixeurs#», ce qui a permis d’améliorer et de corriger les maquettes dont l’aspect s’est précisé peu à peu. L’aboutissement fut, dans

les dernières heures, la réalisation d’un film vidéo de cinq minutes et d’un site Internet dédié par ville-équipe, juste avant de présen-ter les résultats à un jury interne composé de dirigeants de Systra prêts à endosser le cos-tume du client. «!Nous n’avons jamais poussé à la compétition entre les collaborateurs, sou-ligne Jean-Daniel Kuhn, c’est l’esprit de “coo-pétition”, qui a prévalu. Ces workshops ont renforcé leur adhésion à ce projet. Un peu comme dans une cuisine entre amis, où l’un épluche les carottes, l’autre les pommes de terre, etc. On y discute assaisonnement, cuisson, mais après… plus personne ne critique le plat.!»«!C’est une excellente façon aussi redonner du sens et du plaisir au travail!», ajoute de son côté Monique Chézalviel, dirigeante du cabi-net conseil RH Egidia#: «!Construire ensemble, retrouver le goût de l’ouvrage bien fait, voir les choses avancer, permet de se sentir utile, alors que le virtuel qui envahit les entreprises crée de la distanciation avec l’objet.!» En tout cas, grâce au Makestorming, Systra a déjà remporté un marché sur le Grand Paris, un autre à Casa-blanca et a répondu à un appel d’o!res de Dubaï en reprenant deux des viaducs finali-sés du projet Highline.

Le groupe d’ingénierie Systra pousse ses collaborateurs à matérialiser leurs idées par des prototypes en polystyrène, papier, bois… Des ateliers de « Makestorming » qui favorisent l’adhésion.

L’art de fabriquer des maquettes pour mieux collaborer et se renouveler

Le Makestorming réunit autour

d’une maquette toutes les parties

prenantes d’un projet. Une façon

de s’éloigner du tout virtuel et de retrouver le goût

du travail bien fait. © SYSTRA

PAR MARIE-MADELEINE SÈVE

PAR PASCALE PAOLI-LEBAILLY

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CHANGER

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L’avion électrique, on en parlera dans les couloirs du Paris Air Forum, le premier rendez-vous des grands décideurs internatio-naux de la communauté aéro-

nautique, que la La Tribune organise le 11!juil-let prochain à Paris. Et pourtant, il y a encore quelques années, annoncer l’industrialisation d’un avion à propulsion électrique, même petit, aurait fait sourire… Beaucoup auraient même pris le pari que le projet n’aboutirait pas. Aujourd’hui, c’est une réalité. L’E-Fan vole et devrait être commercialisé en 2017. Aux manettes, c’est tout de même Airbus Group qui s’est allié à une petite entreprise de 10!salariés installée à Royan, Aero Compo-sites Saintonge (ACS), pour relever ce défi, lancé en 2011. «!C’est un projet un peu fou!», reconnaît Francis Deborde, fondateur d’ACS, qui vient de PSA, où il travaillait sur les moteurs hybrides et électriques. L’E-Fan avait déjà été dévoilé au Salon aéro-nautique du Bourget en 2013, mais il ne s’agissait que de sa «!coquille!», sans démons-tration. Cette fois, avec ce premier vol o"ciel

en avril dernier, le projet prend forme. «!C’est en réalité le 23e!vol!», précise Didier Esteyne, son pilote et directeur technique à ACS. Pour l’occasion, des journalistes étrangers avaient même fait le déplacement. À première vue, il ne paie pas de mine, 6,7!mètres de long, 9,5!mètres de large et 550!kg. Mais, c’est un petit bijou de technologie, en fibre de car-bone et propulsé par deux moteurs de 60!kW chacun, alimentés par des batteries au lithium-ion polymère de 250!volts. Côté puis-sance, il n’a rien à envier à ses concurrents «!thermiques!». L’E-Fan peut voler jusqu’à 220!km/h. Sa vitesse de croisière se situe à 160!km/h. Le plus étonnant, c’est qu’au décollage, il ne fait pas plus de bruit qu’un sèche-cheveux. Côté pilotage, les sensations semblent bonnes. «!On fait voler un E-Fan exactement comme un autre avion, avec des capacités de réaction, donc de sécurité, totalement identiques à un autre appareil!», assure le pilote. Le processus de certification est lancé et en bonne voie, dans la mesure où l’E-Fan est réalisé avec le soutien de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC).

Mais qui va acheter un tel avion#? En réalité, le marché de l’E-Fan est gigantesque. Il est destiné à devenir un avion-école dans les aérodromes. «!Dans le monde, il va falloir for-mer 650"000!jeunes dans les vingt prochaines années!», met en avant Jean Botti, le directeur général délégué technologie et innovation d’Airbus Group. Et, pour cela, il faudra 21#000!nouveaux avions-écoles. Airbus espère capter 10#% de ce marché mondial. L’E-Fan a un avantage de poids pour séduire!: son prix. Selon Airbus Group, une heure d’instruction sur E-Fan pourrait descendre sous les 100!euros, contre 120 en moyenne sur les avions à motorisation thermique. Et, une heure de vol, ce sera la capacité maximale d’autonomie de ses batteries en 2017, ce qui correspond à la durée moyenne des vols des avions-écoles. Autre atout, il y a moins d’en-tretien que sur un avion classique. Par ail-leurs, «!nous n’avons aucun concurrent direct!», précise Francis Deborde.

SIEMENS, DIAMOND AIRCRAFT ET ROLLS-ROYS DE LA PARTIE

Les premiers E-Fan devraient sortir de leur usine d’assemblage, tout près de l’aéroport de Mérignac, dans l’agglomération de Bor-deaux, en 2017. Entre 40 et 80!avions seront produits par an. Ce qui devrait amener la création de 350!emplois indirects locaux. L’E-Fan est appelé à évoluer et existe déjà en deux versions. Le prototype, l’E-Fan!1, comporte deux sièges en tandem, l’E-Fan!2, qui sera commercialisé, est doté, lui, de deux sièges côte à côte. L’E-Fan!4, à propulsion hybride, en cours de conception, va encore ouvrir de nouvelles voies. Il sera doté de quatre sièges et d’une autonomie de plus de trois heures. Le programme est ambitieux, car Airbus n’entend pas s’arrêter à l’avion-école. «!L’ob-jectif est de construire dans les vingt-cinq ans un

avion régional hybride de 90!places avec une autonomie de vol de trois heures!», dévoile Jean Botti. «!C’est un avion qui pourrait voyager de nuit sans perturber les riverains!», met-il en avant. Il s’agit d’un projet européen, baptisé «!e-thrust!», en partenariat avec Siemens, Rolls-Royce et Diamond Aircraft… Le banc d’essais, qui devrait être opérationnel en 2017, sera installé en Allemagne, à Ottobrunn. Mais, avant de devenir un avion commercial, il faudra résoudre l’éternel problème des bat-teries, qu’il va falloir miniaturiser. «!La com-plexité, c’est de dessiner un avion en y intégrant des batteries, qui pèsent lourd. Dès lors qu’on rajoute des kilos, on perd de l’autonomie!», résume Francis Deborde. Or, aujourd’hui, pour avoir l’énergie apportée par 1! kg d’essence, il faut 30!kg de batteries. Airbus va mettre les moyens pour y parvenir, car l’en-jeu est de taille. «!Depuis 1999, le prix du kéro-sène a triplé!», rappelle Tom Enders, le patron d’Airbus Group. En outre, la réduction des émissions des gaz à e$et de serre et la dimi-nution du bruit sont les défis de demain pour l’aviation civile. «!Je suis sûr que l’E-Fan aura une longue car-rière!», lance Jean Botti. En tout cas, ce n’est pas une initiative isolée. Il y a une tendance de fond. À titre expérimental, le groupe Safran vient de concevoir, avec Honeywell, un train d’atterrissage à moteurs électriques, l’EGTS (Electric Green Taxiing System), pour un Airbus A320. Un système qui pour-rait permettre de substantielles économies de carburant. Par ailleurs, les Suisses Ber-trand Piccard et André Borschberg, avec l’École polytechnique fédérale de Lausanne, ont conçu le Solar Impulse, un avion qui vole grâce à des panneaux solaires. En 2015, ils vont essayer de faire un tour du monde avec, en plusieurs étapes. À ce jour, il fait la taille d’un gros Airbus, mais ne peut embarquer qu’un seul passager… La révolution écolo-gique est en marche dans l’aéronautique.

Et si, demain, l’avion commercial régional était électrique!?

Le premier vol officiel de

l’avion-école électrique E-Fan

a été salué par le ministre

de l’Économie, Arnaud

Montebourg, le 25 avril dernier,

à Mérignac. © NICOLAS CÉSAR

PAR NICOLAS CÉSAR, À BORDEAUX, OBJECTIF AQUITAINE

@Nico33news

ANTICIPER

Dans quelques jours, les 3 cofondateurs de Money for job lanceront en France la première plateforme européenne de cooptation rémunérée dédiée au recrutement. Les entreprises en quête d’un nouveau collaborateur pourront déposer leurs annonces gratuitement, et ne paieront que si elles trouvent le profi l recherché. « Notre facturation est forfaitaire. Ainsi, même les petites entreprises peuvent s’offrir nos services », précise Christophe Midy, l’ingénieur. Il en coûtera ainsi 1750 euros HT par personne recrutée, quel que soit son niveau de qualifi cation. Money for Job versera une prime de 400 euros nets à toute personne dont le candidat proposé est embauché, et à tout candidat qui postule directement et décroche le poste. «Les networkers et les clients « annonceurs » peuvent suivre l’évolution du processus de recrutement grâce à nos algorithmes brevetés», souligne Jérôme Moureau, l’informaticien. C’est Vincent Balzano, inspiré par ses 25 années

d’expérience en ressources humaines, qui a eu l’idée. «Grâce au soutien de Bpifrance, nous avons pu relocaliser notre activité du Luxembourg en France, dans notre région économiquement sinistrée», indique ce Mosellan. « Aux côtés de nos investisseurs privés, Bpifrance nous a accordé une aide à l’innovation, un prêt participatif d’amorçage et des solutions d’accompagnement à l’export », souligne Christophe Midy. «Didier Pichot, le directeur régional de Bpifrance, et Philippe Fleurentin, notre chargé d’affaires Bpifrance, nous ont apporté des conseils précieux, des contacts et un grand soutien moral. Nous entretenons avec eux des relations quasi-quotidiennes.» Depuis la création du siège de Money for Job en France fi n 2013, 14 emplois ont déjà été créés en Moselle. D’ici à trois ans, 120 emplois devrait être créés au siège à Thionville, ainsi que 80 autres dans ses bureaux internationaux. Money for Job prévoit de couvrir onze pays en Europe courant 2015.

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Fin avril, l’E-Fan a réalisé son premier vol officiel. Développé par Airbus Group, cet avion 100 % électrique annonce une profonde révolution dans le monde de l’aéronautique.

PLUS D’INFORMATIONS SUR LE PARIS AIR FORUM

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LA TRIBUNE - VENDREDI 13 JUIN 2014 - NO 93 - WWW.LATRIBUNE.FR

MÉTROPOLES18 I

La gare Matabiau sera à 3 h 10

de Paris lorsque la Ligne à grande

vitesse (LGV) desservira

Toulouse, en 2024. © PATRICE NIN

D éjà minuit dans la Ville rose. Depuis Paris, l’arrivée en gare de Matabiau, après cinq heures trente de voyage, n’a rien de reluisante aux abords du canal

du Midi. Beaucoup d’étudiants empruntent les quais mais peu d’hommes d’a!aires. Il faut dire qu’avec l’aéroport de Toulouse-Blagnac, et sa navette entre Paris et Toulouse, la concurrence est aujourd’hui rude. La donne pourrait changer d’ici à 2024 avec l’arrivée de la Ligne à grande vitesse (LGV) et ses trois heures dix de trajet jusqu’au centre-ville de Toulouse. Une véritable opportunité à laquelle la quatrième ville de France se pré-pare. «!C’est même le projet urbain le plus impor-tant de la région pour les vingt prochaines années!», souligne le nouveau maire Jean-Luc Moudenc, dont la ville a basculé à droite aux dernières municipales. Celui-ci arrive au bon moment, à l’heure où des décisions politiques doivent être prises quant à la vocation d’un nouveau quartier de 400"hectares autour de la gare Matabiau. Bureaux, commerces, loge-ments, infrastructures publiques… Selon les premières études, c’est un poten-tiel de près d’un million de mètres carrés à construire, qui restent à répartir. La droite avait «! enclenché le projet dans les années!2000!», mais il y a eu «!une montée en puissance des études sous mon prédécesseur!», veut bien admettre Jean-Luc Moudenc, rival victorieux du maire sortant, Pierre Cohen, lors des dernières élections. Il faut dire que le projet fait consensus tant les opportunités pour Toulouse sont flagrantes. Les estima-tions évaluent à 38"millions le nombre de passagers par an en 2024, contre 17"millions actuellement. Dès 2018, avec la fin du plan rail régional et la mise en service de la LGV Tours-Bordeaux, le chi!re devrait atteindre 30"millions de passagers par an. Un consen-sus politique, à quelques nuances près…

Plus qu’une opposition sémantique, deux conceptions s’opposent à première vue. Contrairement à son prédécesseur, le nou-vel édile s’aventure à qualifier de quartier d’a!aires une partie du futur projet d’amé-nagement de la gare.

« JE METS ICI FIN À UN TABOU »

«!Un quartier d’affaires ne se décrète pas, rétorque Pierre Cohen, l’ancien maire PS désormais sur les bancs de l’opposition. Ce n’est pas un objectif en soi. Contrairement à Lyon, Toulouse ne bénéficie pas de l’implantation de grands comptes, en dehors de l’industrie aéro-nautique. Il y a une ambition de développement économique mais elle doit s’inscrire dans une dynamique, celle de métamorphoser Toulouse en métropole de dimension européenne et réussir Montaudran Aerospace [quartier dédié aux métiers de l’aéronautique, de l’espace et des systèmes embarqués, ndlr] ou l’Oncopole [dédié à la lutte contre le cancer, ndlr].!» Par conséquent, Pierre Cohen préfère se can-tonner à la définition de plate-forme multi-modale et de projet urbain.«!C’est bien sûr un projet multimodal, rétorque l’UMP Jean-Luc Moudenc. C’est même l’idée de départ que j’ai toujours défendue. On doit y trouver des logements diversifiés, des superficies commerciales, des équipements publics mais également un volet quartier d’affaires. Ce dernier permettra aux entreprises de transiter et de développer des activités économiques à proximité immédiate de la gare TGV. Je mets ici fin à un tabou qui était inspiré par des considé-rations idéologiques.!»Baptisé Toulouse Euro-Sud-Ouest en 2012, le projet doit préparer l’arrivée de la future LGV en gare de Matabiau. Pour un montant de 5,5" millions d’euros, une vingtaine

d’études ont été réalisées par Toulouse métropole en partenariat avec l’État, la région, le département, RFF et la SNCF. «!Nous avions alors validé le fait que la future plate-forme multimodale puisse supporter l’en-semble des trafics, y compris régionaux!», sou-ligne Pierre Cohen. Défait lors des dernières municipales, l’an-cien maire toulousain est cette fois contraint de rester à quai, et de scruter au loin le projet qu’il a pourtant porté au cours de son man-dat. Un schéma directeur a été établi pour la plate-forme multimodale qui concerne, dans un premier temps, les 20"hectares autour de la gare. Entre 5#000"et 10#000" logements pourraient émerger aux abords du site, notamment sur des terrains appartenant à la municipalité et à la SNCF.

UNE 3E LIGNE DE MÉTRO DÈS L’ARRIVÉE DE LA LGV

Le choix des architectes a été o$cialisé": le spécialiste des gares, Jean-Marie Duthilleul, et l’urbaniste catalan, Joan Busquets, planchent actuellement sur le projet d’amé-nagement de la gare et du futur quartier de 400"hectares. Cette équipe de renom ne sera pas bouleversée par la nouvelle majorité. «!L’alternance de 2014 ne doit pas se traduire par une remise à plat des projets, entend rassurer Jean-Luc Moudenc. Il faut travailler avec les équipes en place. Je veux qu’on aille de l’avant et qu’on ne perde pas de temps.!» Car Toulouse est l’une des dernières grandes villes à être enfin desservies par une LGV. «!On peut le déplorer, mais c’est ainsi, constate-t-il. Appuyons-nous sur l’expérience des autres villes et regardons ce qui a été fait ailleurs.!»Le projet du nouveau quartier Toulouse Euro-Sud-Ouest prévoit déjà un potentiel de 500#000"m2 de surfaces de bureaux, soit

douze fois le quartier d’affaires actuel à Compans-Caffarelli doté d’un centre de congrès. Sur ce projet à trente ans, Toulouse Euro-Sud-Ouest pourrait également conte-nir 400#000"m2 de logements, 50#000"m2 de surfaces commerciales et 50#000"m2 d’équi-pements publics. «!Je me refuse à arbitrer maintenant, indique Jean-Luc Moudenc, nou-veau président de Toulouse métropole. Des choix seront faits début 2015 afin de définir le bon dosage.!» Un agencement qui se fera aussi en concertation avec les di!érents acteurs éco-nomiques. «!Attention à ne pas déséquilibrer ni appauvrir le centre-ville!», s’inquiète toutefois Pierre Cohen. Contrairement à Lyon Part-Dieu ou EuraLille, la construction de tours n’est pas prévue a priori. L’état du marché actuel ne per-met pas d’a$cher une telle ambition": les prix de location de bureaux dans l’hyper-centre toulousain sont de 150 à 200"euros le mètre carré quand une tour nécessite une rentabilité autour de 400 à 500"euros/m2. «!Sur le principe, je ne suis pas hostile à prévoir des emplacements, réagit toutefois Jean-Luc Moudenc. Dans la mesure où le projet urbain s’étale sur vingt ans et se fera par tranches.!»À l’image du réaménagement de la gare de Rennes, la construction d’un deuxième bâti-ment est prévue à l’arrière afin d’ouvrir la gare sur plusieurs entrées. «!E"ectivement, je pense qu’il est préférable d’avoir plusieurs ouvertures pour fluidifier l’a#uence, confirme Jean-Luc Moudenc. Une seconde station de métro permet-tra aussi d’éviter la congestion.!» Le maire a en e!et été élu sur un programme ambitieux, portant notamment sur la réalisation d’une troisième ligne de métro reliant l’aéroport (au nord-ouest), au futur quartier Montaudran Aerospace (au sud-est), en passant par la gare Matabiau, en centre-ville. «!Je veux que la troi-sième ligne de métro desserve Matabiau dès la mise en service de la LGV, c’est-à-dire en 2024.!» La course contre la montre a commencé. "

PAR HUGUES-OLIVIER DUMEZ, À TOULOUSE, OBJECTIF NEWS

@Hugodumez

FRANCE

Un train de retard sépare encore Toulouse des autres métropoles. D’ici à 2024, la LGV desservira enfin la gare Matabiau, une opportunité pour métamorphoser tout un quartier de la Ville rose.

Direction le quartier d’affaires pour la LGV de Toulouse

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MÉTROPOLES20 I

LA TRIBUNE - VENDREDI 13 JUIN 2014 - NO 93 - WWW.LATRIBUNE.FR

PAR TRISTAN DE BOURBON, À LONDRES

A près sa TechCity destinée aux start-up des nouvelles tech-nologies, Boris Johnson vient de lancer MedCity !! Son objectif est simple" : faire de

Londres, et plus largement du triangle Londres-Oxford-Cambridge, la capitale mondiale de la recherche et du développe-ment médical. La nouvelle entité est une joint-venture entre la municipalité de Londres, le centre académique des sciences de la santé d’Imperial College, de King’s College Health Partners et UCLPartners, en coopération avec les universités de Cambridge et d’Oxford. Les trois centres académiques des sciences de la santé londoniens ont été créés entre"2007 et"2009 à la suite de la demande du ministère de la Santé de regrouper des antennes de recherche et des hôpitaux pour «"apporter les découvertes scienti-fiques du laboratoire à la salle d’hôpital, à la salle d’opération et au centre de soins, pour que le patient bénéficie de nouveaux traitements innovants"».Grâce à un financement de 4,12"millions de livres (dont 1,2"million de la mairie de Londres et le reste de fonds publics desti-nés aux universités), MedCity visera «!à stimuler la coopération entre les chercheurs, les entrepreneurs et les investisseurs! », comme l’a expliqué à La Tribune Kit Malthouse, adjoint au maire de Londres et initiateur du projet. «!Elle promouvra ce qui se fait ici afin d’attirer les investissements directs étrangers, et elle servira de lobby auprès de Bruxelles pour influer sur la légis-lation européenne en matière médicale.!» Un vaste programme.Pour justifier son implication, le maire de Londres pointe du doigt «!le manque d’am-bition lucrative [...] d’une communauté scien-tifique qui oublie parfois que l’on peut faire plus de bien pour l’humanité en commerciali-sant ses trouvailles qu’avec un prix Nobel"! Nous devons réussir à ce que cette prééminence

intellectuelle ait un impact positif sur notre économie!». La région emploie actuellement 705!900"personnes dans le secteur des sciences de la vie. Elle a attiré 35"nouveaux projets d’investissement étrangers au cours des années 2009-2013, représentant 330"millions de livres et 1!300"nouveaux emplois. L’an prochain, l’Institut Francis-Crick, un nouveau centre de recherche biologique et d’innovation ayant coûté 500"millions de livres, ouvrira également ses portes. Il emploiera à terme 1!500"per-sonnes, dont 1!250"scientifiques, et dispo-sera d’un budget opérationnel annuel de 100"millions de livres.

UN GUICHET UNIQUE POUR LES INVESTISSEURS

Les initiateurs de MedCity en attendent pourtant plus, beaucoup plus. Ils veulent «!créer de nouvelles entreprises, de nouveaux emplois et produire de nouveaux médica-ments pour soigner les patients!», ainsi que l’exprime Eliot Forster, son président. «!Peu de gens sont au courant des recherches et des travaux réalisés ici. Avec ce hub médi-cal, les investisseurs venus notamment de New York et de San Francisco n’auront besoin que de venir sonner chez nous pour que nous puissions les rediriger vers les projets qui leur correspondent. Nous servirons de porte d’entrée unique.!»Au premier abord, imaginer une collabora-tion entre ces centres de recherche paraît assez improbable, tant une rivalité ances-trale les sépare. «!On n’éliminera, en e#et, jamais la compétition entre nous, mais nous ne pouvons pas être tous les cinq, numéro un mon-dial!», sourit Patrick Maxwell, le respon-sable de l’école de médecine clinique de l’université de Cambridge. «!En revanche, en nous associant, nous pouvons tous progres-ser…!» Les chercheurs voient, en réalité, dans MedCity une possibilité sans précé-

dent pour développer leurs recherches –"et surtout les poursuivre. «!Lorsque l’on dirige un laboratoire, on passe 80"% de son temps à chercher de l’argent!», nous assure Jacques, un chercheur français installé à Londres, qui préfère rester anonyme. «!Au mieux, les universités britanniques paient ton salaire, mais n’attribuent pas de fonds de fonctionne-ment pour le labo. Tout le monde court donc après les deux créneaux possibles!: les bourses accordées par les entreprises caritatives et par le Research Councils UK [qui distribue l’argent public destiné à la recherche, ndlr]. Mais cela n’a rien à voir avec l’ampleur d’un soutien industriel.!» Surtout que, souligne Peng Tee Khaw, cher-cheur à UCLPartners et chirurgien ophtal-mologue à l’hôpital Moorfields, «!les cher-cheurs aiment chercher, pas forcément réaliser un produit, encore moins le vendre et en faire la publicité. Nous avons besoin de ces compé-tences commerciales et marketing!».

VISER LES START-UP PLUTÔT QUE LES GRANDS GROUPES

Les deux hommes applaudissent donc des deux mains les di#érentes facettes du pro-jet. «!Les universités sont gigantesques et il n’existe pas de plate-forme qui permette de savoir ce qui s’y fait, ni quelles sont leurs com-pétences!», assure le Français. «!Ensuite, accéder aux start-up sera sans doute beaucoup plus utile qu’approcher les multinationales pharmaceutiques, qui ne sont pas du tout à l’écoute des chercheurs!: toutes celles que j’ai rencontrées m’ont demandé de quitter mes recherches pour suivre leurs propres projets. Les start-up seront assurément plus intéressées par l’innovation.!»Peng Tee Khaw estime de son côté que «!le soutien de la mairie peut encourager les inves-tisseurs de la City à faire le premier pas, car ils ont une moins grande culture du risque qu’aux États-Unis, par exemple. Grâce à cela,

mes collègues américains sont soutenus par de nombreuses start-up et peuvent du coup employer beaucoup de monde pour lancer puis poursuivre leurs projets!».

LE SUCCÈS PAR L’ALLIANCE DES COMPÉTENCES

Steve Harris, le directeur exécutif de Circassia, l’un des petits joyaux britan-niques du secteur, en convient. «!E#ective-ment, nous n’intervenons pas dans les stades de recherche initiaux, car ils coûtent très cher puisqu’ils nécessitent de rassembler de nom-breuses données, et sont bien trop spéculatifs et risqués. Nous n’intervenons qu’aux stades pré-cliniques et cliniques pour développer les produits avant leur entrée sur le marché.!»Cette stratégie s’est révélée être un succès pour cette entreprise spécialisée dans le développement de produits contre les allergies, notamment au chat et à la pous-sière. Depuis son premier financement extérieur en 2007, Circassia est parvenue à trouver des fonds à chaque nouvelle étape (11" millions de livres en 2008, 15" millions en 2009 et 60"millions en 2011) avant de toucher le jackpot": 200"millions de livres lors de son entrée en Bourse à la mi-mars 2014, un record pour une entre-prise du genre. «!Notre réussite tient surtout au fait que jamais aucune entreprise de développement médical n’est entrée en Bourse avec un projet aussi évolué, donc un risque aussi faible!», tempère Steve Harris. «!Mais, nous sommes assurément arrivés là car les chercheurs ont compris qu’ils ne pouvaient pas s’improviser directeur exécutif. Notre alliance de compé-tences explique notre succès. MedCity aug-mentera ce type d’alliances et permettra peut-être de trouver des investisseurs prêts à financer les recherches plus en amont.!» Le monde britannique de la recherche n’attend que cela.

Londres, capitale mondiale de la recherche médicale!?

Sous l’impulsion de son maire, Boris Johnson, Londres s’allie à Oxford et à Cambridge pour constituer le triangle d’or mondial de la R&D médicale. L’objectif : faciliter la relation entre chercheurs, entrepreneurs et investisseurs pour stimuler « l’ambition lucrative ».

Le maire de Londres, Boris

Johnson, a officiellement donné le coup

d’envoi de MedCity, le 8 avril

dernier. © GEOFF CADDICK/PA

ROYAUME-UNI

@TwistanBP

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Olivier Charriaud est directeur général de Champagne Collet, la marque de la Cogevi (Coopérative générale des Vignerons de la Champagne délimitée), aujourd’hui en pleine renaissance.

L’EXPERTLA TRIBUNE ! VENDREDI 6 DÉCEMBRE 2013 - NO"70 ! WWW.LATRIBUNE.FR

I 8

Nouvel habillage des bouteilles, nouvelle mise en scène de la marque, nouvelles équipes et ambitions… Plus de quatre-vingt dix ans après la création de la marque Champagne Collet, c’est un nouveau départ ?

C’est la concrétisation de la straté-gie de valorisation de la marque que je suis chargé de mettre en œuvre depuis mon arrivée, il y a trois ans, à la direction générale. Avec plus de 700 vignerons adhérents, soit l’équivalent de 725 ha d’approvisionnement répartis dans toute la Cham-pagne, la Cogevi est la plus ancienne coopérative de vigne-rons en Champagne. Champagne Collet, qu’elle contrôle totale-ment, est une marque lancée en 1921, en même temps que la coopérative. Champagne Collet est une grande marque qui pêche un peu par son manque de notoriété, quand on la compare à certaines de ses grandes concur-rentes du vignoble champenois. Nous vendons pourtant environ 500 000 cols par an dont un peu plus de la moitié en France, le reste à l’export. Notre ambition affichée est de grandir autour du million de cols mais pas beau-coup plus. Nous ne sommes pas commercialisés en grande distribution, seulement en circuit sélectif, chez les cavistes et les restaurateurs. Et notre vocation n’est pas de couvrir tous les marchés de la planète.

Comment expliquez-vous ce manque de notoriété d’une marque qui a tout de même 90 ans?

La marque s’est construite davantage autour d’une culture de producteur que de commer-çant. Notre enjeu est justement de passer d’une entreprise qui produit à une société qui vend. Notre produit a toujours été reconnu pour sa qualité. C’est indispensable pour bâtir une marque sur la durée mais ce n’est plus suffisant. Les années 1980 à 2000 ont permis de constituer une assise financière solide. Depuis 2000, l’accent a été mis sur l’outil de production, de très haute qualité. Champagne Collet

jouit d’un bon fond de notoriété, car ses ventes sont loin d’être négligeables, mais nous n’avons pas pris le temps de raconter son histoire, qui mérite de l’être ! Les pères fondateurs de la Cogevi viennent des révoltes en Cham-pagne de 1911, qui allaient aboutir plus tard à la reconnais-sance d’une appellation Cham-pagne clairement délimitée. La coopérative est née de la volonté d’un petit groupe d’assurer l’avenir de ses enfants. Au milieu des années 20, Raoul Collet, l’un des premiers dirigeants de la coopérative, leur a proposé d’utiliser son nom. Son prénom Raoul n’a d’ailleurs été aban-donné du nom de la marque que très récemment.

Raconter une histoire, c’est aussi le sens de l’opération que vous organisez à Aÿ, en Champagne, les 19-21 juin prochains, comme un clin d’oeil à 1921 ?

Nous voulons valoriser notre patrimoine historique au sein de la ville d’Aÿ, l’autre capitale du Champagne avec Epernay et Reims. La Cogevi est installée dans ces lieux de la révolte de 1911 depuis 1951. Nous occupons notamment un bâtiment qui était à l’époque le siège de la maison Bissinger. Nous y organisons une grande exposition qui va raconter la genèse et l’histoire de notre coopérative, avec la mise en scène de nombreuses pièces originales de notre patrimoine. On y diffusera notamment un film sur nos débuts, à base d’actualités de l’époque. Le gouvernement avait alors envoyé 40000 hommes de troupe entre Aÿ et Epernay pour garder les vignes ! La coopérative a acheté dans les années 70, juste à proximité, une villa de début de siècle dans un style Art déco qui nous est cher. Elle est devenue l’écrin de la marque Collet, une façon de mettre en valeur notre marque, dont Aÿ est le berceau. Collet est la marque qui symbolise le mieux la lutte des vignerons en Cham-pagne. Nous voulons offrir au public une véritable expérience autour du champagne, de l’histoire et de ses métiers.

Valoriser une marque, cela signifie-t-il forcément replonger dans son histoire?

Regardez le succès des journées du patrimoine. Ce besoin de retour aux sources est une tendance de fond, une vraie quête de sincérité qui préserve l’homme de la seule chasse du profit ! C’est la chance de notre coopérative. Nous sommes en direct avec une assemblée

générale de vignerons et notre mission est que la valeur de leur travail soit correctement rétribuée, au delà de la simple vente du raisin. Mais cet ancrage dans des valeurs anciennes n’empêche pas d’innover. On ne fait plus les vins comme on les faisait il y a trente ou quarante ans. On ne les consomme plus de la même manière non plus. Le Cham-pagne était alors surtout un vin de dessert. Il est devenu un vin d’apéritif, avec ce que cela implique en dosage du sucre. Un exemple parmi d’autres : le rosé a pris ses lettres de noblesse, le Blanc de Blanc est passé dans l’air du temps… Parallèlement, notre outil de production a considérablement évolué ces dernières années. Nous disposons de cuves et de systèmes de filtration ultra modernes. Notre capacité de « cuverie » est supérieure à 100 000 hectolitres, avec plus de 300 cuves, dans tous les formats, ce qui nous donne une grande souplesse pour isoler certaines productions dans l’assemblage et permet à notre chef de cave de jouer comme un parfumeur le ferait avec un orgue à par-fums. Au niveau des cultures aussi, de gros progrès ont été réalisés, notamment sur les traitements phytosanitaires. N’oublions jamais que l’image de produit d’exception qu’est

le Champagne commence dans le vignoble.

L’habillage de vos bouteilles a changé. Qu’est-ce qui a inspiré les nouveaux flacons?

Nous avons retrouvé d’anciennes étiquettes et renoué avec le losange d’origine, sans forcer le trait, en travaillant la légitimité historique, un filagramme sur une étiquette transparente inspiré de l’époque Art Déco. Une bonne étiquette doit rester intemporelle. Et cet habillage n’est finalement que la partie visible de tout le travail de repositionnement de notre marque. Nous avons clairement monté en gamme, à l’inverse du marché du Cham-pagne, qui attaqué et copié par d’autres vins, vit un contexte plutôt déflationniste. Le volume est important mais nous préfé-rons vendre moins de bouteilles à un meilleur prix pour nos adhérents. C’est un pari osé mais légitime compte tenu de la qualité de nos produits. De plus, nous allons chercher des clients qui ne nous connaissaient pas. Quitte à faire une première entrée dans le beau monde, autant être bien habillé ! Même si une marque ne peut seule justifier d’un prix. La qualité de nos vins, vendus entre 25 # pour la cuvée Brut et jusqu’à 145# pour la cuvée « Esprit Couture », en référence à toutes les « petites

mains » du Champagne, est un prérequis.

Vous avez entrepris l’année dernière de vous rapprocher de la grande gastronomie française, en créant un prix. Pourquoi cette démarche?

Nous n’avons pas les budgets médias des grandes marques, ce qui nous oblige à communiquer malin. Nous avons organisé l’an dernier la première édition du Prix Champagne Collet du meilleur livre de Chef, dont le premier gagnant a été Nicolas Stamm (« Un chef en Alsace »), le Chef deux étoiles du restaurant La Fourchette des Ducs à Obernai. Cela peut paraître anecdotique mais ce travail en profondeur nous a fait connaître de dix Chefs et non des moindres, devenus depuis des clients de la marque. Or, rares étaient ceux qui nous connaissaient au départ. L’opéra-tion a duré un an car les chefs ont tour à tour fait partager leur cuisine à un jury de journalistes et professionnels. Le succès a été tel que nous allons évidemment renouveler ce prix cette année.

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

Entretien exclusif avec Olivier Charriaud, directeur général de la Cogevi

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I 23LA TRIBUNE - VENDREDI 13 JUIN 2014 - NO 93 - WWW.LATRIBUNE.FR

I 23

A l’occasion du lancement du 2ème numéro du magazine La Tribune du Grand Paris spécial Paris Air Forum, La Tribune organise une table ronde en présence de

Jean-Paul HuchonPrésident du Conseil

Régional d’Île-de-France

Augustin de RomanetPrésident-directeur général

d’Aéroports de Paris

Bruno CavagnéPrésident de la Fédération

Nationale des Travaux Publics

sur le thème « Paris Île-de-France : une ambition en Europe »animé par Philippe Mabille

Directeur adjoint de la rédaction de La Tribune

de 8 h 30 à 10 h (Accueil café à partir de 8 h 00 )Jeudi 26 juin 2014

Inscription obligatoire avant le 19 juin par email à Jean-Baptiste Monier : [email protected]

Maison des Travaux Publics - 3, rue de Berri 75008 Paris

Inscription et renseignements : [email protected]

en partenariat avec

Unévénement

Dans les grands groupes, la Res-p o n s a b i l i t é sociale d’entre-prise (RSE) n’est p a s ! t o u j o u r s une conviction. Investir dans

l’écosystème social ou environnemen-tal de son activité apparaît bien sou-vent comme un atout pour soigner son image. Mais cela ne va guère au-delà. Ainsi, entendre Charles Lantieri, direc-teur général délégué de la Française des Jeux (FDJ) et président de sa fon-dation, désigner la RSE de son groupe comme un vrai pilier stratégique, inter-pelle forcément. Invité, vendredi 6"juin, du rendez-vous Club Entreprises de La Tribune et de la Chambre de commerce et d’industrie Paris Île-de-France, il a même désigné cette démarche comme «!une condition de pérennité!» de son business model.Et pour cause, la FDJ –" qui propose ses Loto, Euro Millions et autres Mil-lionnaire dans les bars-tabacs et points presse de l’Hexagone – n’est pas une entreprise comme les autres. Créée en 1933 pour venir en aide aux gueules cas-sées de la Première Guerre mondiale, l’ancienne Loterie nationale française se doit d’a#cher un certain «" devoir d’exemplarité"». «!Notre activité est sen-sible, c’est pour cela qu’elle est fortement régulée, rappelle Charles Lantieri. Et c’est pour cela que l’État nous a donné un mono-pole!», sur les jeux de loterie et de paris sportifs. Sachant que pour ces derniers, seules les sociétés présentes sur la Toile sont autorisées, depuis mai"2010.La FDJ a donc développé une stratégie RSE complète dans son écosystème. Elle s’est notamment engagée depuis plu-sieurs années avec ELA, l’Association européenne contre les leucodystrophies, des maladies rares s’attaquant au sys-tème nerveux. Elle est aussi particuliè-

rement active dans la promotion du jeu responsable, dans la prévention contre la fraude et le blanchiment d’argent. La FDJ est aussi très présente dans le sport. Depuis plus de trente ans, une part des mises collectées est ainsi attribuée à ce secteur. Une enveloppe de 250"millions d’euros va ainsi au Centre national pour le développement du sport. Elle repré-sente «!un tiers du budget du ministère des Sports!», souligne Charles Lantieri. Sur ce créneau, la FDJ chapeaute aussi une équipe cycliste à ses couleurs, depuis 1997. Avec les révélations de l’a$aire Festina l’année suivante, elle s’est acti-vement engagée dans la lutte contre le dopage. Charles Lantieri se félicite d’ail-leurs de cette «!marque de fabrique!»! : d’après-lui, «! si cette politique a été coû-teuse sportivement parce qu’on ne prend pas forcément les meilleurs, on y a gagné en notoriété puisqu’on est souvent l’équipe préférée des Français!».

27,7 MILLIONS DE JOUEURS AVEC LA FDJ

En clair, la FDJ fait son possible pour promouvoir une image de proximité et aussi «"service public"» que possible au-près du plus grand nombre, car l’éventail de ses clients est large. Au total, 27,7"mil-lions de Français jouent au Loto ou grattent ses jeux dans ses 33!000"points de ventes dans l’Hexagone. «!Toutes les catégories sociales et toutes les bourses sont concernées!», explique son directeur gé-néral délégué. En clair, il y a fort à parier que l’opinion publique se rebi$erait contre le statut monopolistique de cette société détenue à 72!% par l’État si elle était focalisée à 100!% sur ses profits…C’est notamment pour cela que la FDJ n’a pas hésité à supprimer définitive-ment son Rapido, en juin" 2013. Parti-culièrement rentable, ce jeu de tirage retransmis en direct sur écran dans les

cafés et bars-tabacs était considéré par les spécialistes comme un des jeux les plus addictifs. En e$et, celui-ci pro-posait deux tirages toutes les cinq minutes sans interruption. La FDJ l’a finalement remplacé par une variante, l’Amigo, avec un seul tirage toutes les cinq minutes. «!L’objectif était de faire en sorte que les joueurs ne soient pas unique-ment concentrés sur l’écran!», explique Charles Lantieri. En espaçant davan-tage les tirages «!ceux-ci peuvent discu-ter avec le patron du bar!», ajoute-t-il. Et ne plus avoir en permanence les yeux rivés sur leur fiche.Toujours pour promouvoir le jeu res-ponsable, la FDJ épaule les gagnants du Loto. Une fois qu’ils ont décroché le gros lot, «!on propose un accompagnement avec d’autres personnes qui ont connu ce choc!», a#rme Charles Lantieri. Pourtant, il arrive que certains gagnants craquent. Pour ne citer que lui, un quadragénaire du sud de la France a ainsi fini sur la paille après avoir gagné 900!000"euros en 2001. Conseillé par un banquier vraisemblablement peu compétent, il se lance en Bourse et se retrouve avec

une dette de 600!000" euros quelques années plus tard. Mais pour Charles Lantieri, ces losers stories, largement médiatisées, ne sont pas représenta-tives. Grâce, entre autres, à son «"club"» pour accompagner les nouveaux riches, «! ils ne deviennent pas pauvres, mais changent de vie pendant longtemps! », assure le directeur général délégué.Pour l’instant, la stratégie de la FDJ s’avère payante. En 2013, elle a réa-lisé un chi$re d’a$aires record de 12,35"milliards d’euros, en hausse de 1,8!% par rapport à 2012. Et pour atti-rer le chaland, les initiatives vont bon train": en début d’année, la FDJ a lancé My Million pour créer «!chaque année plus de cent nouveaux millionnaires! » en France. Le principe!? Pour chaque tirage de l’Euro Millions, un million d’euros sera obligatoirement gagné en France, via une loterie complémen-taire. Mais bien sûr, une telle o$re a un prix": il faut maintenant débourser 2,50" euros pour jouer à l’Euro Mil-lions, contre 2" euros auparavant… Si la RSE compte, la FDJ sait d’abord –"et surtout – faire des a$aires.

Du pain, des jeux et de la responsabilité socialePour Charles Lantieri, DG délégué de la FDJ, l’engagement du groupe dans le jeu responsable ou la lutte antidopage est une « condition de pérennité » pour une entreprise dont la mission consiste à canaliser le jeu en France.

ANALYSE

PIERRE MANIÈRE JOURNALISTE

@pmaniere

« AU REVOIR, PRÉSIDENT ! »

Être proche des gens, cela passe aussi par une bonne com’.

Et à ce petit jeu, c’est peu dire que la Française des Jeux est passée maître. L’exercice n’est pas évident, car au contraire de certaines marques qui se focalisent sur des cibles bien précises, le groupe cible les Français au sens large. Certains spots de la FDJ pour le Loto sont devenus culte. Il y a ainsi le « C’est le jeu, ma pauvre Lucette ». Produite en 2002,

cette pub montre un retraité qui a décroché le gros lot chercher sa destination de vacances. Celui-ci filme une mappemonde, la fait tourner devant sa caméra tremblotante, puis arrête le globe du doigt. « Australie », constate le vieil homme. Sa femme, en train de ranger la vaisselle, peste : « Ah non, pas encore ! » Désolé, son mari réplique d’emblée : « Mais c’est le jeu ma pauvre Lucette ! » Dans la même veine, il y a le célèbre

« Au revoir président ! » Dans ce spot du milieu des années 2000, on voit « Pierre », un employé vêtu d’un simple caleçon, un déguisement de poussin sur la tête, surgir au beau milieu d’une réunion de sa société. Déambulant devant son patron, il lui chantonne « Au revoir, au revoir président ! » Le spot a disparu depuis la fin des années Sarkozy et pourrait difficilement renaître en ces temps de Hollande bashing…

Charles Lantieri, DG délégué de

la Française des jeux, détenue à 72 % par l’État,

et qui dispose du monopole sur

les jeux de loterie et de paris

sportifs, hors jeux, sur Internet.

© XAVIER RENAULD – CCI

PARIS-IDF

VISIONS

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VISIONS LA TRIBUNE - VENDREDI 13 JUIN 2014 - NO 93 - WWW.LATRIBUNE.FR

24 I

Joseph Eugene Stiglitz, «!Joe!», comme le sur-nomment tous ses col-lègues, n’est-il qu’un économiste keynésien de plus "? Les réactions des lecteurs d’une in-terview du prix Nobel

d’économie!2001, parue récemment sur latribune.fr, pourraient le donner à penser.Il est possible de caricaturer Stiglitz en défenseur acharné du soutien à l’économie par la demande, critique des politiques de «! consolidation budgétaire! » menée en Europe. Ses travaux les plus récents, dont il a donné un aperçu le 3!juin à Toulouse, à l’occasion du Tiger Forum organisé par la Toulouse School of Economics, montrent combien Stiglitz est, en fait, loin de la caricature de l’archéo- keynésien.Sans renier son attachement aux en-seignements du maître de Cambridge –! il souligne de ce point de vue la timidité de la banque centrale euro-péenne, son incapacité à soutenir l’économie européenne – Joe Stiglitz a décidé de s’intéresser à la problé-matique de l’o#re. Non qu’il se soit converti, à l’instar de François Hol-lande, à l’idée qu’il faut soutenir les

entreprises en baissant leurs coûts. L’ambition est beaucoup plus vaste.Le prix Nobel s’attaque à la question cruciale à laquelle se sont confron-tés tous les théoriciens de la crois-sance économique, et au-delà tous les économistes, qui n’est autre que celle du progrès technique. Un sujet fondamental, sur lequel ont buté tous les classiques du $%$e!siècle, de Ricardo à Marx! : en ne le prenant pas en compte, faute de saisir cette dynamique, et en restant sur l’idée de rendements toujours décroissants à mesure que la production augmente, ils ont signé l’échec de leurs théories.Ce n’est pas la dotation en ressources naturelles ou le stock de capital initial qui déterminent la richesse, le niveau de vie d’un pays relativement aux autres, mais le savoir-faire, l’état des connaissances, le niveau d’éducation, souligne Stiglitz, reprenant là une idée-force du plus grand théoricien de la croissance, Robert Solow. Bref, c’est la capacité ou non à progresser techniquement, à «!apprendre à mieux faire les choses!», comme le relève Sti-glitz, qui détermine la croissance de la richesse produite.Rien de bien neuf sous le soleil, sachant que Solow est parvenu à un tel résultat au début des années!1950.

Sauf que la capacité pour une écono-mie à intégrer ce progrès technique fait toujours débat. Quel doit être le niveau de di#usion des connais-sances"? Amplifier la recherche et le développement est indispensable, bien sûr. Mais que faut-il privilégier"? Recherche publique ou recherche privée"? Stiglitz souligne que l’écono-mie du savoir a pris une importance encore plus grande au $$%e!siècle, ce qui n’est pas entièrement nouveau. Mais il va au-delà, en faisant de la constitution ou non d’une learning society le déterminant majeur du bien-être des populations.

« LE SAVOIR, C’EST UN BIEN PUBLIC »

Il insiste sur la nécessaire di#usion de ce savoir! : une société moderne, pour accroître son niveau de vie, doit assurer un large partage des connais-sances, elle ne peut qu’être «! inclu-sive!». Pour ce faire, l’investissement dans l’éducation est bien sûr fonda-mental. De ce point de vue, l’évolu-tion récente d’une grande démocra-tie comme les États-Unis a de quoi inquiéter!: l’accès à un savoir de haut niveau se restreint de plus en plus, à mesure que s’accroissent les inégali-tés. «! Des inégalités dévastatrices, qui vont a"aiblir durablement la croissance américaine, et mettre fin à toute idée de promotion sociale! », souligne le prix Nobel dans un entretien à La Tribune. «!Aujourd’hui, aux États-Unis, un bon élève issu de la moitié la moins aisée de la population a moins de chance d’accé-der à l’enseignement supérieur qu’un mauvais élève issu des catégories les plus à l’aise. Ce n’est pas comme ça qu’on constitue une société du savoir.!»L’investissement dans la recherche est tout aussi fondamental. Le prix Nobel loue les vertus de la recherche publique, qui a vocation à être dif-fusée dans l’économie, avec un e#et souvent important sur la croissance. Et de citer l’invention d’Internet par l’armée américaine ou les recherches sur l’ADN. «!Le savoir, c’est un bien pu-blic, insiste-t-il. Or, aux États-Unis, la recherche publique diminue, en propor-tion du PIB, ce qui est tout sauf un bon signe.!» La recherche privée est bien sûr nécessaire, estime Stiglitz. Mais il s’agit souvent d’applications de travaux issus de la recherche fonda-mentale. «!Le rôle du secteur privé dans la recherche fondamentale est beaucoup trop limité!», souligne-t-il. Ses travaux ont une di#usion trop souvent res-treinte, ils n’irriguent pas toute l’éco-nomie.Stiglitz se montre à cet égard critique envers la notion même de propriété intellectuelle. «! C’est une arme à double tranchant!», dit-il. Certes, elle incite à l’innovation, puisque les en-treprises savent être propriétaires du fruit de leurs recherches. Mais il en

découle, aussi, une culture du secret, et une bien moindre di#usion dans l’ensemble de l’économie que dans le cas de la recherche publique.Le prix Nobel ne s’intéresse pas seulement aux pays développés. Il consacre dans son dernier livre (Creating a Learning Society, A New Approach to Growth, Development, and Social Progress) de longs passages aux économies émergentes ou encore sous développées. Pour lui, les théo-riciens du développement qui ont élaboré à la fin des années! 1980 le «!consensus de Washington!», selon lequel la croissance de ces économies passe d’abord par leur libéralisation et l’ouverture aux échanges mondiaux, ont tout faux, ou presque. Les pays en développement doivent maintenir des droits de douane et protéger leurs industries naissantes, assure Stiglitz. Car c’est la montée en puissance d’une industrie qui soutient le plus l’ensemble d’une économie en phase de développement. Et de rappeler en quoi l’ouverture aux échanges inter-nationaux peut être inégalitaire, avec l’exemple de la guerre de l’opium, ou comment Français et Anglais ont imposé par les armes, au $%$e!siècle, le droit d’exporter de l’opium en Chine, pour le bien-être des populations locales, à l’évidence…Aux États-Unis, pays du capitalisme et du marché rois, Joseph Stiglitz détonne avec sa critique de plus en plus systématique du libéralisme économique, du laissez-faire. «!Adam Smith se trompait quand il a cru déceler l’existence d’une main invisible, transfor-mant la somme d’intérêts privés égoïstes en un maximum de bien-être collectif!», assène le prix Nobel. Le rôle de la puissance publique est aujourd’hui fondamental dans la création d’une learning society, dont dépend le niveau de richesse d’un pays.!

PRÉCISION Gilbert Cette, interviewé dans La Tribune du vendredi 6 juin, ne l’était pas en tant que directeur des analyses microéconomiques et structurelles à la Banque de France, mais en tant que professeur associé à l’université d’Aix-Marseille. Gilbert Cette n’est plus membre du Conseil d’analyse économique.

Quand Stiglitz fait l’apologie d’une société du «!learning!» Dans son nouveau livre*, le très keynésien Joseph Stiglitz s’intéresse à une question centrale pour la croissance économique, qui détermine la richesse future d’un pays : le progrès technique et la capacité à apprendre.

IDÉES

Lors du Tiger Forum, le 3 juin

dernier à Toulouse,

Joseph Stiglitz a insisté sur l’importance

d’une learning society comme

déterminant du bien-être

des populations. © LYDIE LECARPENTIER /

REA

ont le plaisir de vous convier au petit déjeuner débat sur le thème :

animé par Jean-Pierre GonguetRédacteur en chef du magazine La Tribune du Grand Paris

« Les enjeux de la logistique urbaine durable »

Vendredi 27 juin 2014 de 8 h 30 à 10 h 30Accueil café à partir de 08h00

à la CCI Hauts-de-Seine55 Place Nelson Mandela, 92729 Nanterre

Nombre de places limité. Inscription obligatoire avant le 20 juin 2014.Inscriptions et renseignements : [email protected]

Jean-Yves DuranceVice-Président de la CCI Paris Île-de-France

Président de la CCI Hauts-de-Seine

Pierre-Antoine GaillyPrésident de la CCI Paris Île-de-France

IVAN BEST RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT, SERVICE FINANCE

© DR

@Iv_Best

* CREATING A LEARNING SOCIETY, A NEW APPROACH TO GROWTH, DEVELOPMENT, AND SOCIAL PROGRESS, DE JOSEPH STIGLITZ ET BRUCE C. GREENWALD, ÉD. COLUMBIA UNIVERSITY PRESS

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I 25LA TRIBUNE - VENDREDI 13 JUIN 2014 - NO 93 - WWW.LATRIBUNE.FR

VU DE BRUXELLES

Le «!Brexit!», mode d’emploi

«I l y a toute une littérature sur la sécession de la Catalogne ou de l’Écosse. Mais presque rien

sur la sortie du Royaume-Uni!», me disait récemment un éminent juriste. De fait, rien n’est plus tabou à Bruxelles. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne a un nom de code, le «!Brexit!», mais pas de visage, et encore moins de destin. Évoquez la question avec un o"ciel européen et, en moins de trois phrases, il en arrivera à cette conclusion!: «!Les Britanniques ont trop à perdre.!» Wishfull thinking ou réalisme#? Un peu des deux.Bien sûr, la City n’est pas enthousiaste à l’idée de se mettre à l’écart de ce grand marché européen qui a fait sa fortune. Mais après tout, Gordon Brown, le dernier Premier ministre travailliste du pays, avait déjà posé les termes du dilemme en expliquant que l’intégration européenne n’était pas la réalité géopolitique qui devait déterminer l’avenir du Royaume-Uni, mais plutôt celle de la mondialisation. Les banques américaines et les investisseurs russes ont aussi largement fait la fortune de la place de Londres. Pour Londres, le grand marché est argument de vente sur le marché mondialisé des services financiers.

Depuis cette époque, toutefois, le jeu politique a changé. Aux dernières élections, UKIP, le parti sécessionniste, est ressorti devant les conservateurs au pouvoir, en dépit de leur promesse de référendum sur le maintien dans l’UE. D’une certaine manière, les Anglais ont déjà voté. Et le Premier ministre David Cameron a promis de renégocier les conditions de l’adhésion britannique pour… fin 2017. Le peut-il#?Il faudrait d’abord qu’il gagne les élections, en mai!2015. Comme Marine Le Pen et le FN en France,

Nigel Farage et le UKIP sont en train de miner le bipartisme au Royaume-Uni. Imaginons un résultat serré où le Labour arriverait en tête, mais sans pouvoir réunir une majorité au parlement. La possibilité d’une alliance entre les conservateurs et le UKIP, ou même le ralliement de quelques a"dés de Farage aux Tories, pourrait faire barrage à une alternance. Alors Downing Street devrait précipiter les choses en organisant un référendum à l’automne!2015. Sur quelle base#? Les autres membres de l’Union, Berlin et Paris en tête, ne sont pas prêts à faire à Londres le cadeau d’une négociation préalable. Autrement dit, «!il n’y aura pas de nouveau traité juste pour satisfaire les Britanniques!», précise une source diplomatique. Cameron devra donc prendre ses responsabilités et placer ses concitoyens devant l’alternative simple!: «!In!» or «!Out!». Les sondages actuels indiquent que ce serait plutôt «!dehors!». Que se passerait-il alors#?Le traité de Lisbonne prévoit –!c’est une innovation – la possibilité pour un État de quitter l’Union. «!Ce qui montre bien que nous sommes une confédération et non une fédération!», souligne un observateur. Mais tout comme le mariage, le divorce suppose un contrat. Le conjoint sécessionniste et les autres membres de la famille doivent négocier un nouveau traité. Même séparés, il leur faut un modus operandi, tant leurs destins sont liés. Option!1!: un statut à la norvégienne, ce qui est peu probable, car Oslo applique le droit européen… sans le codécider. À quoi bon sortir si c’est pour se transformer en colonie#? Option 2!: un statut à la Suisse, liée à Bruxelles par… 120!traités bilatéraux. Un enfer juridique dont Berne tente de sortir par un accord-cadre en cours de négociation. Option!3, préférée par Londres!: un contrat sur mesure. Mais on voit mal les autres pays du club accorder aux Britanniques le privilège de pousser au bout la logique du cherry picking.Le traité donne deux ans pour achever cet exercice… ce qui nous mène fin 2017, sans compter la ratification par les États membres. Autrement dit, l’échéance posée par Cameron est irréaliste. Mais l’hypothèse d’un «!Brexit!», elle, devrait être prise un peu plus au sérieux.

DAVID CAMERON A PROMIS DE RENÉGOCIER LES CONDITIONS DE L’ADHÉSION BRITANNIQUE POUR… FIN 2017. LE PEUT-IL ?

AU CŒUR DE L’INNOVATION

Les révolutions surgiront en ville

PLUS DE LA MOITIÉ DE LA POPULATION MONDIALE VIT EN VILLE

© DR

L es villes sont plus importantes que jamais, car elles se situent au carrefour des bouleversements les plus importants

de notre époque. Le premier est, bien évidemment, l’urbanisation massive. Ce que certains appellent la «!révolution urbaine!». Même si on se méfie des chi$res prévisionnels que les faits confirment rarement, l’ordre de grandeur est impressionnant!: aujourd’hui plus de la moitié de la population mondiale vit dans des villes. Dans trente-cinq ans, ce sera plus de 70#%, ce qui veut dire que le nombre de citadins aura pratiquement doublé. Cette accélération d’un phénomène en marche depuis longtemps aura surtout lieu dans le Sud, dans les zones émergentes. Selon McKinsey, entre aujourd’hui et 2030, la Chine construira de 20#000!à 50#000!gratte-ciel qui pourront héberger l’équivalent de dix New York. En 2030, près d’un huitième de l’humanité vivra dans une ville chinoise.Seconde révolution, celle des technologies de l’information et de la communication. Tout est digitalisé. Les humains comme les objets ont une «!ombre informationnelle!» dans la couche virtuelle. Et, depuis celle-ci, on peut agir sur eux. Les villes y ont recours dans l’espoir d’o$rir des services moins chers, alors que leur population s’accroît et que leur budget rétrécit. Petites et

grosses entreprises informatiques y voient le plus gros marché des vingt prochaines années.Mais les villes sont également au cœur du bouleversement climatique. Nous avons trop longtemps été formés à croire qu’elles sont le problème principal. Elles pourraient bien être, sinon «!la!» solution, du moins un élément essentiel des réponses à tenter. Il est clair, en tout cas, que nous n’avons aucune chance d’en réduire l’impact si nous ne

changeons pas nos villes. C’est à ce niveau que l’intervention a le plus de chances d’être e"cace.L’importance des villes est également renforcée par le quatrième bouleversement qui marque notre époque, celui de l’ordre mondial. Le centre se déplace vers la zone Inde-Chine-Japon-Asie du Sud-Est, dans laquelle vit déjà la moitié de l’humanité et où l’urbanisation sera la plus forte et la plus rapide au cours des prochaines années. C’est aussi le passage relativement rapide du monde unipolaire, dans lequel nous sommes entrés avec la fin de la guerre froide, à un monde «!plus!» multipolaire.Or, ce changement d’ordre s’accompagne de deux crises!: celle des États-nations et celle du politique. La première tient à l’incessante remise en cause des frontières par les mouvements locaux et supranationaux ainsi qu’à la puissance croissante des grandes entreprises internationales. La seconde crise tient au fait qu’indistinctement de leur coloration, les dirigeants sont ressentis comme trop éloignés de ceux qu’ils sont censés gouverner. Le discours des partis ne suscite plus guère d’identification. L’e$et est renforcé par le rôle des médias traditionnels perçus comme faisant partie du «!système!». Dans un cas comme dans l’autre, les villes constituent des éléments alternatifs de réponse. Elles s’insèrent dans les relations internationales. Elles ont leur propre diplomatie. Demandez à Bordeaux, Paris, Londres ou Barcelone, combien de représentants ils ont dans d’autres pays, combien de missions sillonnent le monde chaque année. Ce rôle ne peut que croître avec la multiplication des «!mégavilles!» (pouvant dépasser les 100!millions d’habitants et, en Chine, dotées d’un statut juridique propre). Dans un monde qui perd le sens qu’il s’était trouvé aux forceps au cours des trois derniers siècles, les villes sont aussi l’espace où peut émerger une identité collective reposant sur les problèmes communs, la possibilité de les aborder concrètement et aussi –!pourquoi pas#? – sur l’identification avec… un club de foot.

FLORENCE AUTRETCORRESPONDANTE À BRUXELLES

RETROUVEZ SUR LATRIBUNE.FR SON BLOG « VU DE BRUXELLES »

FRANCIS PISANICHRONIQUEUR, AUTEUR, EXPERT INTERNATIONAL EN INNOVATION, CONFÉRENCIER.

SON BLOG : FRANCISPISANI.NETET SUR LATRIBUNE.FR SON BLOG « AUX CŒURS DE L’INNOVATION »

@francispisani

La Tribune 2, rue de Châteaudun - 75009 ParisTéléphone!: 01 76 21 73 00. Pour joindre directement votre correspondant, composer le 01 76 21 suivi des 4!chiffres mentionnés entre parenthèses.

SOCIÉTÉ ÉDITRICELA TRIBUNE NOUVELLE. S.A.S. au capital de 3 200 000!euros. Établissement principal!: 2, rue de Châteaudun - 75009 Paris Siège social!: 10, rue des Arts, 31000 Toulouse. SIREN!: 749 814 604

Président, directeur de la publication Jean-Christophe Tortora.

RÉDACTION Directeur adjoint de la rédaction Philippe Mabille, éditeur de La Tribune Hebdo. Rédacteur en chef!Robert Jules, éditeur de latribune.fr( Économie Rédacteur en chef adjoint!: Romaric Godin. Jean-Christophe Chanut, Fabien Piliu. ( Entreprise Rédacteur en chef!: Michel Cabirol. Rédacteurs en chef adjoints!: Delphine Cuny, Fabrice Gliszczynski. Alain-Gabriel Verdevoye.

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Imprimeries IPS, ZA du Chant des Oiseaux, 80800 Fouilloy. No de commission paritaire!: 0514 C 85607. ISSN!: 1277-2380.

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GÉNÉRATION26 I

LA TRIBUNE - VENDREDI 13 JUIN 2014 - NO 93 - WWW.LATRIBUNE.FR

THOMAS FRANCE

Promoteur du bitcoinÀ 29 ans, il cofonde la Maison du bitcoin, un espace dédié à cette quasi-monnaie virtuelle, qui informe les curieux et accueille les entrepreneurs et les start-up voulant développer une activité autour du bitcoin.

Zone d’influence : #bitcoin, #numérique, #coworking, #innovation.

2016 La Maison du bitcoin est un acteur majeur du secteur, en France

et en Europe.

TIME LINEThomas France

Mars 1985 Naissance

aux États-Unis.

2010 Diplômé de l’École

nationale des ponts et chaussées.

2011 S’associe

à Éric Larchevêque dans Prixing.

Décembre 2013 Cession de Prixing,

devient business angel.

Mai 2014 Cofonde

la Maison du bitcoin.

PAR PERRINE CREQUY

@PerrineCrequy

© MA

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MÉLIE

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«N ous avons accueilli des seniors qui voulaient en savoir plus sur le bitcoin, et

investir dans cette quasi-monnaie virtuelle. Je conseille toujours de ne pas investir plus que ce qu’on accepterait de perdre!», souligne Thomas France. L’entrepreneur de 29!ans a cofondé la Maison du bitcoin, qui a ouvert ses portes en mai dernier dans le Sentier, le quartier historique des start-up à Paris, juste en face de Numa, la place forte de l’écosystème parisien du numérique. «!Il existait des ambassades du bitcoin à Montréal, fondée par des Français, à Tel-Aviv et à New York, mais aucune en Europe.!» Détendu et convivial, il montre aux curieux comment ouvrir un compte en bitcoins en quelques minutes via leur smartphone. Pédagogue, il décrypte le fonctionnement des «! mineurs! », ces ordinateurs qui enregistrent et contrôlent les transactions en bitcoins à travers le monde, et qui permettent de gagner quelques bitcoins à chaque opération certifiée. Il énumère les avantages de cette quasi-monnaie virtuelle!: «!Réduire les frais bancaires, permettre l’accès à un compte bancaire pour tous, faciliter le transfert d’argent à l’étranger…! » Tout en répondant énergiquement aux doutes sur sa sta-bilité, la sécurisation des comptes ou les problématiques de blanchiment. «!C’est nouveau, donc il y a du scepti-cisme, c’est normal. Souvenez-vous de la méfiance qui entourait le Web à l’ère du fax!», illustre-t-il, goguenard. En bon guide, il ponctue la visite des locaux fraîchement peints en alternant anec-dotes et spécificités techniques de cette quasi-monnaie.

« IL EST AVENANT, DRÔLE ET CRÉATIF. IL INSPIRE CONFIANCE »Thomas France encourage aussi les entrepreneurs désireux de lancer une activité autour de cette nouveauté. «!En France, seules trois ou quatre start-up se sont lancées pour explorer les opportu-nités liées au bitcoin, contre des dizaines

aux États-Unis! », résume ce Franco- Américain, né outre-Atlantique et qui s’est installé à Reims à l’adolescence. Un espace de coworking accueille ainsi les porteurs de projets qui sou-haitent glaner des conseils juridiques et fiscaux, tandis que les start-up déjà constituées peuvent louer des locaux au sous-sol. «!Nous menons une réflexion avec Numa pour organiser des événements communs autour du bitcoin, afin de sensi-biliser les entrepreneurs du numérique.!» Du 13 au 15! juin, la Maison du bitcoin organise son premier week-end hacka-thon, un concours de création de busi-ness models autour du bitcoin.Les grands groupes sont également reçus à la Maison du bitcoin pour des formations, «! notamment de grandes banques qui désirent se tenir informées sur cette innovation… Pour ma part, je n’ai jamais eu envie de faire carrière dans une banque, ce qui était pourtant la voie qu’ouvraient mes études d’ingénieur aux Ponts et Chaussées!», se souvient Thomas France, qui s’est spécialisé dans le management industriel. Triathlète et rugbyman, cet élève brillant, sans se mettre la pression, a choisi d’e"ectuer un stage d’étude chez L’Oréal, en Nouvelle-Zélande, «!car c’est une terre de rugby!». Aimant déjà défricher les nouveaux horizons à cette époque, il termine sa scolarité en participant à un programme pilote sur l’innovation industrielle rassemblant son école, celle de Stanford et une université d’Helsinki. «! Notre équipe pluridisciplinaire devait redessiner un cockpit d’hélicoptère, avec un budget de 50"000! euros. Nous avons terminé dans les temps, même si une semaine avant la date de remise du projet, rien n’était prêt… Un peu comme pour l’inauguration de la Maison du bitcoin!», sourit-il. «!Thomas est avenant, drôle et créatif. Il inspire confiance dès la première rencontre, et il ne recule devant rien pour réunir les éléments nécessaires pour atteindre son but! », précise Amine Bellakrid, cama-rade de Thomas sur ce projet d’école.Son diplôme en poche, Thomas France a débuté dans le conseil, rejoignant le Boston Consulting Group pendant un an. «! J’avais envie d’entreprendre dès la sortie de l’école, mais je n’avais pas d’argent, pas d’équipe et pas de projet!», justifie ce fils d’enseignants univer-sitaires. C’est dans un bar, à l’occa-

sion d’un Apéroentrepreneur à Paris, fin! 2011, qu’il trouve l’opportunité de se lancer, au détour d’une conversation avec Éric Larchevêque, qui lui propose de le rejoindre comme associé au sein de Prixing, une application mobile de comparaison locale des prix par scan de codes-barres, surfant sur la tendance montante du web-to-store. Et c’est tout naturellement que les deux hommes ont décidé de créer ensemble la Maison du bitcoin, quelques semaines après avoir finalisé la vente de Prixing, en décembre!2013. «!Thomas est pugnace et s’adapte à toutes les situations. Toujours calme, il sait prendre les décisions di#ciles, se remettre en question… et il ne manque pas de res-sources. Un jour, alors que nous arrivions mal préparés à un rendez-vous important,

il a sauté dans l’ascenseur jusqu’à ce qu’il se bloque. Quand les secours sont arrivés, nous avions eu le temps de peaufiner notre présentation!», confie Éric Larchevêque.Le duo ne manque pas d’ambition. «!Dans deux ans, la Maison du bitcoin sera un acteur majeur du secteur en France et en Europe. Vu la croissance exponen-tielle du bitcoin depuis un an, il y aura d’ici là plusieurs millions d’utilisateurs en Europe, et environ 10"000!marchands accepteront le paiement en bitcoins dans leurs boutiques!», prédit Thomas France, qui attend avec impatience de pouvoir acheter sa baguette de pain en bitcoins. «!En France, seuls 100"000!consommateurs et une vingtaine de commerçants utilisent le bitcoin aujourd’hui. Or, il y a une oppor-tunité évidente dans le secteur du tourisme, notamment pour les gîtes.!»Depuis la cession de Prixing, ce père de deux enfants est devenu business angel, convaincu que «!l’argent est bien mieux investi dans une start-up que dans une voiture ou un appartement! ». Il a choisi d’épauler Pierre Valade, un an-cien camarade des Ponts et Chaussées qui a cofondé Sunrise, à New York. «!Thomas incarne tout à fait la mentalité des jeunes entrepreneurs, qui partagent leur expérience. Il est capable de gérer des problèmes techniques ou financiers, aussi aisément que les questions de rapports humains. Je l’encourage à passer plus de temps aux États-Unis, où il pourrait lancer un projet international! », assure Pierre Valade. Mais Thomas France le défricheur préfère se concentrer sur le Vieux Continent où tout reste à construire dans l’univers du bitcoin. Pour le moment.

MODE D’EMPLOI À la Maison

du bitcoin, 35, rue du Caire à Paris 2e, notamment pour Startup Assembly, ex-journée du Patrimoine des start-up, du 12 au 14 juin. Sinon, il répond rapidement aux sollicitations sur LinkedIn ou Twitter.

« Allez droit au but. Dites-moi ce que vous cherchez, de façon concise et précise. »

Lui faire perdre son temps en vous répandant en bavardages inutiles.

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Avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication, du Ministère en charge de la Jeunesse, du Ministère des Affaires étrangères et européennes, de l'INPES, de la SACEM, de l’ADAMI et de France Galop.

LOCATIONS : Fnac.com, Digitick.com, Ticketnet.fr, Magasins Fnac, Carrefour, Auchan et points de ventes habituels.Echangez vos billets sur zePass.com

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