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  • 8/3/2019 Les Echos 290107

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    Ides et Dbats > Le point de vue dePOPULATION -

    CATHERINE WIHTOL DE WENDEN

    Un monde en migrations

    [ 16/01/07 ]A l'occasion des 5es Rendez-vous de la mondialisation (1) organiss aujourd'hui Paris par le

    Conseil d'analyse stratgique et consacrs aux migrations internationales, nous publions le point de

    vue de Catherine Wihtol de Wenden.

    Au dbut du XXe sicle, la population mondiale comportait 5 % de migrants, c'est--dire de

    personnes nes l'tranger ayant d se dplacer au moins une fois de leur pays de naissance vers le

    pays o elles vivent. Ce chiffre n'est aujourd'hui que de 3 %, ce qui reprsente, selon les Nations

    unies, 190 millions de migrants en 2005. Ce nombre est en progression rapide : 75 millions en

    1965, 155 millions en 1990. En 2005, 61 % des migrants vivaient dans les pays dvelopps, dont 34

    % en Europe, 23 % en Amrique du Nord, 28 % en Asie, 9 % en Afrique et 4 % en Amrique latine

    et dans les Carabes. 28 pays accueillent 75 % des migrants : les Etats-Unis en comptent 20 %,

    gagnant 15 millions de migrants entre 1990 et 2005, suivis par l'Allemagne et l'Espagne. Le migrant

    moyen est asiatique, vit et circule en Asie, dans un pays en dveloppement. Mais ce portrait-

    robot cache l'essentiel, savoir la diversification croissante des flux migratoires : migrations

    d'tablissement, de travail, familiale, tudiante, de rfugis et demandeurs d'asile, d'illgaux, etc.Cette forte hausse des migrations est le fruit d'une conjonction de facteurs intervenus au cours des

    vingt dernires annes. D'abord l'urbanisation rapide des pays de dpart : les migrants sont moins

    des ruraux analphabtes et pauvres que des urbains scolariss ayant accumul un pcule. Ensuite

    l'imaginaire migratoire construit sous l'influence des mdias et notamment de la tlvision, qui

    donne voir un eldorado occidental fait de consommation et de liberts. De son ct, la

    gnralisation des passeports, associe une baisse du cot des transports, a instaur un droit de

    sortie de nombreux pays auparavant ferms. La cration d'espaces de circulation des personnes et

    des marchandises (Union europenne, Etats-Unis-Canada, march nordique) ou l'inverse la

    persistance de zones de fracture politique et sociale ont aussi engendr d'importants mouvements

    humains. Enfin, d'autres facteurs expliquent ces migrations : explosion de l'asile dans les annes

    1990 ; solidarits transnationales de nature familiale, associative ou culturelle ; dveloppementd'une vritable conomie du passage l o les frontires restent closes ; construction de

    nouveaux rseaux, fruits de la mondialisation, sans lien avec le pass colonial ni la proximit

    gographique.

    Les migrations se modifient, d'abord dans la faon qu'ont les pays d'accueil et de dpart de les grer.

    On parle aujourd'hui de circulation migratoire : beaucoup de migrants aspirent circuler sans

    vouloir se sdentariser. C'est la consquence d'une plus grande mobilit des facteurs de production,

    comme le capital et la main-d'oeuvre trs qualifie, mais aussi des plus grandes facilits de partir,

    revenir et repartir. Plus les frontires sont ouvertes et moins les migrants s'installent car ils peuvent

    aller et venir. Plus ces frontires sont fermes et plus ils se sdentarisent par crainte de ne pouvoir

    revenir en cas de dpart.

    Un autre lment nouveau est le changement de discours des pays de dpart sur la migration :

    longtemps estims comme peu productifs, les transferts de fonds des migrants sont considrs

    http://www.lesechos.fr/info/analyses/index.htmhttp://www.lesechos.fr/info/analyses/index_points_vue.htmhttp://www.lesechos.fr/info/analyses/index.htmhttp://www.lesechos.fr/info/analyses/index_points_vue.htm
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    comme un facteur essentiel de dveloppement. D'aprs la Banque mondiale, ces transferts ont plus

    que doubl au cours de la dcennie coule, passant de 102 milliards de dollars en 1995 environ

    232 milliards de dollars en 2005. 14 milliards d'euros ont t envoys par les migrants travaillant en

    Europe en 2005. Enfin et surtout, le discours politique a chang : le nouveau rapport de l'ONU de

    2006 voque les effets bnfiques des migrations pour les socits de dpart (transferts de

    connaissances, limitation du chmage) et d'accueil (occupation de mtiers dlaisss par les

    nationaux, apport dmographique, accroissement de la consommation, cration d'entreprises dansdes niches inexplores). Un cadre normatif du droit de migrer se profile avec l'entre en vigueur en

    2003 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et

    de leur famille, ratifie par 34 pays. D'autres initiatives existent aussi, l'chelon rgional ou

    bilatral, et les pays de dpart et d'accueil semblent aujourd'hui prts cooprer pour mieux grer

    des flux qui, de toute faon, se poursuivront.

    CATHERINE WIHTOL DE WENDEN est directrice de recherche CNRS-Ceri.

    (1) www.rdv-mondialisation.fr