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RoseM.Becker

AGAÇANT,SEXYETDANGEREUX

Volume5

ZBIL_005

1.Sang-froid

Quelqu’unveutmeprendreCelia.Cettephrasetourneenboucledansmatête…aupointdecouvrirles questions des policiers. Je reste les yeux fixés sur l’affreuse poupée reçue par ma fille, etdésormaisrangéedansunsacenplastiquetransparent.Maisquiapuluienvoyercettehorreur?Avecunpetitmotàmonattention,enplus!C’estàcausedemoisielleestendanger.Jesuisentièrementcoupable.Etqueferais-jesanselle?Quedeviendrais-je?Jeluijetteuncoupd’œil.Elles’amuseavecsesponeys,insouciante.Ellen’apascomprisqu’elleétaitmenacéeetjouelecœurléger.

–MademoiselleAnderson?

Jesuissamère.Jedoislaprotégeràtoutprix.

–MademoiselleAnderson!

LesJohnsonsecachentsûrementderrièrecettefarcemacabre.Maisaujeudesseptfamilles,quellecarte tirer ?Richard, le père ? Il pourrait vouloir se venger demoi enkidnappant sa propre fille.Patricia,lamère?Quisaitsielleneveutpaslaversonhonneurdefemmetrompéeens’acharnantsurCelia?OuMickaël,lefils?Avecsesproblèmesd’alcool,ilpeuttrèsbienavoirperdulatête…

–Billie…

Unevoixdoucemaisfermeseglisseaumilieudemesréflexionsfiévreuses.Assisesurlebordducanapé,danslesalondeSean,jerelèvelatête.Ilposeunemainrassurantesurl’undemesgenoux.C’estcecontactquimeréveille.Cesontsesdoigtsquimetirentdemaléthargie.Jepasselalanguesurmeslèvressèches.

–Lespolicierst’ontposéunequestion…medit-il,trèscalme.

Monrocdanslatempête.

–Je…

Mavoixestsifaiblequejesuisobligéedem’éclaircirlagorgefaceauxdeuxinspecteursvenusenregistrermadéposition.Sean s’est occupéde tout.Uneheureplus tôt, je lui ai téléphonédepuisl’écoledema fille, paniquée.Et il a tout abandonné, quittant sa réunion et ses collaborateurspourfoncermechercheretmettreCeliaàl’abridanssonappartement.«Vousserezensécuritéici»,m’a-t-ilpromispendantquelapetitedécouvraitsonnouveauterraindejeuxavecdescrisdejoie.

–Jen’aipasécouté,finis-jeparconcéder.

Les coudes plantés sur mes genoux, je me prends la tête entre les mains alors que mes longscheveuxchâtainstombentdevantmonvisage.

–Excusez-moi…je…jen’aipastoutsuivi…

Surlecanapéenfacedunôtre,lesdeuxofficierséchangentunregarddeconnivence.Quepensent-ilsdemoi?Jen’aiguèreenviedelesavoir!Pourl’heure,jemesensseulementchoquée,déroutée,affolée… à l’idée qu’on puisse me prendre mon enfant. L’inspecteur Warner m’examine avecinsistance,détaillantmafiguredéfaite.C’estluiquiestchargédemondossierdepuismonmystérieuxaccidentdevoiture.

– Nous ne voulons pas vous importuner, mademoiselle Anderson, me déclare-t-il. Mais nousavonsbesoindevotreaide.

–Etpuiscen’estpascommesivotrefilleavaitétéenlevée.Ilnes’estrienpassédegrave,précisesoncollègue.

Il s’agit de l’agent Clarens, un homme de taille moyenne, chauve, que je rencontre pour lapremière fois.Difficiledenepas sentir l’animositédans savoix…etdans son regard lorsqu’il seposesurmoi.

–Pourlemoment.

Sean riposte avantmoi, glacial.Qu’est-ceque cet officier cherche à insinuer ?Que j’exagère ?Quejememontelatête?Sentantmaréserve,Seanpressemamainavecforce.Ilestsiprèsdemoiquema tête touchepresque sonépaule.Sansm’en rendrecompte, jem’appuie sur luide toutmonpoids. Si bien qu’il finit par m’entourer d’un bras. Clarens etWarner se jettent un nouveau coupd’œil,sansgrandeillusionsurlanaturedenosrelations.Pendantcetemps,lescrisjoyeuxdeCeliarésonnent.

Maprincesse.Personnenetoucheraàmaprincesse.

–Vousaviezdéjàvucettepoupéeavant?medemandeWarner.–Jamais.Jelatrouveaffreuse.–Etquiauraitpul’envoyeràvotrefille?embrayelechauve,toutdego.

J’aivraimentl’impressionqu’ilnem’aimepas.Cequimemetfranchementmalàl’aise.

–Celian’estqu’unepetitefillede3ans,dis-jeavecforce.Enplus,lemotm’étaitdestiné!Jepensequec’estmoiquisuisviséeàtraverselle.Commepourmonaccidentdevoiture.

–Riennenouspermetdereliercesdeuxévénements,mecoupetoutdesuiteClarens.–Voussavez trèsbienquiBillieapourennemi, intervientSean, lesyeuxbrillantsdecolère.En

fait,toutlemondesaitquitentedelatraînerdanslaboue.

Lesdeuxhommess’affrontentduregard…DesflammesdansentdanslesyeuxdeSeanalorsqu’ilsembledéfier lepolicierd’oser luirépondre.Ceque l’hommesegardebiendefaire.Cars’ilpeutessayerdetournermapeurenridicule, ilnepeutinfligerlemêmetraitementautout-puissantSeanCavendish.Seann’estpasunhommequ’oncontrarie.Etiln’estpasnonplusunhommequ’onveutpourennemi.

Le nom demon ex flotte entre nous. Comment l’agent Clarens peut-il poser une telle question

après le battagemédiatique autour deCelia ? J’ai le sentiment qu’il veutminimiser la gravité desfaits!Etduranttoutlerestedelaconversation,ilnetientaucuncomptedesprécédentesmenacesdontj’aiété l’objet…obligeantSeanà insister.Demoncôté, je suis tropsonnéepourattaquer.Lapeurm’ôtemesmoyens.

–Billieareçuuncoupdefilmenaçantavantd’êtrerenverséeparunevoiture!siffleSean,excédé.Etmaintenant,cettepoupée!

–Nouscomprenonsvotreinquiétude,répondWarner,apaisant.

Depuisledébut,ilessaiedecalmerlejeu.

–Toutefois,riennenouspermetd’établirunlien.Nousdevonsseulementnousbasersurdesfaits,monsieurCavendish.

–Etcettepoupéenepeutpasêtreconsidéréecommeunemenacegrave,conclutClarens.

Ilagitelacartereçueavecl’affreusepoupée.QuantàAnnabelle,ellesetrouvesurlesgenouxdel’inspecteurWarren,sonvisagetournéverslesol.Tantmieux.Satêtemefichelesjetons.Maismoinsqueledésintérêtdelapolicepourmonhistoire.

–Nivousnivotrefillen’êtesdirectementmenacéesdemort.

Cettefois,jenepeuxpasresterdemarbre.

–Non,vousavezraison,onmenacejustedekidnappermafille.Desbroutilles.– Vous pouvez le prendre comme ça… mais rien n’est dit explicitement, réplique le flic,

impassible.

Etsoncollèguedetemporiserenselevant,pourmettreuntermeànotreentretien:

–Nousallonsreleverleséventuellesempreintessurlacarteetlapoupéeetvisionnerlescamérasdesurveillanceprochesdel’école.Onnesait jamais.Maisl’inspecteurCliffordaraison.Vousêtesdésormaisunecélébrité,mademoiselleAnderson,etcegenredelettreestplutôtcourant.

Ilmeserrelamain.

–Maisraressontlestypesquipassentàl’acte.

C’estsupposémerassurer?

Jeregardes’éloignerClarensetWarner,conscientedenepasavoirétépriseausérieux.Lapeurpourma fillem’empêche d’être en colère.D’ordinaire, j’exploserais,mais pas cette fois.Dans levestibulemeparviennentdeséclatsdevoix,sansdouteSeanquinelesfélicitepasenlesescortantàlaporte.Etunefoisseuledanslesalon,j’inspireungrandcoupenessayantderetrouvermoncalme.

***

Parcequ’ilpenseàtout,Seanenvoieundesesemployésfairenosvalises.Pasbesoinderetourner

àlatownhouse,nosbagagessontdirectementlivrésàsonappartement,oùnousrestonspourlanuit.Dans un état second, je prends une douche pendant qu’il passe quelques coups de fil. Certes, saprésencemerassure…maismonstressnecessed’augmenter.

J’ail’impressiond’êtreunecocotte-minute.

Enunedemi-heure,jevaism’assurerunedizainedefoisqueCeliaestbiendanslachambred’ami.Jetantuncoupd’œilpar laporteentrebâillée, je la regardedormircommeunange.Ellesemblesifragile,siinnocente…etpourtant,elleestdéjàmenacée.

–C’est l’œuvred’undéséquilibré,m’adéclaréSean,sansprendredepincettes.Maisnousallonsrestersurnosgardes.

Undéséquilibré.Jen’envoisqu’unseulparmimes«connaissances».Lecœurserré,jecontemplemapetiteprincessedanssachemisedenuitàfroufrousroses.Etc’estàcetinstantprécisquejemedécide.Jenepeuxpasresterlesbrascroisés,sansrienfaire.RetournantdanslachambredeSean,etprovisoirement lamienne, jem’emparedemonportable et fouille dansmon répertoire.Certes, jen’aipassonnumérodirectmaisjesaisqu’ilmerépondra.YcomprisàsonQGdecampagne.

–Quiledemande?interrogelastandardisteauboutdufil.–BillieAnderson.

Petitsilencegêné.Peut-êtrevérifie-t-ellelaprovenancedel’appel.

–Veuillezpatienteruninstant,s’ilvousplaît.

J’attendsmoinsdetrentesecondes.

–Billie?faitlavoixdemonex.

Qu’est-cequejedisais?

–Queveux-tu?ajoute-t-il,entreinquiétudeethostilité.

Jen’hésitepasuneseconde:

–Jeveuxquetuparlesàtonfils!–Pardon?–J’imaginequetuesdéjàaucourantausujetdelapetitevisitequ’ilm’arendueàl’hôpital,l’autre

jour.

Eneffet,j’aiavertilapolicedesavenueetdesesmenaces.Mêmesil’affairen’estpasremontéeauxoreillesde lapresse, sesparents savent àquoi s’en tenir.Cegarçonn’aplus toute sa tête.Lesjournauxn’ont-ilspasfaitétat,l’annéedernière,desesproblèmesliésàladrogue?Nes’était-ilpasrenduàmonchevetàmoitiéivre,pourm’accuserdevouloirspoliersonhéritage?

–Attends,Billie!murmureRichard.

Je l’entendsfermeruneportederrière lui.Sansdouteest-ilen traindes’isolerdanssonbureau,loindesoreillesindiscrètes.

–JetedemandedebienréfléchiravantdecontacterlesmédiasoutonamiSeanCavendish…

Ilyaunetellefébrilitédanssavoixqu’ellenepeutm’échapper.Ilsembleauxabois.Ehbien,noussommesdeuxdanscecas!

–Tucroisquejet’appellepourça?fais-je,furieuse.Tonfilsarecommencéànousmenacer,Celiaetmoi!Ilestvenuàl’écoledemafillepourluiapporteruncadeaumalsain,unesortedepoupéeàsoneffigie.

Je lui déballe toute l’histoire. Pour moi, Mickaël est le seul coupable potentiel. Qui d’autres’amuseraitàdesjeuxaussipervers?Àtêtereposée,j’ai l’impressiondevoirplusclairdanscetteaffaire.Sonpèrenecessedechuterdanslessondages:iln’estdoncpasdanssonintérêtdes’attaqueràsafilleillégitime,aurisquedes’aliénerdéfinitivementl’opinionpublique.Quantàsonépouse…jen’ycroispas.Jen’imaginepasPatriciaJohnsonentraindeconcevoirceplanmalsain.Maisjepeuxmetromper.

–Jenesaispasquoitedire,Billie…

Assisesurlereborddulit,jeserresifortletéléphonequejeredoutepresquedecassersacoque.

–Jeveuxquetuparlesàtonfils.–Jeleferai.

Blancdansnotreconversation.

–Maisjet’enprie,n’alertepaslapresse.

C’estdonclaseulechosequil’intéresse?Pasétonnantquesonfilssoitentraindevirerdingo!

–Ceserait…désastreux,ajoute-t-ild’unevoixpressante.

Jeme garde de répondre, consciente que les journaux sont désormaisma seule arme face à safamilleetlui.

–Parleàtonfils,répété-je,glaciale.Oujeparlerailapremière.

Etjeraccrochesèchement…avantderéaliserquejetrembledetousmesmembres.Impossibledem’arrêter ! Je frissonnecommesi j’étais enmaillotdebain enpleinblizzard ! J’en rirais si jeneclaquaispassi fortdesdents !Cedoitêtreça,unecrisedepanique.Maisalorsque jemecache levisageentremesmains,recroquevilléesurleborddulit,deuxbrasm’entourent.

Sean.Monangegardien.

Arrivéensilence,ils’assoitàsontoursurleborddumatelaspourm’attirercontresapoitrine.Jenerésisteplus.J’aibesoindelui.Mieux:j’aiconfianceenlui.

–Toutvabiensepasser.Vousallezvousensortir,medit-ildesavoixapaisante.

Il presse ses lèvres contre ma tempe, ma pommette, ma joue. Je ferme les paupières,m’abandonnant à son étreinte, à ses bras plus forts que lesmiens.Et je baisse la garde. Sans peurd’êtreblessée.Lentement,mestremblementssecalment,apaisésparsavoixgrave,posée.

–J’aipeur…confessé-je.–Celiaestensécuritésousmontoit.Ettoiaussi.Ilnepeutrienvousarriver.–Mais…–Maislecorbeaunevapasmettresesmenacesàexécution,j’ensuiscertain.Cenesontquedes

paroles.Lesgensquiattaquentvraimentlefontsansprévenir.Ilsfrappentetc’esttout.Crois-moi.

Jehochelatête.J’aienviedelecroire.

–Mercid’êtrelà,Sean.Jenesaispascequejeferaissanstoi.

La joue appuyée contre sa poitrine, je lève alors la tête et découvre son sourire irrésistible,insolent:

–Jenesaispasnonplus!

***

Après cet intermède, Sean redescend au rez-de-chaussée pour régler une affaire urgente liée àl’unedeseschaînestélé.Jemeretrouveseuledanslachambre…etincapablederesterassiseavecunbouquin.Ànouveau,jelorgneducôtédutéléphone.Etsij’appelaisquelqu’un?Justepourmetenircompagnie?Àcetteheure,jenepeuxpasjoindremesgrands-parents.Enplus,inutiledelesaffoler.Karlie ? Nous sommes en froid depuis sa mini-crise de jalousie. Pourquoi pas Sabrina ? Elledécrocheauboutdetroissonneries.

–Maisnon,tunemedérangespas!s’exclame-t-elle,visiblementravie.

Sa chaleur me réconforte. Je n’ai pas le sentiment de mal tomber avec ma copine d’enfance.Renoué, le fil de notre amitié paraît de plus en plus solide. Et je n’hésite pas à lui raconter madernièremésaventure.

–Unepoupée?fait-elle,décontenancée.C’estunpeuglauque…–Tum’ôteslesmotsdelabouche!–Ilfautêtresuperbizarrepourfaireuntrucpareil.C’esteffrayant.–Tucrois?dis-jeavecappréhension.Seanditquecegenredepersonnespassentrarementàl’acte.–Etilaraison.J’ensuissûre,serattrape-t-elle,ensentantlapeurànouveaupercerdansmavoix.

Ellemeréconforteetparvientàtrouverlesmotsjustespourapaisermoncœurdemaman.

–Alorscommeça,tupensesquec’estlefilsdetonex?s’enquiert-elle.–Oui.Jesaisqu’iltouchepasmalàl’alcool.Etpuis,ilnousadéjàmenacéesouvertement,Celiaet

moi.

Jen’enauraijamaisfiniaveclafamilleJohnson.

–Tuaspeut-êtreraison,répondSabrinad’untonpensif.MaisçapourraitaussiêtreunpartisandeRichardJohnsonquichercheàtefairepeur.

–C’estpossible.Cen’estpascommesij’étaislafillelapluspopulairedesÉtats-Unis!

Sabrinasemetàrire…avantdemeremonterlemoralavecdesanecdotesamusantessursesprofsde fac.Çamechange les idées.En raccrochant, jemesensunpeu rassérénée. Ilsont raison.Sean,Sabrina,lesflics.Jem’enfaistrop.Aprèstout,personnen’aapprochédirectementmafille.Deplus,Richard va certainement parler à son fils, ne serait-ce que pour protéger sa carrière politique.TorpilléparmoninterviewavecCurtisWilson,ilnepeutsepermettrelemoindrefauxpas.JefinisparrejoindreSeanenbas,enveloppéedansunpeignoirdesatinnoir.

Heureusement,lapersonnequiafaitmesvalisesnem’apasrapportémonpyjamaenpilou!

Jem’arrêtedevantlaportedesongrandbureauauparquetciré.Lesmursblancssontdécorésparsescouverturesdejournauxlesplusfameuses:l’électiondeBarackObama,lesimagesprisesparletélescopeHubble,lamortdeNelsonMandela…C’esttrèsimpressionnant!Jetoquediscrètement,luifaisant relever la têtependantqu’ilparle au téléphone. Il estpresqueminuit et il bosseencore.Cethommenes’arrêtedoncjamais?Levantl’index,ilmefaitsignedepatienter.

–Jesuisàtoidansuneminute,articule-t-il.

Àmoi?Hum…jenedemandepasmieux!

Jem’appuieauchambranle,lescheveuxrelevésparunegrossepince.Monpeignoirbâilleunpeu,offrantunevueplongeantesurmapoitrine…cequinemanquepasd’attirersonregard.Jesouris.Etjem’amuseàjoueraveclaceinturedesatin,lafaisanttournoyerd’unemain.

–Nemetentepas!souffle-t-il,l’airtendu.

Jeluisouris,raviedemonpetiteffet.Puis,embrassantsonbureauduregard,jeremarqueungroslivre avec la tour deLondres en couverture.C’est commeundéclic.Soudain, l’imagedeGeorgias’impose à moi, cassant mon enthousiasme… Je l’avais complètement zappée à cause de cettepoupée…etj’arrêtedejoueravecmonpeignoir,àlagrandedéceptiondeSean.Celui-cim’interrogedu regard.Mais j’attendsqu’il ait raccrochépour le rejoindreetgrimper sur sesgenouxavecuneaudacenouvelle.

–Je…

Jen’osepascontinuer…jusqu’àcequ’ilm’encourage.

–Qu’ya-t-il?Nemedispasquejet’intimide?susurre-t-il,insolent.

Jelèvelesyeuxauciel.Mêmes’iln’apastotalementtort,inutilequ’illesache!

–Çateferaittropplaisir!Maisarrêtedeprendretesrêvespourdesréalités,Cavendish…

Iléclatederireet,lesaisissantparlereversdesaveste,jeredevienssérieuse:

–J’aicroiséGeorgiacematin,devanttonimmeuble.

Voilà,c’estdit.Àlaseconde,Seansemblesefermersurlui-même.Soncorpsseraiditalorsqu’ilafficheuneexpressionméfiante. Je l’observeen silence,détaillant sesyeuxdebraise, samâchoirevirile,sabouchecharnue…ilestencoreplussexyquandilestencolère!

–Ellem’a racontépour lamaladiede tonpère. Je croisqu’ilvoudrait tevoir avantdemourir,pourpartirenpaix…

Seans’emparedemespoignets,lesdétachantdesonluxueuxblazer.

–Jen’aipasenviedeparlerdeça,rétorque-t-il,trèsfroid.

Jereçoislemessagecinqsurcinq.

–Etsinousmontionsplutôtnouscoucher?ajoute-t-il,unpeuadouci.–Tuassommeil?

Sesyeuxétincellentalors.

–Quiaparlédedormir,Billie?

2.Hommeetpère

–Billie…

Je suis devant la table du petit déjeuner, en l’occurrence un long comptoir blanc laqué superdesign.Juchéesurmonhauttabouretauxpiedsmétalliques,j’ail’impressiond’habiterdansl’undecesluxueuxmagazinesdedécoration.Ouvertesurlesalon,lacuisinemepermetdesurveillerCelia,entraindejouersurletapisavecsonarméedepetitsponeysprêtsàconquérirlemonde.

Ouaumoinsànouscasserlesoreilles.

–J’aiunepropositionàtefaire.

La voix de Sean m’arrache à ma contemplation tandis qu’il vient s’asseoir près de moi, sonassietted’œufsbrouillésaubaconàlamain.Enchemiseblancheetpantalonnoir,ilestdéjàtrèssexymalgrél’heurematinale.Surtoutavecsescheveuxlégèrementhumides,suiteàsadouche…Jesaisceque j’ai envie de prendre au petit déjeuner ! Mais son ton solennel refroidit mon enthousiasme.Reposantbruyammentmafourchette,jemeraidis,cequiluitireungrandrire.

–Situvoyaistatête!

Ilsefoutdemoi,enplus.Jememetsàbouder.Instantanément.

–Arrête!–Arrête!répète-t-ilsurlemêmetonfurieux.–Sean!

Jem’apprêteàluijeterunmorceaudepancakeàlatêtelorsqu’illèveenfinlesmainsenl’air,telunhommedésarmé.

–Désolé,désolé!dit-ilavecunsourire.Tuestellementfacileàfairemarcher…–Ettoi,tuesinsupportable.–Jesais…maistellementcharmant,ajoute-t-ilavecunsourireàfairefondreuncœurdeglace.

Grrrrr!

–Jenesaismêmepascommentjetienslecoup,finis-jeparlâcher,encachanttantbienquemalmonattendrissement.

Il sait exactement sur quel bouton appuyer pour me faire enrager. Et le pire, c’est qu’il aparfaitement conscience de son pouvoir surmoi. Ce qui le rend encore plus arrogant et… drôle,craquant,irrésistible!

–Jesuisunesainte!dis-jeenlevantlesyeuxauciel.–Unesainte?répèteSean,unsouriremoqueuraucoindeslèvres.Vraiment?

Son allusion à la nuit dernière me fait rougir comme une pivoine. Cet homme a le don dem’embarrasser, et de me sortir en permanence de ma zone de confort. Avec lui, pas de voyagetranquilleenadmirantlaroute.Ilredevientsoudainsérieux,tendantunemainàtraverslecomptoirpourcouvrirmesdoigts.Jemeraidisànouveau.

–Jedétestelesannoncestropsérieuses,dis-je,surmesgardes.

Jesuishyperanxieuse.Etméfiante.Mêmesijetented’avoirl’airassuré.

–Pasdepanique,Billie.Ils’agitd’uneproposition,pasd’unecondamnationàmort!

Jesuisplusguindéequ’unsoldatdeBuckinghamPalace.Uneproposition?Gloups!J’aiunréelproblèmeavecl’engagement.J’aiunepeurbleuedesdécisionsdéfinitives,quivouslientsansretourpossible.Àcausedetoutesmeserreurs,jedoutedemoietdemacapacitéàfairelesbonschoix.Etjedouteaussideshommes,deleursincérité.J’essaiedefaireconfianceàSean…maiscertainesdemesblessuresnesontpasencorecicatrisées.

– Tout doux, Billie, murmure Sean en me pressant les doigts. Je ne vais pas te demander enmariagesur-le-champ.

–C’esttoujoursbonàsavoir…

En fait, je ne suis pas sûre que çame déplairait tant que ça.Même s’ilme ficherait les jetons.Personne n’a dit que j’étais une fille facile à comprendre ! Sean m’adresse l’un de ses souriresétincelants.

–JevoudraisseulementqueCeliaettoiemménagiezchezmoiletempsquetoutecetteaffairedemenacessetasse.

Jenedisrien.Mafilleetmoi?VivresousletoitdeSean?Quitternotretownhousepourresteràsescôtés?C’estàlafoistentanteteffrayant.Carjeneseraispluschezmoi,surmonterrain.

–Billie…insisteSeanenmecoulantunregardintense.Jenem’apprêtepasàt’enfermeràdoubletourdansunechambreforte.Cetappartementn’estpasuneprison.Aupire,tupourrasrentrercheztoiaumoindreproblème.

–Jesais,fais-jed’unetoutepetitevoix.–Simplement,jenesupporteraispasdevoussavoirendanger,touteslesdeux.

Touchée.Aucœur.

–Orcemaniaqueconnaîtprobablementtonadresse.Jenepensepasqu’ilpasseraàl’attaquemaisonnesaitjamais.Chezmoi,vousnecraindrezrien.Outrelescaméras,nousavonsaussiungardien,despassesdesécurité…c’estunvéritablebunker!

J’esquisseunsourire.

–Jenesaispasquoidire.–Rien.Hormisquetuacceptes.

Jehochelatêtefaceàsesyeuxrieurs.Ilsaitparfoissemontrersiconvaincant…

–Ils’agitseulementd’unemménagementprovisoire,meprécise-t-il.

Alorspourquoin’a-t-ilpasl’aird’ycroire?Pourquoisemble-t-ilpersuadéquejenerepartiraipasdesitôt?J’hésiteàmerebiffer…mêmesiaufonddemoi,j’aiseulementenviedeposermesvaliseschezluipournejamaism’enaller.Carjel’aime.Etilm’aime.Toutseraitsisimplesijen’étaispassicompliquée ! Je souris à mon tour, en secouant doucement la tête. Ma haute queue de cheval sebalancedansmondos.

–D’accord.

Seanéclatederire,renversantlanuque,tellementvivant,tellement…lui-même.

–Tu sais que j’ai l’impression demener des tractations diplomatiques quand je suis avec toi ?C’estpirequenégocierunaccorddepaix!

Sansréfléchir,jecontournealorslecomptoirpournouermesbrasautourdesoncouetmeserrercontre lui. Sean m’étreint sur son torse. Et quoi que je m’en défende, je suis heureuse, excitée,impatiente de poser définitivement mes valises chez lui. Enfin, non ! Pas définitivement !Provisoirement!

Biensûrquejevoulaisdire«provisoirement»!

***

Jeprofiteduweek-endpourdéménager.Plantéeaumilieudemonappartement,lespoingssurleshanches, j’évalue la gravité de la situation.Des jouets traînent dans tous les recoins, enparticulierl’avionenplastiquequimefaitchuteràtouslescoups.Jeluidoismêmeunepetitecicatriceaucoude.Sansparlerdemescours,empiléssurlebureauetlatablebasse,demesnotesdetravailglisséessouslecanapé…jen’aipasrangéleslieuxdepuisunbonmoment!

Je retrousse mes manches et commence à remplir mes cartons. Pas question d’emporter desmeubles dans l’immense appartement de Sean où Celia est restée sous sa bonne garde. C’est lapremière foisqu’il s’enoccupeseul ! Jenesuispourtantpas inquiète. Jesourisen imaginantcettepetitepucede3 ans en trainde lui réclamerdes tartinesdeFluff et lui se retrouver complètementdépassé.Legrand–pardon,l’immense–SeanCavendishrisqued’êtremisàrudeépreuve!

Amusée,jerassemblelesvêtementsetlespeluchesfavorisdemafille,sansoubliersescahiersdecoloriageetsondoudou.Moi,jemecontented’embarquerdesbouquins,desfringuesetmesaffairesde toilette. Ainsi que mon indispensable ordinateur portable. Sean a bien proposé d’engager desprofessionnels…maisjenevoulaispasquedesinconnusfouillentdansmesaffaires.J’auraisvécucelacommeunenouvelleintrusiondansmavieprivée.

Et finalement, après quelques allers-retours et l’aide du portier, je parviens à monter mes dixcartons à l’appartement. Sean aussi vole àmon secours, refusant que je porte les paquets les pluslourds.Cequinousvautunnouveléchangeassez…pimenté!

–Jenesuispasunefaiblefemme!clamé-jedansl’ascenseur.–Jen’aijamaisditlecontraire,Andersen!–Tuesungrosmacho!–Ettoi,tuesparano!Etsusceptible!

C’est plus fort quenous.Comme si nous étions faits pour nousopposer autant quenous aimer.Celia, elle, semble ravie par notre arrangement. Tandis que je déballe nos affaires – et là, Sean amystérieusementdisparudanssonbureau,hum,hum–elles’amuseàfaired’interminablesglissadesdans le couloir, trois fois plus long que le nôtre ! Cette enfant a un bel avenir dans la course debobsleigh!

Demoncôté, jeremplis lapartiedudressingvidéeparSean,quin’apashésitéàmefairedelaplace.Ilm’aaussilaissétouteunecommode,ainsiqueplusieursrayonnagesdesesbibliothèques.Jen’aipasl’impressiond’êtreuneinvitée.Etcettesensationmedonnedespapillonsauventre,mêmesijenel’avoueraispourrienaumonde!Aprèsavoirdéposémesderniersmanuelsdejournalisme,quirisquentde fairedoublonsavec lescentainesd’ouvrages sur le sujetdeSean, jemonteaupremierétage.Surlapointedespieds.Carj’entendsdesriresenprovenancedelachambredeCelia.

–Tuveuxbienmeleprêter?demandeSean.

Ilestassisen tailleursur le tapiscoloré,enfaced’uneCelia trèssérieusequigèresonstockdepetitsponeys.

–Voui.

Mademoiselleestgraveetconcentrée,cequinemanquepasdefairesourireSean.

–Tuveuxqui,Shoûn?–Ehbien…

Ils’abîmedansuneprofonderéflexionmaisjenepeuxpasvoirsonvisage.Delui,jen’aperçoisquelelargedos.Etc’estunspectacleasseztouchant,cethommesigrandetcettepetitefillesifrêle.

–Lebleu,tantqu’àfaire.Celuiaveclacrinièreblanche.–Tiens!Ils’appelleKiki!

Trèsémue,jeresteàl’écartpourlesregarderjouerensemble.Ainsi,c’estàçaqueressembleunhommeavecuneenfantqu’il aime.C’est àçaquepourraient ressembler les jeuxdeCeliaavecunpère.Jem’appuied’unemainauchambranle,souslechoc.Seanferaitunpèremerveilleux.N’est-ilpaslàdepuisledébutpourCelia,soucieuxdesonbonheuretdesasécurité?Ilaplusfaitpourelleendeuxmoisque songéniteurdepuis sanaissance ! J’auraisvouludonner àma filleunpère tel quelui…maisj’aicommisuneerreurqu’ellepaieenmêmetempsquemoi.

EtsiSeanpouvaitdevenirsonpapa?EtsiSeanétaitl’hommedemavie,denotrevie?

Cette idéemedonne le vertige. Jem’accrocheplus fort à l’encadrement enbois aumoment oùSean se tourne versmoi, remarquant enfinma présence. Et après un rapide baiser sur le front deCelia,occupéeàorganiserledépartdesesponeysdansl’espace,ilmerejointsurlepalier.

–Elleestgéniale,tapetitefille!murmure-t-ilenlaregardant.–Jesais.–Tuasvraimentfaitdubonboulotavecelle.

Quelplusbeaucomplimentpourrais-jerecevoir?Jebatsdescilspourchasserleslarmesquimemontentauxyeux.Nousrestonssilencieuxl’unprèsdel’autre,contemplantensemblemafille.PuisSeanseraclelagorge,visiblementmalàl’aise.

–J’aibeaucoupréfléchiàproposdemonpère.

Jeretiensmonsouffle.Cesujetestsidélicatquej’oseàpeinebougeruneoreille.D’ailleurs,Seanrestemuet,secontentantd’observermafilleentraindes’agiteretdefairevolersesponeysenl’aircommedesfusées.

–Tucroisquejedevraisallerlevoir?

Seanmedemandemonavis?

Prisedecourt,jeperdsunebonneminuteàmeressaisir.Puisjetourneversluiunregardinquietetposeunemainsursonbiceps.

–Jepensequ’ils’agitdetadernièrechancedevoirtonpère.Situneterendspasàsonchevet,turisquesdeleregrettertoutetavie.

IlseraiditsousmesdoigtsetfixeCeliaavecuneintensitécroissante,commes’ilmettaitunpointd’honneurànepascroisermonregard.Ilneveutpasquejeliseenlui.

–Cethommen’estrienpourmoi!siffle-t-il.–Ilrestetonpère.Rienn’effaceraça.–Tun’aspasconnutonpère,jemetrompe?lâche-t-ilsoudainensetournantversmoi.

Jedéglutisavecpeine.

–C’estvrai.Maiss’ilfrappaitàmaporte,jenelerepousseraispas.Jenel’accueilleraispasnonplusàbrasouvertsetnevoudraisprobablementpasqu’il fassepartiedemavie…mais jemesuistropdemandéd’oùjevenaispournepaschercherdesréponses.

–Moi,jesaisquiilest.–Jenecroispas,luidis-jeavecunegrandedouceur.Pasplusqu’ilnesaitquiestsonfils.Etc’est

votredernièrechancedevousrencontrer.

Jemetais,bouleverséeparsonvisageferméetsesmâchoiresserrées.

–N’yvapaspourlui,Sean.Fais-lepourtoi,ajouté-jeàsonoreille.

Ilhochealorslatête.

–J’irai,déclare-t-ilsoudain.

Puis,avecunsouriretriste:

–Detoutemanière,c’estlemomentidéalpours’éloignerdesÉtats-Unis.

Nousn’évoquonspluslesujetdurantlerestedelasoirée.Jeprendstrèsvitemesmarquesdanssonappartement.Celia,elle,s’endortcommeunesoucheaprèsledîner.Elleaeusonquotad’émotions!Etmoiaussi !Profitantd’unultimecoupde fildeSeanà sescollaborateurs, jeme faufiledanssasalledebains.Sublime,forcément.Noireetgarnied’orchidéessombres.Admirantsongoût,j’ouvrelesrobinetsdelabaignoireauxdimensionspharaoniques.Àmesurequel’eauremplitlepetitbassin,unevapeurchaudeenvahitlapièce,lasaturantd’humidité.

D’ungestesouple,jeretiremonpeignoirdesatin,lelaissanttomberàmespieds.Puiscoupantlerobinet,jevérifielatempératuredemonbainavantdeglisserunejambeaprèsl’autre.Profitantdecemoment de détente, je m’adosse au marbre avec délice. Puis je ferme les paupières, un bras surchaque rebord de la baignoire. Ici, je me sens en sécurité. Je peux baisser ma garde. Au fil desminutes,jem’assoupis…quandjesensl’eaudubains’agiterautourdemoi.

Quelqu’un.Avecmoi.

Rouvrantlespaupièresd’uncoup,jemeretrouvefaceàSean.Entièrementnu, ils’invitedanslabaignoireavecunsourireirrésistible.Uninstant,jepeuxadmirersamusculatureparfaite,lesmuscleslongsdesesjambes,sesfesseshautesetdures,sontorseauxlignesathlétiques,seslargesépaules…Ilressembleàunestatuegrecque.

–Tuterincesl’œil?s’amuse-t-il.

Jem’empourpre.Moiquinerougissaisjamaisavantlui,jemetransformeenvraietomate.

–Tuaccepteraisunpeudecompagnie?Jeneveuxpasqueturestesseule.Pourtapropresécurité,ajoute-t-il,malicieux.

Ils’assoitdanslebain,del’autrecôté.

–Tuproposesdejouerlesgardesducorps?souris-je.–Absolument.

Puis,venantversmoienfaisantunpeudéborderl’eau,ilposesesmainssurmesépaules,avantdeleslaisserglissersurmesbras.

–Ilseraitregrettablequ’ilarrivequoiquecesoitàuncorpspareil…susurre-t-ilàmonoreille.

Jedeviensécarlate.Jesensquecebainvadevenir…bouillant.

Ledésirmonteaucreuxdemonventre…tandisquelecorpsdeSeansepressecontrelemien.Sesyeux noirs me brûlent, incandescents. En son pouvoir, j’avale ma salive avec peine tandis qu’ilcaresse ma joue d’un revers de la main. Son visage est si proche… je sens même son parfumenvoûtant, aux notes viriles et boisées. Ilme contemple avec satisfaction, conscient de l’effet qu’ilproduitsurmoi.Et ilenprofite, lemonstre! Ilmefait rougird’unsimpleregard,embrasantmoncorpsdesorteilsàlaracinedescheveux.

–Tuastropchaud?metaquine-t-il.

Mapeaus’enflamme.

–C’estàcausedel’eau.

Jemensensoutenantsonregard.Jenecomptepas lui fairedecadeau!Ni flattersonegode latailledupays!

–Ehbienvoyonssionpeutencorefairegrimperlatempérature,merépond-il,guèredésarçonné.

Collant son torse musclé à mes seins ronds, aux pointes déjà tendues par la proximité de soncorps,ilplongeversmoncou.Meslongscheveuxrelevésparunepince,j’ailanuquedégagée…etiln’aplusqu’àlapicorerdebaisers,eninsistantsurmaveinejugulaireouderrièremonlobe.Coincéeentreluietlerebord,j’inclinelatêtesurlecôtéetfermelespaupières.Lecontactdesaboucheestvelouté,chaud,doux.Toutcommesesmainssousl’eau,quiviennententourermataille.Jelestrouvebrûlantesendépitdubainquiclapoteautourdenous.

Desnuagesdevapeurs’enroulentautourdenoscorpsemmêlés.MesdoigtsglissentsurlesbrasdeSean,redessinantsesbiceps,sesmusclesdurcisparl’excitation.Jesensqu’ilmeveut,qu’ilaenviedemoi. Comment pourrais-je en douter dans cette eau transparente ? Je m’arc-boute contre lui,seulement rafraîchiepar lebordenmarbrede labaignoire.Avecdélice, jesenssesépaules roulersousmesdoigtsavantdecommenceràcaressersondosdebasenhaut.Suivantlalignedesacolonnevertébrale,jedescendstoujoursplusbas…jusqu’àatteindresesfesses.

Cethommemerendfolle!

Seanpousseunrâlesanscesserdebutinermoncou.Puissabouchedescendversmapoitrine.Ettoutsepassetrèsvite.D’unseulcoup,sesbrasm’enveloppentetmesoulèventhorsdel’eau…pourm’asseoirdirectementsursescuissessolides.Jenerésistepas, jen’aiplusaucunedéfense!Jemecontentedenouermesjambesautourdesataille,endevinantsonsexedurcifrottercontrelemien.Mondésirexplose,violent,sauvage.J’aienviequ’ilmeprennelà,toutdesuite,maintenant.Maisils’amuseàfairedurerleplaisir.

–Patience,matoutebelle…

Jem’apprête à répondrevertement, parceque je ne suis pas sa« toutebelle »,mais il nem’enlaissepasleloisir!Appuyantunepaumeautoritaireentremesseinsetl’autreaucreuxdemondos,ilm’aideàcambrerlesreins…desortequemapoitrineémergeau-dessusdel’eau.Fondantsurl’unde

mestétons,illeprenddanssabouche.Jem’accrochealorsàsoncou,telleuneliane.C’estcommesinousneformionsdéjàplusqu’un.D’unmouvementdebassin,Seansefrotteàmoi,excitantdesonsexelepetitboutondechaircachéaucreuxdemesreplishumides.Leplaisircommenceàvenir.

Petitàpetit.Deplusenplusfort.

Enivrée,j’enfouismesdoigtsdanssachevelurebrune,surprisequel’eaudubainnesemettepasàbouillonner. Avec cette chaleur, elle devrait s’évaporer ! Nos corps me semblent en fusion ! Jeresserreplusfortlesjambesautourdesesreins.Iln’estpasassezprès.Jamaisassezprès.Jevoudraisqu’ilentreenmoi,mêmes’ilm’infligelaplusdélicieusedestortures.Carilnecessedesecolleràmoi,d’excitermonclitorisavecsonsexetenduparl’excitation.Enmêmetemps,ilaspirel’undemestétonsdanssabouche,avantdel’apaiserd’uncoupdelangue.

Arc-boutée,jenecontrôleplusrien.Etl’orgasmemefaucheparsurprise,exacerbéparlacaressedel’eau.D’unseulcoup,l’ondeduplaisirs’élèveaucreuxdemoncorpspourincendiermapoitrine,enflammer tousmesmuscles.Pendantun instant, je suis enapesanteur. Jene saisplus rien. Je suisaveugle et sourde.D’autant que Sean neme laisse aucun répit, continuant à frotter…Ses grandesmains, elles, vont et viennent le long de mes flancs, avant de remonter vers mes seins. Ellesenveloppenttoutmoncorps,s’appropriantchaquecentimètredemachair.

–Tuesàmoi,Billie,souffle-t-il.

Revenueàmoi, je rouvrepéniblement lespaupières.Cequinem’empêchepasde le fixerdroitdanslesyeux.

–Àconditionquetusoisàmoiaussi!

Jeluitireunpetitsourire,toujoursjuchéesurlui.Unsourirequisetransformeenhoquetlorsqueje plonge unemain sous l’eau pourm’emparer de son sexe. Et j’embrasse Sean à pleine bouche,goûtantseslèvrescharnues,lesmordillant,lesléchantdelapointedemalangue…avantderetrouverlasienne.Enmêmetemps,mesdoigtsentourentsavirilité.Etlebainsecouvredevaguelettestandisqu’il grandit, grossit dansmapaume. Je le fais glisser, jouant avec son excitation. Sean retient ungémissement,étouffécontremabouche.Caràaucunmomentjen’interrompsnotrebaisertorride.

–Billie…souffle-t-il,enreprenantsarespiration.

Ondiraitpresqueuneprière.

–Billie,attends…

Jeluimordslalèvreinférieuredélicatement.

–J’adorequandtumesupplies,chuchoté-je.

Àlaseconde,sesyeuxétincellent.C’était lachoseànepasdire! Ilne luienfautpasdavantagepourreprendrelepouvoir.N’est-cepasl’histoiredenotrecouple?Unedanseéternelleoùchacunsebat et s’aime.D’un seul coup, ilme renverse dans l’eau qui déborde de la baignoire, inondant le

carrelage.Jepousseunpetitcri,secrètementravie.J’adorequandilfaitça.J’adoreluirésister.

Etluicéder.

Mefaisantquittersesgenoux,ilm’adosseàlaparoietécartemescuissesd’unemainferme,enseplaçant entremes jambes ouvertes. Ses yeux de braise neme quittent pas. J’ai terriblement chaud.Dressésurlesgenoux,Seanmecontemplecommes’ilallaitmedévorer.Soncorpssuperberuisselle.Parcourud’unemyriadedegouttes,son torsesemble luire lorsqu’ilplongeversmoi,accolantnospoitrines.

–Voyonsquicriegrâcelepremier!mesouffle-t-ilàl’oreille.

Etmordillantmonlobe,ilplongeenmoi.Jesenssonsexeentreraucreuxdemoncorps…etjem’arrimeà lui, plantantmesmainsdans sondos.Peut-être lui fais-jemal ? Jenem’en rendspluscompte!Seans’enfoncealorsprofondément,avantdeseretirer.Encore.Etencore.Àchaquecoupdereins, jemonte un peu plus haut. Griffant sa chair, je lui arrache un râle de souffrancemêlée deplaisir.Luicontinuesonmouvementdebalancier,hypnotique.Ilestsichaud,siduraufonddemoi.L’eaunousenveloppe,caressantnospeauxbrûlantes…quandenfin,ilsedéverseenmoi.

Alors,leplaisir.Irrépressible.Intense.Divin.

C’estuneexplosiondesensations,dejouissance.Noscorpssemélangent,commenosâmesetnosbattementsdecœur.Jenetoucheplusterre,secouéeparunspasmesansfin.

–Sean!

Sonprénomm’échappe,commeuncritribal.Etlorsquejerouvrelesyeux,beaucoup,beaucoupplustard,ilmeregardebienenface,unsourireinsolentauxlèvres:

–J’aigagné!

3.Lechâteauanglais

Unesemaines’estécouléedepuisnotrepremièrenuittorridedansl’appartementdeSean,suiviedetoutes les autres… Cohabiter avec lui n’a pas que des désavantages. Je n’en vois même aucun !Prenantpeuàpeumesmarques,j’aipourtantl’impressionderêverquandjemeréveilleàsescôtés.Moi.Quivisavecunhomme.Jedoismepincerpourycroire!J’avaispourtantjuréquejeresteraiscélibatairejusqu’àlafindemesjours,quitteàentrerdansuncouvent!Etpuislui.J’aifaittoutcequejem’étaisjurédenepasfaire:tomberamoureuse,luiaccordermaconfiance,emménageraveclui.C’estquoilaprochaineétape?Lemariage?

Hiiii!

Lepire,c’estquej’enseraisravie.Àsescôtés,j’abatsmonmasqued’amazoneblasée.N’empêche,jene suispas rassurée. Je suismême terrifiéepar tous ces changements.Et exaltée.Sibienque jepeine à penser à autre chose pendant mes examens de fin d’année. La concentration ? Bof, bof !DommagequeSeannesoitpaslethèmed’unedissertation.

J’aurais40sur20.

J’aipourtantrévisécommeunefollepourdécrochermondiplôme.Mêmesij’ignorecequej’enferaisaprès.Pourlemoment,jesuisenpleinepériodedeturbulencesentrelesmenacesquipèsentsurCelia (désormais escortée à la maternelle par un garde du corps embauché par Sean), mondéménagementet la findemesétudes !Ça, jenem’enplainspas ! Je suisenfin libéréedesautresétudiants, desmoqueries, des bruits de couloirs…«Libéréééée,Délivréééée, c’est décidé jem’envais!»

Pourmadéfense,j’aiuneenfantde3ans.

Etvendredisoir,jemeretrouveencorelatêtedanslesvalises.Seanaprissadécision:ilvarendreunedernièrevisiteàsonpère.Aprèsplusieursintensesdiscussionsentrenous,il–ouplutôt,l’unedesesdixassistantes!–aréservénosbillets.Sonchoixmesoulage.Lorsqu’onalachancedeconnaîtresonpère,mêmes’ilnousadéçu,mêmes’iln’apasétéàlahauteur,ilfautenprofiter.Jesaisdequoijeparle.

–J’espèrequetun’yvaspasuniquementàcausedemoi,nepuis-jem’empêcherdeglisserdansletaxiquinousmèneversl’aéroportJFK.

Seanmedardeunregardmoqueur.

–Prétentieuse!melance-t-ilavecunsourireamusé.

Jerougis,mafilleestassiseentrenoussurlabanquette.

–Non,cen’estpascequejevoulaisdire!

Jenemepensepascapabled’influencerSeanCavendish.Enfait,personnenelepourraitsurcetteplanète!Seanéclated’ungrandrire,melaissantm’enlisertouteseuleavecunplaisirévident.

–Simplement,j’espèrequetuauraisfaitcechoixsansmoi.–Demieuxenmieux!–Non!

Àcestade,mêmenotrechauffeurseretientderiretandisquej’agitelesmains,meraccrochantauxbranches.SeuleCelianecomprendpas,tropconcentréesurlanouvellecoiffuredesapoupéeentissu.

–Net’inquiètepas,m’interromptSean,pleindemansuétude.J’aireçulemessage.Maiscevoyage,c’estmadécision,monchoix.Jeveuxvoirmonpère.

Il semble soudain très sérieux.Sur sonvisageparfait, plus lamoindre traced’amusement avantqu’iln’ajoutedansunsouffle:

–J’enaibesoin.

Nouspassonsseptheuresdevoltranquillesàborddesonjetprivé.Seann’estpasfâché,juste…pensif,unpeuabsent.Perdudanssesréflexions,ilnesortmêmepassonordinateurpourtravailler.C’estdire!Detempsàautre,jeluijettedescoupsd’œilinquiets.J’imaginecequ’ilendure.Revoirsonpèredanscesconditions,àlaveilledesamort…qu’ya-t-ildepire?Jem’occupedeCeliaavecl’aided’un steward,qui luipermetdevisionner son filmpréféré :Raiponce.Encore.Etencore.Etencore.

C’estcommeuneboucletemporelle.

Lorsquel’avionsepose,SeanprendlamaindeCeliapourl’aideràdescendrelapasserelle.Avecunepatienced’ange,illaconduitdansl’aéroportdeHeathrowpendantquejelescouved’unregardattendri.Lafaçondontilregardemafille…etcelledontellelèvelatêteverslui…

Ondiraitunpèreetsafille.

Moncœurseserreànotrearrivéedansleterminal.Maispasletempsd’ysongercar…çayest!Nous sommes à Londres ! La différence de température ne laisse pas de place au doute. Tout enserrant les pans demon blazer blanc, je prends le bras quem’offre Sean. Il nous tientmaintenanttouteslesdeux,mafilleetmoi.Etpourlapremièrefois,j’ail’impressiongrisantequenousformonsune famille. Heureusement, je n’ai pas le temps de m’appesantir sur le sujet : une jeune femmes’approchedenous.

–Georgia?s’étonneSean.

Sademi-sœurestparfaitedansuneblouselavallièreblancheetunejupecrayongrise,rehausséesparunsimplerangdeperlesetsonéternelchignonbanane.Impeccabledelatêteauxpieds.Maisquelestsonsecret?

–J’aieuenviedevenirvousaccueillir,déclare-t-elleavecunsourire.

Elle déposeune timidebise sur la jouede son frère avant demeprendre franchement dans sesbras,avecuneémotionmalcontenue.Ellecaresseensuitelescheveuxdemafille,qu’ellerencontrepourlapremièrefois.

–C’estlapetiteCelia,jesuppose?

Georgia la reconnaît d’après toutes les photos que je lui avaismontrées dans l’appartement deSean.Elleavaiteudroitaudépliantcomplet,j’avoue!

–Bonzour!s’écriemafille,commetoujoursenchantéederencontrerdenouvellestêtes.

C’estvraiqu’elleestplutôtsociable!Georgiaselaissegagnerparsoncharme,carlademoisellesaitcommentgagnerlescœursavecsesgrandsyeuxclairsetsabouilled’ange.

–Monchauffeurnous attenddehors, nousdit-elle enfin en se redressant.Vousn’avezplusqu’àmonterenvoiture!

–Voushabitezloin?demandé-jependantqu’unemployédeSeanrécupèrenosvalisessurletapisroulant.

–Moi?ÀLondres,prèsdeHydePark.Maisnousallonsdanslapropriétédemonpère.C’estàenvironuneheurederoute.

Georgiajetteundiscretcoupd’œilendirectiondesondemi-frère,entraindedistribuersesordresavecaisance.Serapprochantdemoi,ellemeprendalorsparlecoudeetsepencheàmonoreille:

–Merci,Billie.–Pourquoi?–JesaisqueSeanneseraitjamaisvenuenAngleterresansvotreaide.Ilnem’auraitpasécoutée.–Détrompez-vous,dis-je,sincère.Jen’airienfaitdeparticulier…–Au contraire, insiste-t-elle. Je le connais depuismaintenant quelques années et il n’est pas du

genreàchangerd’avis.

Unmincesourireapparaîtsurmeslèvres.Sean?Têtu?Sansblague!

–Sansvous,rienn’auraitétépossible.Alorsmerci.Dufondducœur.

Et quand l’intéressé se tourne dans notre direction, nous sommes à nouveau sages comme desimages,occupéesàparlerdessoldesd’étéàLondres.Oh, il soupçonnebienunéchange topsecretentre nous… mais il ne peut rien prouver ! Nous plaiderons non coupables ! Nous embarquonsfinalement dans les rires dans lamagnifiqueRolls Royce deGeorgia.Même simon intuitionmesoufflequenousn’auronsplusbeaucoupl’occasiondenousamuserdanslesjoursàvenir.

***

Jem’attendaisàunemaisonouunegrandedemeurefamiliale…maiscertainementpasàça!LepèredeSeanpossèdeunchâteaudans leKent, non loindeCanterburyetStratfieldSayeHouse, la

célèbre propriété duDuc de Fer, vainqueur deWaterloo. Estomaquée, je découvre l’aile ouest del’immensebâtisse,dignedesplusgrandes famillesd’aristocrateset rachetéeparCharlesCampbellvingtansplustôt.Georgiaetundomestiquenousconduisentversnoschambres:unepournouset,justeàcôté,unepourCelia.Jetiensmafillejuchéesurunehanche.

–MamèreetLukesontàl’hôpitalauprèsdemonpère,nousexpliqueGeorgia.Vouslesverrezaudîner.

Puis,surprenantmesregardsadmiratifs:

–Monpère a donné beaucoup d’argent pour la sauvegarde du patrimoine britannique.C’est unférud’histoireetiln’apaspurésisterendécouvrantcettebâtisse.

Jen’endoutepasendécouvrant labeautédespièces,desmeubleset l’état impeccabledesépaismursdepierre.Àmonémerveillements’ajouteaussiuneprofondeémotion.JesuisreçueparleclanCampbellcommeunmembredelafamille,aumêmetitrequeSean.ToutcommeCelia.J’enaidespalpitations !Carma famillese résumeàmesgrands-parents : jen’ai jamaisconnumonpère,mamèreestmortequandj’étaispetiteetjesuisrestéemèrecélibataire.Alors,unefamilletraditionnelle,c’estunpeuunrêveimpossiblepourmoi.Pourtant,jeletouchedudoigtdepuisquelquetemps.Mêmesijeresteméfiante…ouaumoinssurmesgardes!J’aitroppeurderecevoirunseaud’eaufroideenpleinefigure,mêmesiSeanmedonnetouteslespreuvesd’amourdontj’aibesoin.

–C’estlapremièrefoisquetuviens?

J’attendsquenoussoyonsseulsdansnotrechambrepourl’interroger.Enmêmetemps,jesurveilleCeliaparlaportecommunicantependantqu’elleexploresaproprechambre.

–C’estgrand!C’estbeau!crieCeliadel’autrecôtédumur.

Seans’assoitsurleborddulit.Etjefaisletourdelagrandepièce,surprisequenosbagagesaientdéjàétédéballésetrangéspendantquenousfaisionsletourdupropriétaire.

Jenem’habitueraijamaisàcetteviedemilliardaire!

–Oui,m’avoue-t-ild’unevoixneutre.–Tonpèrenet’ajamaisinvité?

Jecessede regarderdans labellearmoireenboismassif,dresséedansunangle,pour lui faireface.Seangardelesyeuxperdusdanslevidetandisqu’unsourirecaustiqueétireseslèvres.

–Disonsqu’ilnevoulaitpasmélangerlestorchonsetlesserviettes.–Sean!fais-je,choquée.

Ilredressealorslatête.Etjecroisesonregardd’enfantblessé.Unvraidéchirement!

–C’estlavérité.Ilnevoulaitpasmemêleràsavéritablefamille.Jen’étaisqu’unepiècerapportée,unaccidentdeparcours,uneerreur.

Lemotmeglacelesang.Peut-êtreparcequ’ilmerenvoieàCelia.Une«erreur»!Aucunenfantn’estuneerreur!Quoiqu’aitpuendirePatriciaJohnson, lafemmedeRichard.SeanetCeliasontliésparunpassécommun.Tousdeuxsontlefruitderelationsillégitimes,confinésdansl’ombre…ce qui explique en partie leur complicité. Seulement, Celia a un avantage sur Sean :moi. Lui n’ajamaispucomptersursamère.Enquelquespas, je le rejoinset jem’assoisàsescôtéssur le litàbaldaquin.

–Vousavezdéjàeul’occasiond’endiscuter?fais-jed’unevoixtrèsdouce.

Il hausse les épaules,moqueur.Mais ce n’est qu’une défense, unmoyen de tenir à distance sesémotions.

– Jen’ai pas revu cet hommedepuisvingt-deux ans,Billie.Ladernière fois, j’avais 7 ans et jen’étaispasenmesuredeposercegenredequestions.

–Jecomprends.

Jen’osepaspasserunbrasautourdesesépaules,encoremoinsl’attireràmoi.Jeredoutequ’ilneprennemesgestespourdelapitié,delacompassion…alorsqu’ils’agitseulementd’amour!

–Mongéniteurn’estqu’uninconnupourmoi,unhommecroisédeuxfoisdansdesrestaurants.Etletypequisignaitdegroschèquesàmamère.

–Aumoinsa-t-ileulacorrectiondepayertonéducation.Touslespèresn’ontpascettedécence.

Faceàcetteallusionàmonex,Seansetourneversmoi,unsouriretristeauxlèvres.Ilposealorssonfrontcontrelemien,sansm’embrasser,justepourserapprocher.Moncœurs’emballe.Etnousrestonsassis l’unprèsdel’autre, têtecontre tête,yeuxdanslesyeux.C’estunmomentsi intime,siintense,quelesmurssemblentseresserrerautourdenous.Quelquechosesepasse.Unebarrièrequitombe?

–Tuasraison,souffle-t-il.Surcepoint,monpèreatoujoursétécorrect.–Tudoisluiparler,Sean…

Nos souffles semêlent ; lapointedenosnez se frôle.Pour lemoment,CharlesCampbell est àl’hôpitalàcausedesamaladiemaisilnevapastarderàrentrerchezlui,pours’éteindreauprèsdessiens.

–Tuasraisonmais…j’aipeur.

DanslabouchedeSean,l’aveueststupéfiant.

–J’aipeurdecequ’ilpourraitmedire.J’aipeurdecequejepourraisressentir.

Alorsseulement,jeluiouvrelesbrassansqu’ilmerepousse.Ilsait.Ilacompris.C’estdel’amour,rien que de l’amour…Et lorsque nous quittons la chambre pour le dîner, Sean semble à nouveaumaîtredelui.C’estplutôtmoiquin’enmènepaslarge,stresséeàl’idéederencontrersafamille.Jebroied’ailleurslapetitemaindeCelia,venueavecnous…cequilafaitbougonner.

–Tufaismal,maman!–Pardon,moncœur…

Àquoidevons-nousnous attendre ?Après tout, il est l’enfant adultérin, invité sous le toit de lafamillelégitime.

–Toutirabien,mesouffleSean.

C’estluiquimerassure:lemondeàl’envers!Aprèsavoirvérifiéquemafilleétaitparfaitementcoiffée–jeveuxqu’ellefassebonneimpression–nousfranchissonslaporteàdoublevantaildelasalle à manger, construite tout en longueur. Une immense table nous attend, entourée de siègestapissés de velours et garnis de clous dorés. Sur la nappe immaculée, une profusion d’argenteriem’impressionne,sansparlerdudomestiquequiattendledébutduservice,enrecul.J’aperçoisensuiteunegrandefemmes’approcherdenous,unsourireaimableauxlèvres.Enrobeportefeuillepourpre,elleportesescheveuxblonds,légèrementblanchisparletemps,serrésenchignonsurlanuque.SaressemblanceavecGeorgiaestfrappante.

–Bonsoir,Sean.

Elleluitendunemain…qu’ilbaiseavecdéférence.Puisellemesalued’unaimablesignedetête.

–Bienvenueàvousaussi,Billie.Jem’appelleMadelineCampbell.JesuislafemmedeCharles.

L’épousebafouée.

Cettepenséeme traverse tandisqu’ellenousdésigne la table.Safilleetsongendresontdéjà là,tout comme leurs enfants,HughetWilliam, respectivement6et4 ans. Je les reconnaisd’après lesphotos.Ellefaitnéanmoins lesprésentationssansoubliersonfilscadet,Luke,àpeuprèsdumêmeâgequeSean.Luinesembleguèreravidenousvoir.Affalédanssonsiège,ilaplantéuncoudesurlatableetenfouisonvisagedanssapaume.Avecsescheveuxclairsetsesyeuxtranslucides,ilatoutdujeunedandyblaséetfatigué.

–Luke,déclareMmeCampbell.Monfilsquisemoquedesrèglesdepolitesseélémentaires.

Georgiapouffederire,détendantl’atmosphère.Seanenprofitepournousprésenter:

–Billie,macompagne.Etsapetitefille,Celia,ajoute-t-ilendésignantmaprincesse,déjàobsédéeparlesdeuxfilsdeGeorgia.

Elleleuradressedegrandssignes,ravie.

–Jevousremerciedenousrecevoirsousvotretoit,madameCampbell,déclareSeanenprenantplace.J’aibienconsciencequemaprésencepeutvoussemblerembarrassanteoudéplacée…

–Détrompez-vous,lecoupe-t-elle.Jesuisheureusedevousaccueillirdansmonchâteauetdefairevotreconnaissanceaprèstoutescesannées.

Sonsourireestsincère.

– Pour que nous tirions tout de suite les choses au clair, sachez que je ne vous ai jamais tenuresponsabledeségarementsdemonmari.

Seanluirendsonsourire,visiblementsurprisparcetaccueilchaleureux.

–Merci,madameCampbell.Jeredoutaisdevousimportuner.–Alorssortez-vouscetteidéedelatêteetprofitezdurepas!

Et en dépit des moues ennuyées de Luke, qui ignore royalement notre existence, la soirée sedérouledansunerelativebonnehumeurmalgrélevoiledetristessequipèsesurcettefamille.

***

Lelendemainmatin,CharlesCampbellréintègresonfoyeraprèsunséjouràl’hôpitaldeplusieurssemaines. Jen’osepasmemontrer,bienconscientedenepas fairepartiedecette famille,nidesadouleur. Sean non plus ne vient pas à sa rencontre lorsqu’il descend péniblement de voiture. Il secontentedel’observerdepuislafenêtredenotrechambrealorsquesesprochesl’entourent,l’aidantàmonter lesmarchesduperron.Heureusement,Celianevoitpasce tristespectacle,occupéedans lanurserieparlagouvernantedeWilliametHugh.

–Ilachangé…

DeSean, je nevoisque le largedos.Lesmains croiséesdans le dos, il restedevant la vitre enogive…maiscommentnepasdevinerl’émotiondanssavoix?Ilestremué.Etjesuiscertainequ’ilmecachevolontairementsonvisage.Jemeraclelagorge.

–Tudevraispeut-êtreyaller…

Jesuisassisesurleborddulit.D’oùjesuis,jenepeuxpasdiscernerlascèneencontrebas,mêmesij’entendsunmoteurtourner,ainsiquelavoixdeGeorgia,inquiète.

–Non,cen’estpasmaplace.–Tuessonfils,dis-jetoutbas.

C’estalorsqu’ilsetourneversmoi.Etdanssesyeuxsombres,jevoisànouveaucettesouffranceissuedel’enfance.

–Sonfilsillégitime.Cen’estpaslamêmechose.

Illaissefileruneseconde.

–J’iraitoutàl’heure,quandilauraeuletempsdeparleravecsavraiefamille.

Moncœurseserre.Seana-t-iltort?Maintenuàl’écartdesCampbell,ilnefaitpaspartiedeleurclan.Etj’ignorecommentleréconforterdansunmomentpareil.Jechoisisdoncdemetaireetdemeleverpourl’enlacerpar-derrière,lesbrasautourdesataille.Commeilnebougepas,j’appuiematêtecontresonomoplateet jedéposeunpetitbaisersursanuque.Jenevoispassa figuremais jesais

qu’ilsourit.

–Jemesouviensdenotredernièrerencontre…dit-ilsoudain.

Je ne l’interromps pas, la joue appuyée contre son dos alors qu’il pose ses bras par-dessus lesmiens,plantédevantlafenêtre.

–Jen’avaispresquepasparlépendanttoutledéjeuner.–Tuétaistroptimide?–Non,tropfurieux.

Ilsouritencore.Sonrefletletrahit.

– Jen’ai pasbeaucoup changé, tu vois.Et quandCharlesm’avait reconduit àmonappartement,Erynluiavaitfaitunescène,avecdeslarmesetdescris,pourqu’ilaugmentesapensionalimentaire.

Petitrireamer.

–Pasétonnantqu’ilnesoitjamaisrevenu.–C’estloin,toutça…dis-jed’unevoixapaisante.–Alorspourquoiai-jel’impressionquec’étaithier?

Etcen’estqu’uneheureplustardqueSeanserendauchevetdesonpère.

–Viens,medemande-t-ilseulement,enmetendantlamainsurleseuil.Jenepourraipastoutseul.

Sademandemebouleverse,ilabesoindemoi.Aussimerends-jeavecluiaupremierétage,danslachambredeM.Campbell.Jerestesimplementsurlepalier,devantlaporteouverte.Etjedécouvreunhommed’environ60ans,aucorpsravagéparlamaladie.Leteintjauni,lesbrasdécharnésetlecheveu rare, il est allongédans son lit, contreunepiled’oreillers que sa fille ne cessede retaper.Pourtant, jedevine sous les traits anguleuxdesvestigesde sa séduction :un regard intense,unairaristocratique,uneboucheencorecharnue.

–Sean…lâche-t-ild’unevoixtremblante.

Moncompagnons’avancejusqu’àsonchevetàpaslents.

–Vousmereconnaissez?ironise-t-il.

Maissousletoncaustique,jeperçoisdelacolère,deladouleur,etsonpèrenes’ytrompepasenluitendantsapaume.

–Commentpourrais-jehésiter?Tuesmonfils.Tuasmesyeux.

Desyeuxténébreux,desyeuxdefièvrequinelaissentplaneraucundoutesurleurliendesang.Jem’accroched’unemainauchambranle.Seans’assoitalorssurletabouretàcôtédulit.Etquandsonpèreluitendlamain,ilnelarefusepas…malgréunehésitation.

–Votrefils?répète-t-il.Lukeestvotrefils.Pasmoi.

Charlesnesedérobepassoussonregard…maispartdansunelonguetouxdéchirante,trahissantl’étatcatastrophiquedesespoumons.Georgiaplaqueunemainsursabouche,l’airbouleversé.Luke,lui,sortcarrémentdelachambre.Sansdoutenepartage-t-ilpaslesvuesdesonpère.

–Tuesmonfils,Sean,finit-ilpararticuleràgrand-peine.

MaisSeanneluipermetpasd’ajouterunmot.Ils’empareduverred’eauposéàsonchevetetleporteàseslèvres,enl’aidantàredresserlatête.Cegeste,d’unegrandetendresse,mebouleverse.EtGeorgian’yestpasnonplusinsensible.Ellesedétournemêmepourcacherseslarmes.L’unecommel’autre, nous sommes témoins de retrouvailles intenses, profondes etmalheureuses.Car forcémenttropcourtes.

–Tuesmonfils,répèteCharles.Etjet’interdisd’endouter.

Seancouvrelamoitiédesonvisageavecsesdeuxmains,nelaissantdépasserquesesyeuxetsonfront.

–Etunbonfils,quiplusest,bientropbonpourunsimauvaispère.Sansquoi,tuneseraisjamaisvenuici.

–Charles…–Non,laisse-moiparler.Jenepeuxplusmepayerleluxedemetaireoudeperdredutemps.Je

vaismourir.–Papa!s’écrieGeorgia.

Maisl’anciengaleristelèveunemainautoritairepourl’inciterausilence.C’estentreSeanetlui.C’estleurhistoire.Etilssontseulsaumondeaumomentoùleursregardssecroisent.Iln’yaplusqu’euxetcepassériched’absencesquileslie.

–Jevaismourir,Sean.Maispasavantdet’avoirdemandépardon.

Seandéglutitavecpeine.

–Aujourd’hui,jedonneraisn’importequoipourremonterletempsetréécrirenotrehistoire.J’aipeut-êtresubvenuàtesbesoinsquandtuétaisenfant,maisjet’aiabandonné,jet’ailaisséderrièremoiparconfort,sansmesoucierdetessentiments.Jen’aipasététonpèrealorsquetoi,tuétaismonfils.

Seansetaittoujours,enpartiedissimuléderrièresesmains.

–T’avoirfaitdéfautestmonplusgrandregret.C’estcequej’aifaitdepire,cequeDieunemepardonnerapas,là-haut.

Tendantsesdoigtsmaigres,ilréclameunemainqueSeanneluirefusepas.

–Maisc’estàtoi,etàtoiseul,quejedemandepardon.

Lourdsilence.

–Alors?Peux-tumepardonner,monfils?

Seandétournelatête.Etsansrépondre,ilquittelachambre,incapabledeparler.

4.Pardonner

Aprèsdeuxnuitsauchâteau,jedécouvrelesruesdeCanterburyavecémerveillement.Quellevillemagnifique ! Par chance, les touristes n’ont pas encore envahi le parvis de la cathédrale. Il estseulement 8 heures. Le souffle coupé, j’en profite pour mitrailler l’édifice avec mon téléphoneportable. Jeveuxgarderdes souvenirsdenotre séjour, etpeut-êtreoublierun instant l’atmosphèreécrasantedelademeuredesCampbell.

–Toutvabien?s’enquiertSean.

D’unbraspossessif, ilm’attrapepar la taille…sansquejesongeàrésister.Enfait, je trouveçasupersexy.Enquoicethommeest-ilentraindemetransformer?

–Oui…jeprofiteduspectacle!

Ilm’entraîneensuitedans lequartierhistoriquede laville.Côteà côte,nousarpentons les ruespavées. Certaines boutiques ouvrent déjà leurs portes tandis que des vendeurs installent leursportiques de cartes postales et autres colifichets.Dans les vitrines, j’observe le reflet de Sean à ladérobée.

Etpasseulementparcequ’ilestcanon!

En polomarine et jean, il semble à la fois inquiet et résigné. Ses yeux noirs restent rivés surl’horizon.Lamortprochainedesonpèreestuneépreuve inattenduepour lui.Mêmes’il se répandpeusursessentiments–hum…disonsquec’estuneuphémisme–jedevinesonétatdechoc.Maisjerefuse qu’il s’enlise dans son chagrin. N’est-ce pas aussi pour cette raison que je l’ai traîné àCanterbury?

Pourl’occasion,j’ailaissémafilleàlagardedeGeorgia.J’aitouteconfianceencettemamandedeuxpetitsmonstres.D’ailleurs,Celias’entendcommelarronsenfoireavecsesfils.Jepariequ’encemoment,ilsfontlesquatrecentscoupsdanslejardin!

–Tuveuxmangerunmorceau?meproposeSeanenavisantunélégantcafé.

Jesecouelatête.

–Non,jepréfèremarcheravectoi.

Sonbrasautourdemeshanches,ilmeconduitdansunevenellelatérale.Baignéedanssachaleur,je ne sens plus la fraîcheur qui règne cematin entre les bâtisses en vieilles pierres. Je profite del’instant.Rienqu’aveclui.Dumoins…jusqu’àcequej’aperçoivemasilhouetteenuned’unjournal.

–Qu’est-ceque…?

Jestoppedevantlekiosqueàl’angledelarue.SaufquejenesuispasseuleàlaunedeTheDailyMirror.Jesuismêmeentrèsbonnecompagnie!Sur l’image,Seans’apprêteàm’enlacerdevant laportedesonimmeuble.Jemetourneverslui,incrédule.

What?!

–C’estquoi,ça?–Unetentativedésespéréederegagnerdespointsdanslessondages,sourit-il,moqueur.

Jeregardeànouveaul’imageoùnoussemblonssiproches,siamoureux…sansoser toucher lepapier.Commesijeredoutaisqu’ilnemebrûle.

– Après nous avoir vus ensemble à l’hôpital, Johnson n’a pas manqué d’avertir la presse,m’expliqueSean.

Luisembleparfaitementcalme.C’enestpresque…horripilant!

–Tuveuxdirequ’ilaracontéauxmédiasquenousavionsuneliaison?–Voilà.–Maisdansquelintérêt?– Il veut décrédibilisermes attaques contre lui,me déclare Sean patiemment. En révélant notre

relation, ilmeten lumièreunconflitd’intérêts : si jem’acharnecontre lui,c’estuniquementparcequejesorsavecsonex.

–C’estfaux!

Jesuisàdeuxdoigtsd’attraperTheDailyMirrorpourlepiétiner.Maisjemeretiens.

–Toutdoux,Billie…s’amuseSean,l’œilrieur.

Cequ’ilpeutm’énerver,MonsieurZen.Ilnesemblemêmepasdéstabiliséparlesattaquesdontilestl’objetetquiremettentencausesonintégritéprofessionnelle.Quandjeluienfaislaremarque,ilsecontentederire…enattrapantunautrejournal.D’abord,j’aiunmouvementdereculinstinctif.Jefinisparconsidérerlesjournauxcommedesbâtonsdedynamite!Nesont-ilspastoutaussicapablesdedétruireunevie?

–Ils’agitseulementdelamanœuvredésespéréed’unhommeauxabois,merépond-il,serein.

Et ilme tend un hebdomadaire anglais qui lui appartient, baptiséTheWitness. Cette fois, aucunclichédemoiencouverture,maislevisagedeRichardJohnsonsurfonddebâtimentsindustriels.Jelisàvoixhauteletitre:

–«L’hommequiaempoisonnél’Amérique».

Tournant les pages, je découvre l’article qui révèle lesmalversationsdeRichard au seinde sesanciennescentralesd’énergie.S’appuyantsuruntémoignage,lesrejetsdedéchetssauvagespratiquésaveclabénédictiondemonexsontrévélésaugrandpublic.Quandjerelèvelatête,Seanmesouritavecarrogance.Ilesttrèsfierdesoncoup!

–Tuasréussi!soufflé-je.–Jeréussistoujours.

Cetteprétention!Cequ’ilpeutêtre…agaçant!Et…désespérémentsexy!

–Commentas-tufait?–Jesuisentréencontactavecuntechniciend’unlaboratoiredecontrôleindépendantquiavaitété

mandatépar legouvernementpour inspecter les centralesde Johnson. Il avait été licencié après larédaction d’un rapport catastrophique. Licencié etmenacé,me précise Sean, blasé. J’ai finalementréussiàremettrelamainsurlui.

–Etilaacceptédetémoigner?

Sourireirrésistible.

–Jesaismemontrertrèspersuasif.

Nosregardssecroisent, intenses.Seanposealorsunemainsurma joue,avantqu’elleneglisseversmoncou.

–L’opiniâtretéestlaqualitélaplusimportanted’unjournaliste,meconfie-t-iltoutbas.

En cet instant, peu importent ses mots. Dans cette bouche, sur ce ton, tous ressemblent à unedéclarationd’amour.

– Et ce numéro est l’un des plus vendus de l’histoire de notre journal, me précise-t-il avecsatisfaction.

–Tusemblestrèscontentdetoi.–Jesuistoujourscontentdemoi.

J’éclatederire,conscientequ’ilplaisante…àmoitié.Aufinal,c’estmoiquil’attrapeparlamainpourl’entraînerloindukiosqueoùd’autresjournauxontconsacrédespagessurmoi.Jesuismêmeen couverture du très sérieux The Guardian ! Apparemment, Richard a donné une interview enm’accusantd’avoirruinésaréputation.A-t-iloubliéquejevivaisdansmoncoinavecmafillesansriendemanderàpersonne?C’estluiquiaappuyésurledétonateur!Etmaintenant,ils’étonnedeladéflagration…

Entoutcas,jerefusedelirecesjournaux.Inutiledememinerlemoralpourrien.Ànouveau,Seanentourematailled’unbrastandisquejeluiconfiemespenséessecrètes:

–Toutecettehistoirem’adégoûtéedujournalisme.

Seanhochelatête,compréhensif.

–C’estunmilieurudeetviolent.Toutlemonden’estpasfaitpourcejob.–Tupensesquejesuistropfaible?fais-je,vexée.

Ilposealorsdesyeuxtrèsdouxsurmoi,sidouxquej’enrestecoite.Jenesuispashabituée!

–Jepensequetuestropbien.

Soncomplimentsefichedansmoncœur.Etj’essaiedeparlertrèsvite,peut-êtrepourenatténuerl’impact:

–Mêmesij’obtiensmondiplôme,jenepensepasexercer.–Tupourraisaumoinscontinueràécrire,insisteSean.J’ailutesarticlessurWWWettuasune

trèsbelleplume.

Jehausselesépaules.

–Jen’aijamaisrienécritendehorsdeshistoiresquejeraconteàCelia.Non,ilvafalloirquejemereconvertisse…

Seanm’adressealorsl’undesessouriressolairesdontilalesecret:

–Jenem’enfaispas!Unefemmecommetoiestcapabledetout!

***

Deretourauchâteau,Seanetmoinousinstallonsunpeuàl’écartaprèsledéjeuner.Touslesrepassedéroulentdansunsilenceassourdissant.Etcommentpourrait-onavoirlecœuràconverserpendantqu’unhommes’éteint ?UnhommequeSeannepeutmêmepaspleurer, fauted’enavoir été aimé.Assis au sommet d’une colline au bout du parc, nous regardonsCelia en train de jouer.Avec despetitscris,elletented’attraperlespapillons.Georgialuiaprêtéunfiletbleuquifaitsonbonheur.Ellen’enfinitpasdegambaderdanstouslessens.

–Regarde,maman!Regarde-moi!

Jesouris,encourageante:

–Vas-y,machérie!Tuvaslesavoir!

Évidemment,ellen’enattrapeaucunavecsespetitesmenottesmaladroites…maiscommentnepascraquerdevantelle?C’estcommeunegrandeboufféed’airfrais!

–Quandj’étaisgosse,jecouraispartout,moiaussi…raconteSeandansunsourire.

Il arrache en même temps de petits brins d’herbe qu’il s’amuse à rouler entre ses doigts. Duregard,ilsuitmafilledanssescourses-poursuites.

–Maisj’étaisbienpire,ajoute-t-il.–Ohça!jenesuispassurprise!

Jem’esclaffe, et ilm’assèneunpetit coupdecoudeet je risdeplusbelle… jusqu’àceque sonregardseperdedanslevague.Uninstant,sonprofilsedécoupesurlecield’unbleulimpide.Leventagitesescheveuxsombrestandisquesesyeuxnoirsépousentlacimedesarbres,danslelointain.

–Pourrienaumondejenereviendraisenarrière,lâche-t-il.

Jen’osepasl’interrompre,lerelancer…depeurqu’ilnes’arrête.Seanestsisecret,sirenfermé!

–J’aidétestémonenfance.Mamèrenem’aimaitpasetnes’encachaitguère.Jenesuisdevenuintéressant à ses yeux qu’à partir du jour où j’ai commencé à gagner de l’argent… beaucoupd’argent.

–C’esthorrible…

Seanhausselesépaules.

–C’estcommeça,admet-il,blasé.Erynmevoyaitcommeungagne-pain.Grâceàmanaissance,elleapuquittersonpostedesecrétaireetmenergrandtrainsansdépenseruncentimedesapoche.

–Ellenes’occupaitjamaisdetoi?demandé-je,lagorgeserrée.–Elleétaittropoccupéeparsessoiréesmondaines,sesamants,sesviréesshopping.Unenourrice

s’estoccupéedemoijusqu’àmes5ans.PuisjesuispartienpensionenNouvelle-Angleterrejusqu’àmes15ans.

Ambiance.

–Cen’étaitpasunepartiedeplaisir,là-bas.Jen’avaispasdepère,j’étaislegarçonsansnom,sansracine,aumilieud’unebandedejeunesblancs-becshéritiersdegrossesfortunes…

Uneétincellederagebrilledanssesyeuxtandisqu’ildéchiquetteunefleurdepissenlit.Lapauvrefinitenpetitsmorceaux!Onjureraitqu’ilestentraindetordrelecouàunennemi.

–Celadit,jeremerciechaquejourcessalesgosses.–Pourquoi?demandé-je,interloquée.–Parcequ’ilsm’ontdonnéenviedemebattre.Grâceàeux,j’aieularageauventredèsmonplus

jeuneâge.

Sonsouriren’aplusriendejoyeux:ilestféroce,sanspitié.

–À15ans,j’avaisenviedeprouveraumondeentierquejevalaisquelquechose.Etj’aifuguédemonpensionnat.Sansunsouenpoche.

–Tuesretournécheztamère?

Mêmesisonhistoireestancienne,jeressensdelapeurpourl’adolescentqu’ilétaitalors,seuletlivréàlui-même.

– Oh, non ! J’aurais préféré sauter d’un pont. D’ailleurs, elle n’a rien fait en apprenant madisparition.Ellen’amêmepasentreprisderecherchesniprévenulapolice.Autantdirequej’avaislechamplibre.

–Sean…

Jesuissidésoléequ’ilsetourneversmoi.Pinçantmonmentonentresonpouceetsonindex,ilmedécocheunvraisourire.

–Nefaispascettetêted’enterrement,Billie.J’aicommencéàcumulerlespetitsboulots:barman,commetoi,puisdéménageur,livreurdejournaux.J’acceptaistoutpourmettredel’argentdecôté.

Nulletracedevantardisedanssavoix.Ilmelivreseulementsavérité.

–C’estainsiquej’airéussiàlancermonpremierjournalavectroisboutsdeficelle.Àl’époque,jecouvraislesactualitésnew-yorkaises…ettuvoisoùj’ensuismaintenant.Aucunecausen’estjamaisperdue.

Jeluirendssonsourire,tellementadmirativedevantcethommequiabâtiunempire…àpartirderien.Sansrelation,sansundollarenpoche,ilestdevenul’undesP-DGlespluspuissantsaumonde.

–Tuesunvraiself-made-man.– Oui et non. Si je n’avais pas été confiné dans l’ombre toute ma vie, je n’aurais pas eu de

revancheàprendre.Quelquepart,c’estàmonpèreetàsonabsencequejedoismacarrière.

Ilplongesonregarddanslemien.Soudain,j’ail’impressionqu’iln’aplusdesecretpourmoi.Etlesmotsm’échappent:

–Tuesexceptionnel,Sean.

Ilmerépondd’unsourireéclatant:

–Puisquejemetueàteledire!

Maisaumomentoùnosbouchesserejoignentenunbaiserbrûlant…unepetitevoixaiguës’élèveaupieddelacolline:

–Ysontamoureux!Ysontamoureux!Ysontamoureux!

Jemeredressealorsd’unbond,aussitôtsuivieparSean.Etjedévalelacollineenouvrantlesbras,prêteàsaisirCeliaauvol:

–Vienslàquejet’attrape,salecafteuse!

***

–Sean!appelleunevoix.

Jemeréveilled’unseulcoup,éblouieparlalumièrequiinondenotrechambre.Jebraqueaussitôtunbrasdevantmafigure,lesyeuxgonflésdesommeil.Quesepasse-t-il?Danslesvapes,j’entendsànouveaulavoixaffolée:

–Viensvite!

Repoussant lesdrapsblancs, jedécouvreGeorgia sur lepasdenotreporte.Ennuisettede satinazur,ellen’amêmepaspris le tempsdepasserunpeignoir.Elleaussiadûêtre tiréedeson liten

urgence.

–C’estlemoment?demandelavoixgravedeSean.

Ilquittenotrelitàbaldaquin,torsenu,enpantalondepyjamanoir.Monregardvadel’unàl’autre.Et l’évidence me saute aux yeux face à leurs expressions tendues, nerveuses. C’est comme sil’atmosphèreduchâteautoutentieravaitchangé.Lespectredelamortrôdedanslescouloirs.CharlesCampbellestentrainderendresonderniersouffle.Georgiaacquiesce,leslarmesauxyeux.

Àmon tour, je bondis hors du lit et le suis dans le corridor,muette. Je refuse de laisser Seanaffronter cette épreuve seul. À mon tour de le soutenir, d’être l’épaule sur laquelle il pourras’appuyer.Dansunsilenceangoissant,Seancourtpresque,levisagefermé.

–Papa!s’écrieGeorgia.

Elle entre la première, se précipite au chevet de son père… suivie de près par Sean, quis’agenouille de l’autre côté du lit. Luke est là, aussi. Le fils cadet de la famille pleure en silence,deboutprèsdelafenêtre.QuantàMmeCampbell,ellesetientdignementauprèsdesonmari,assisesurunechaise.

–Charles…souffleSean.

S’emparantdelamaindumourant,ilentremêleleursdoigts.L’anciengaleristechercheleregarddesonfilsillégitime.

–Pardonne-moi,mongarçon.

Sarespirationsifflanteenvahitlapièce,angoissante,affolante.SonregardvitreuxdétailleSean…mêmes’ilpresselamaindeGeorgia.

–Pardonne-moi,répète-t-ilàgrand-peine.

Sean baisse la tête, les larmes aux yeux. Il ne semble plus capable d’endiguer l’émotion quil’étreint.Àgenouxsurletapisdelachambre,ilgardelesilenceavantdemurmurer:

–Jevouspardonne.

À la seconde, un indicible soulagement se peint sur les traits du pauvre homme, bouleversant,alorsqueSeanportesamainàseslèvrespourl’embrasser.

–Jevouspardonne,père,murmure-t-il.

Étranglé par l’émotion, je surprends le regard éperdu de Charles Campbell sur son fils. Il l’aappelé«père»pourlapremièreetladernièrefoisdesavie.L’airdevientirrespirabledanslapièce,saturé par la douleur, le désespoir… et l’amour. M’adossant au mur du couloir, je ferme lespaupières.Quandsoudain,dessanglotséclatent.CharlesCampbellvientderendresonderniersouffleenfaisantunultimecadeauàsonfilsillégitime:lapaix.

5.Lecoupdegrâce

Sean reste silencieuxdurant tout le trajet du retour en jet.Au cours de l’enterrement, il n’a pasprononcéunmot,secontentantdeserrermamaindanslapetitechapelleombrageuseconstruiteprèsduchâteau.Àquoipensait-ilfaceaucercueil,descenduenterresousunelégèrebruine?Ilsetenaitaupremierrang,parmilafamilleCampbell.Lefilsillégitimeestenfinsortidel’ombre,entrepeineetsoulagement.MaintenantdanssonappartementàNewYork,ildéposeunbaisersurmonfrontavantdes’enfermerdanssonbureaupours’étourdirdetravail.

Desoncôté,Celiaretrouvevitesesmarques.Tropjeunepourcôtoyerlamort,ellen’arienvudesfunérailles.Jel’aitenueàl’écartdetoutecettedouleuretdetoutecettetristesse.Ellepenseseulementqu’ellea faitunmerveilleuxvoyageenAngleterre,oùellea rencontrédeuxpetits copains.Etellesembleraviederetrouversagrandechambreetsesjouets.

–Maman?

Pendantque je rangenosvêtements,elle s’estassiseen tailleur sur lamoquettecrème,entouréeparsacourdepetitsponeys.

–Oui,moncœur…

Jebataillecontre leschemisesdeSean.Maiscommentsesemployésdemaisonfont-ilspour lesrangersanslemoindrepli?Ilyaforcémentuntruc…

–Tum’écoutes,maman?–Oui,oui…

Oualors,ilsutilisentunecentralevapeur,cesappareilspoureffacerlespetitesimperfectionssurletissu?

–Quandc’estqu’onretournevoirCaramel?

Envoilàunequineperdpaslenord!

Unedemesrobesàlamain,jemetourneverssabouillemalicieuse.Iln’estpasunjouroùellen’évoquepasses retrouvaillesavecsonponey.Maisavantmêmeque jene lui réponde, lasonnetteretentit furieusement dans l’entrée. Le coup est si fort que j’en sursaute… et Celia se bouche lesoreilles,l’airinquiet.Unvisiteurquis’annoncecommeça,cen’estjamaisbonsigne!

–Attendsuneminute…

Jedévalelesescaliers,abandonnantmonvêtementsurlarampe,etpréviensSeanaupassage:

–J’yvais!

Detoutemanière,ilnesemblepasprêtàsortirdesonantre.Jetraverselesalonavecmilleidéesentête:sic’étaitlapolice?Peut-êtrel’inspecteurWarnera-t-ilretrouvél’expéditeurdelapoupée?Ouletypequim’arenversée?J’inspireunboncoupentournantlapoignée…etresteinterdite.

–MadameCavendish?fais-je,surprise.

LamèredeSeanmeregardeavechésitation:

–Billie,c’estça?–Jesuisdésolée,mademoiselleAnderson…intervientaussitôtl’undesgardiensenchargedela

sécuritédel’immeuble.

Deboutderrièreelle,lepauvrehommesembledésemparéfaceàlablondeentailleurChanelquisedébat comme une furie. La retenant par un bras, il peine à contenir ses assauts malgré sa largecarrure.

–Lâchez-moi,espècederustre!–Ellen’apasvoulum’écouter,sejustifielemalheureux.

Erynmeprendàtémoin:

–Vousavezvu,Billie?Commentose-t-onmetraiterdelasorte?–Jenesavaispascommentl’arrêter…

J’ailatêtequitourneaumilieudecettecacophonie.Quandsoudain,lamèredeSeanparvientàsedégageretmebousculesansvergognepourentrerdansl’appartement.Legardienetmoiéchangeonsunregardimpuissant.

–C’estMmeCavendish…jenesavaispasquoifaire…–Vousavezbienfait,luidis-je,conciliante.Nevousinquiétezpas.

Puisrefermantlaporte,jem’élancesurlestracesd’Erynalorsqu’elles’installeausalon.

MadameSans-gêne.

–Sean?appelle-t-elle.Sean!

S’arrêtantprèsdessuperbescanapésdecuirnoir,ellemejetteunregardinterrogateur.

–Oùest-ilpassé,celui-là?

C’estalorsqu’unevoixgravedevancemaréponse,avecd’immanquablesaccentsdecolère:

–Ilestlà.

Seansetientdevantlaportedesonbureau,lesbrascroisés,enuneattitudedéfensivequeseulesa

mèrenesemblepasremarquer.Avecungrandsourireforcé,elleseprécipiteverslui…jusqu’àcequeSeanstoppesonéland’unemain.

–Ceseraitbienlapremièrefois!

Elleessaiederire.

–Ohla,la!Tuexagèrestoujourstout!

Àl’évidence,Seanseretientd’exploser.Lesmâchoirescontractées,lesmusclestendus,ilsemblefaire un effort considérable pourmuseler sa fureur. Plantée à l’autre bout du salon, je lui jette unregarddésemparéenguised’excuses.J’ignoraiscommentrepoussercettefemme!MaisSeanhochela tête, compréhensif. Tout se passe en une seconde, sans qu’Eryn prête attention à notre discretéchange.

–Qu’est-cequetufaisici?demandefinalementSean,glacial.

Sansl’écouter,lagrandeblondetournesurelle-mêmeenembrassantlapièced’unregardavide.Jepeuxpresqueentendresespenséestandisqu’elleévalueleprixdesmeublesautourd’elle.

–C’estravissant,cheztoi!lâche-t-elle,nonsansunepointed’aigreur.

C’estlapremièrefoisqu’ellevientchezsonfils?

Jen’enfinispasdetomberdesnuesaveccettefemme.Denoustrois,ellesemblelaseuleàl’aise.Àcroirequ’ellenesentpaslesvibrationshostilesquiémanentdesonfils,nimapropregêne.Est-elletotalementhermétiqueàcequelesautreséprouvent?

–Quefais-tuici?demandeSean,d’unevoixanormalementcalme.

Puis,avecunricanement:

–Oudevrais-jeplutôtdire:queveux-tudemoi?

Erynfaitminedes’esclaffer.

–Arrêtedemedonner lemauvais rôle,s’il teplaît.Tuesungrandgarçon,maintenant.Tun’asplusbesoindemoi.

–Jen’aijamaiseubesoindetoi,rectifieSeandansunsifflement.Parcontre,j’avaisbesoind’unemère,commetouslesenfants.

Guettantsaréaction,jedécouvrequ’Erynrestesereine,encaissantlecoupsansbroncher.Rienneparaîtpouvoirl’affecter.

– Je suis las deme répéter, lance alors Sean, froidement. Soit tume dis ce que tu veux, soit tuquittesimmédiatementleslieux.Àtoidevoir.

–Cequetupeuxêtredur!soupire-t-elle.Onnepeutmêmepasdiscuteruneminute?–Sorsdechezmoi!riposteSeandutacautac.

Face à leur confrontation, je me sens impuissante. Je ne peux guère m’immiscer dans leurshistoiresmaisjerefused’abandonnerSeanfaceàcettefemme.Jerestedoncbêtementplantéesurleseuildusalon,àattendrel’issuedel’affrontement.Sousleregardd’encredesonfils,Erynfinitparcéder,concédantdansunsoupir:

–J’aiapprispourlamortdetonpère…

Ellemarque une brève pausemais Sean ne lui tend pas lamoindre perche, la laissant s’enliserseule.

–Jesuisdésolée…–Épargne-moitescondoléancesdepacotilleetviens-enauxfaits.–Pourquoies-tusidur?selamente-t-elle.–Peut-êtreparcequejeviensdeperdremonpèreetquejen’aiplusdepatiencepourtoi?lance-t-

il.

Jeme rapprochede lui encrabe, longeant lemurgarnid’affichesde filmsetdegrandscasiersremplisdeDVD.

– Je suis venue te voir parce que je suis inquiète, déclara Eryn. Je… ce n’est pas facile à diremais…jesaisqu’ilnem’apascouchéesursontestament.

Seanlèvelesyeuxauciel.

–L’argent,toujoursl’argent…dit-ild’untonrailleur.–Ehbienquoi!s’exclameEryn,lesyeuxhumides.Excuse-moidepenserunpeuàmasituation!

Pasunesecondetun’assongéàmoietàcequej’allaisdevenirsanstonpère?–Ettoi?Quandpenses-tuauxautres?

Iln’yaplus lamoindre tracedecolèredans lavoixdeSean.Seulementune immense lassitude.Arrivéeàsahauteur,jeposeunemaindoucesursonbraspourluidirequejesuislà,àsescôtés.Sansquittersamèreduregard,ilrecouvrealorsmesdoigtsdessiens.Sapaumeestbrûlante.

–Charlesnepourraplusmeversermapension,embrayeEryn,sanslemoindrecomplexe.Tuterendscompte?

–Parfaitement.–Commentvais-jevivresanssonaide?–Tulesaisdéjà,répondSean,trèscalme.Sanscela,tuneseraispasvenueici.

Ellesemordlalèvreinférieureavecdesairsdegamineassezsurprenantschezcettefemmed’unecinquantaine d’années. Jamais personne ne m’a mise aussi mal à l’aise. Détournant la tête, jeremarquealorsCeliaenhautdel’escalieretluifaissignederesteràl’écart.Lesilenceseprolonge,pesant.

–Est-ceque…est-cequetucomptesm’aider?lâche-t-elleenfin.

Seannepeutréprimerunsourireacide.Çayest.Ellel’adit.Ellel’ademandé.Durantuneminute,ilnerétorquerien,mêmesiErynsemblesuspendueàseslèvres.Àcetinstant,elleneporteplusnimasqueniartifice.Elletrembleréellementpoursontraindevie,redoutantdeperdresesprivilègesetsonexistenceoisive.

–Jeteverseraiunerentemensuelle,commemonpère,concèdealorsSean.–D’unesommeéquivalente?demande-t-elle.

Quelculot!

Ilhochelatête…avantdeluidésignerlaportedel’index.Ilneveutpluslavoir.Ilnesupporteplussavue.Jelelisdanssonregardd’ébène,chargédecolèreetdepeine.Samèretentebiendes’attarder,deleremerciervaguement…maisilcontinueàluidésignerlevestibule,levisagesiferméqu’ellepréfèrebattreenretraite.Ellequitteleslieuxsansseretourner,refermantbruyammentlaportedanssondos.N’a-t-ellepasobtenucequ’ellevoulait?Durantuninstant,nousprofitonsducalmeretrouvé.PuisjemetourneversSeanavecinquiétude.

–Jesuishabituéàsonégoïsme,m’assure-t-il.J’enaiprismonparti.

Setournantversmoi,ilencadremafiguredesesmainsetdéposeunbaiserfugacesurmeslèvres.

–Désormais,c’estvous,mavraiefamille.Celiaettoi.

Sa déclarationme surprend etmevolemon souffle.Mon cœur s’arrête.Et jeme jette dans sesbras,leserrantdetoutesmesforces.Quepourrait-ilnousarriverdemalàprésent?Rien,j’ensuiscertaine!Nousallonsêtreheureux,touslestrois,etformerunevraiefamille.

***

En fin d’après-midi, Celia etmoi quittons l’appartement, bien décidées à profiter d’unmoment«entrefilles».Àcausedelapoupée,jenecomptepaslaremettreàlamaternelle…detoutemanière,les vacances d’été commencent dans une semaine ! Poursuivant son enquête sur Richard Johnson,SeanadûserendreenurgenceausiègedeCavendishMediapourmenerl’offensiveavecseséquipes.Il neménage pas ses heures, accumulant les preuves de sesmalversations. J’en profite donc pourentraînerCeliadansuneviréeshopping.

–Qu’est-cequiteferaitplaisir?luidis-je.

Mafilleréfléchitintensément,adorabledanssasalopetteenjeanroseetsonpetitchemisieravecunimpriméfraises.

–Caramel!

J’éclatederire.Ellen’estpasdutoutobsédée,c’estbien.

–Jepensaisàdesvêtements,moncœur…

Ensemble,nousfranchissonsleseuild’unimmensemagasinH&MsituénonloindeTimesSquare.Venuesdansl’unedesvoituresavecchauffeurlaisséesànotredispositionparSean,jen’aipasvoulum’encombrer d’une poussette et la tiens par la main. Et puis, je ne voulais pas déclencher laTroisièmeGuerremondialeenforçantCeliaàmonterdedans!

–Desrobes!merépond-elle,enthousiaste.Roses.

Quellesurprise!

Je lui adresse un clin d’œil en l’entraînant du côté des enfants. Je trouve toujours des petitesfringues sympas dans cemagasin. Jean, baskets, sweater…même sima fille rêverait de s’habillercommeuneprincesseàlongueurd’année.J’ignoredequiellepeut tenirsesgoûtssiféminins!Nesuis-jepasmoi-mêmevêtuedesimplesleggingsnoirsetd’unejolietuniqueindienne?Jecommenceàfarfouillerdanslesrayons,àlarecherchedepetitesrobesensoldes.

–Oh,c’estpasmal!

J’extirpeunepetitemarinièredesplusseyantesetlamontreàmafille…quifaitlamoue.

Lebide.

Reprenantmarecherche, j’enoublie la fouleautourdemoiet lachaleurétouffantedumagasin,pourtant rafraîchi par la climatisation. Quand soudain, un homme s’arrête près de moi, enfin unhomme,c’estvitedit!Unemontagnedemuscles,oui!L’armoireàglacemedévisage,lessourcilsfroncésetlesbrascroiséssurlapoitrine.

–Est-cequevouspourriezouvrirvotresac,mademoiselle?

Jejetteuncoupd’œilàlaronde.S’adresse-t-ilàmoi?Oui,ilmefixedroitdanslesyeux,guèreavenant.

–Moi?–Oui.Ouvrezvotresac,s’ilvousplaît.–Maisjenecomprendspas…

Jerougiscommeunepivoinefaceauvigiledelaboutique.Plusieursclientestournentlatêtedansma direction en échangeant des paroles inaudibles. Je rêve ou tout le monde me prend pour unevoleuse?Ilnemanqueraitplusqu’onmereconnaisseetletableauseraitparfait.L’exdusénateurvoledanslesgrandsmagasins.Jevoislesgrostitresd’ici!Moncœurbatlachamade.Jedoisvraimentavoir l’air coupable ! Avec mon teint écarlate et ma tête affolée, je panique toujours dans cessituations.

–Ouvrezvotresac,répètelevigilesansunsourire.

Jem’exécutedevantlesaccessoirespourenfants.Enétatdechoc,j’écartelesparoisencuirdemabesace et luimontremes affaires. Évidemment, il n’y a rien.Ou seulementmon portefeuille,meslunettes de soleil, un paquet demouchoirs… les trucs habituels ! Le vigile en inspecte le contenu

pendantdeuxbonnesminutes, commesi je cachaisunebombeà l’intérieur…avantde se rendreàl’évidence.

–C’estbon.

Etpasuneexcuse!Rien!

–Pourquoim’avez-vouscontrôlée?demandé-je,biendécidéeànepasenresterlà.–Quelqu’unm’aditquevousaviezvoléunarticle,riposte-t-il,surladéfensive.Jenefaisquemon

job!

Je secoue la tête, outrée. Des inconnus s’amusent à accuser sans preuve d’autres clients,maintenant?Jefoudroielevigileduregard.Puisjemetourneversmafillequi…n’estpluslà.

–Celia?

Monpoulss’affole.

–Celia!

Mavoixdéraille,stridente.Mafille!Oùestmafille?!Essayantdegardermoncalme,jetournesur moi-même pour embrasser tout le périmètre du regard… mais des dizaines d’obstacles mebarrent la vue : acheteurs, mannequins, vêtements, portiques ! À nouveau, j’appelle ma fille sansqu’elleréponde.

Je cours dans la longue allée des petites robes, slalomant au milieu des clients. Certains meregardentaveccuriosité,d’autresnesepoussentmêmepas.Jecherchemafilledanstouslesrecoins,souslescintres,ycomprislesendroitslesplusimprobables,lesplusidiots!

–C’estmaman!crié-je.

Jetourneenronddanslesallées,revenantàmonpointdedépartsansm’enrendrecompte.Lapeurmonte,commeunrazdemarée.Etjemejettesurlapremièrepersonneàmaportée,unevieilledameavecdeslunettes.

–Est-ceque…?

Je n’arrive plus à avaler ma salive, à parler, à penser correctement. Cela ressemble à uncauchemar.D’ailleurs,jenecroispasvraimentàlaréalitédelascène.Cen’esttoutsimplementpaspossible.

–Est-cequevousavezvuunepetite filleavecunesalopette rose,grandecommeça? fais-jeenmontrantsatailleavecmamain.

Lagentillemamiesecouelatête,navréepourmoi,etjepassedirectementàlapersonnesuivante,arrêtantungrouped’adolescentsrieursetbruyants.

–Ellea3ans…elles’appelleCelia…

–C’estterrible!s’affoleunefilled’unequinzained’années.–Onn’arienvu,m’assuresoncopaingothique.

Mais déjà, je cours. J’attrape par le bras tous les clients qui passent à ma portée pour lesquestionner,sanscesserdefouillerduregardlesenvirons.Dèsqu’unenfantpassedevantmoi,jeleretournede force,mêmes’il estaccompagnépar sesparents. Je suisen traindeperdre la tête.Mafille!Jeveuxmafille!Etaprèscinqminutesderecherchesinfructueuses,jemeplanteaumilieudel’allée,terrorisée.

–Celia!

Mon cri explose, couvrant toutes les voix alentour. Les larmes aux yeux, je l’appelle à gorgedéployée:

–CELIA!!

Mafillen’estpluslà.Mafilleadisparu.

Àsuivre,nemanquezpasleprochainépisode.

Égalementdisponible:

BadDesires

AileenSummerestunejeunemannequinindépendanteàquitoutsourit.Lesmarqueslespluscélèbreslaveulentpourégérie,leshommessuccombentàsoncharmeinsolent…ellealemondeàsespieds.AlexanderSimmonsestunphotographeréputéautantpoursesexigencesquepourlaqualitédesontravail.Maislorsqu’ilsserencontrentsurunshootingpourunegrandemarquedelingerie,AileenetAlexandervoientleurmondebasculer.Entreattiranceirrépressible,désirdeliberté,séancedephotoshotetnuitsdesexeinoubliables,lesdeuxamantsnecessentdesefuiretdeseretrouver.Leuramoursera-t-ilassezfortpourrésisterauxennemiscachés,auxsecretsetauxtrahisons?

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Septembre2016

ISBN9791025733042