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Un géographe à Mogador(Notes d’expatrié)

Claude Cheridjian

7.74 634275

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 54 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 5.78 ----------------------------------------------------------------------------

Un géographe à Mogador (Notes d’expatrié)

Claude Cheridjian

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Introduction

« Je questionne, en géographe, mon rapport au monde. Celui-ci passe par la passion de l’Afrique où je me suis invité car chaque journée passée est une leçon d’humanité. »

Depuis ma prime jeunesse je consigne, au gré des événements, quelques notes personnelles qui complètent la mémoire pour tenter de faire émerger la cohérence et trouver le sens des choses. Métèque sans Dieu ni maître, je rêvais depuis longtemps de me fabriquer un exil, c’est-à-dire me réinventer, de me reconstruire une identité, bref, la liberté suprême. Alors un jour j’ai fini par me dire : « j’arrête le boulot et pars vivre en Afrique ! » et je l’ai fait. De ce quotidien, je capte l’association de mes expériences avec mes sentiments qui me rattachent à la vie et à la production d’une réflexion qui analyse le choc des civilisations. A défaut d’une vie romanesque de baroudeur où mes aventures auraient du relief, où la

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traque du chasseur serait palpitante, je ressens simplement le besoin d’écrire ce que je vois, ce que je pense et ce que je suis.

Depuis quelques années je me suis invité dans un monde où il faut savoir attendre, observer, écouter, beaucoup apprendre pour le connaître à défaut de ne jamais vraiment le comprendre. Dans mes notes, j’analyse ma passion de l’Afrique, l’expatriation des Européens, l’hégémonie de l’homme blanc et l’impérialisme occidental, la vie quotidienne au Maroc. Chaque jour l’Afrique m’apprend quelque chose : ma quête identitaire est une recherche pour me libérer de toutes les aliénations possibles et accéder à un peu plus de liberté pour mériter le droit de porter le beau nom d’homme hors des préjugés d’appartenance idéologique et identitaire.

De ces notes, il résulte une première publication1. A l’époque du tourisme de masse, j’ai voulu remplacer le récit de voyage par celui de l’expatriation. Partir vivre dans un pays en voie de développement provoque un choc culturel. Quand je suis arrivé au Maroc, à Essaouira, j’ai découvert une population de Marocains merveilleusement accueillants mais aussi d’expatriés au mode de vie fait de sexe et d’alcool séjournant dans des ghettos de luxe. Mes préjugés n’étaient pas ceux-là et j’ai décidé d’utiliser mon expatriation comme un outil pour me reconstruire

1 Claude Chéridjian, Mes journées à Mogador, Edilivre, 2014.

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une « objectivité ». Il y a beaucoup à dire sur le Maroc, les Marocains mais aussi sur les expatriés.

Au-delà du mode de vie consensuel des Bobos2 de ma classe sociale d’appartenance et de ma société d’origine je reste un peu nostalgique des hippies de ma génération avec leurs sacs de couchage, la drogue et la liberté sexuelle comme paradis. Il m’arrive encore de rêver d’une vie de bohême en toute liberté, dans l’errance, sac au dos, en refusant la société de consommation. Je suis de la famille de ceux qui s’interrogent sans fin sur eux-mêmes et sur le monde. Je voudrais ébranler les certitudes des bien-pensants et exprimer ma révolte comme Mohamed Choukri ou Jean Genet, partir à la découverte de mondes nouveaux dans leurs grands espaces comme Arthur Rimbaud. Je pense à ceux de la « Beat generation 3» initiée par Jack Kerouac, qui mit des jeunes sur la route pour San Francisco puis Kaboul. Je m’inspire des voyageurs-écrivains comme Nicolas Bouvier ou Paul Bowles mais j’aimerais aussi beaucoup ressembler aux barbouzes-

2 Le terme bobo, contraction de bourgeois-bohème caractérise un groupe social selon les valeurs que ses membres partagent et leurs caractéristiques socio-économiques, à partir de l’évolution du groupe des yuppies des années 1980. 3 La Beat Generation est un mouvement littéraire et artistique né dans les années 1950, aux Etats-Unis. William Burroughs, Allen Ginsberg et Jack Kerouac sont les précurseurs de la libération sexuelle et du mode de vie de la jeunesse des années 1960 qui a ébranlé la société américaine dans ses certitudes. Elle a directement inspiré aussi bien les mouvements de mai 1968 que l’opposition à la guerre du Vietnam, ou les hippies de Berkeley et Woodstock.

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aventuriers comme T.E. Lawrence ou même Bob Denard. A ma façon, je vis « on the road », je me suis réinventé un Greenwich village où j’assimile le Festival Gnaoua4 avec celui de Woodstock5.

Associant l’observation sociale, le constat topographique, la vie quotidienne et une réflexion géopolitique, mes chroniques sont des notes qui réunissent des descriptions de paysages, des scènes quotidiennes, des portraits et des analyses dans une perspective multiculturelle humaniste. Je voudrais raconter la complexité et la richesse des liens entre les civilisations afro-arabo-musulmane et occidentale, parler du rapport entre l’homme et son identité. J’observe en géographe et enrichis ma sensibilité dans la manière dont l’humain et la culture tentent de cohabiter, une façon de chercher la conciliation et l’harmonie, tout en montrant qu’elles sont aussi deux forces d’une résistance moins passive qu’il n’y parait au premier abord.

4 Le Festival musical Gnaoua d’Essaouira (ou encore Festival Gnaoua & Musiques du Monde) se tient en début de chaque été et met en scène les grands Mâalemines (Maîtres) qui jouent leur musique mystique et sacrée. Ce festival a pour but le métissage culturel et musical et propose une excellente sélection d’artistes venus du monde entier pour mêler leur musique à celle des gnaoui. 5 Le Festival de Woodstock fut un rassemblement de la culture hippie. Organisé pour se dérouler du 15 au 17 août 1969 et accueillir 50.000 spectateurs, finalement il en vint un demi-million, et se poursuivit un jour de plus avec les concerts de 32 groupes et solistes de musiques folk, rock, soul et blues. C’est un des plus grands moments de la musique populaire.