8/16/2019 Berthonneau - Presentation PREP
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Mme Anne-Marie BerthonneauM. Pierre Cadiot
PrésentationIn: Langue française. N°91, 1991. pp. 3-6.
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Berthonneau Anne-Marie, Cadiot Pierre. Présentation. In: Langue française. N°91, 1991. pp. 3-6.
doi : 10.3406/lfr.1991.6201
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1991_num_91_1_6201
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_lfr_582http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_lfr_37http://dx.doi.org/10.3406/lfr.1991.6201http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1991_num_91_1_6201http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1991_num_91_1_6201http://dx.doi.org/10.3406/lfr.1991.6201http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_lfr_37http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_lfr_582
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2/5
PRÉSENTATION
On
trouvera
dans ce volume des études centrées
sur
les prépositions à, après,
avant,
avec,
de, en,
par, pendant, pour, sous, sur,
en
position
post-nominale
ou
postverbale. Il s agit
tantôt
d une tentative de caractérisation d une préposition au
travers d un ensemble d emplois (J.-J.
Franckel et
D. Lebaud) ou dans un type
d emploi (B.
Bosredon et
I. Tamba, D. Leeman), tantôt d études
contrastives
(J.-C.
Anscombre, A.-M. Berthonneau, P. Cadiot).
La
difficulté essentielle de
l étude
des prépositions est qu elles
ne
se
laissent
appréhender
qu au
travers
de
leurs contextes
d emploi, qui démultiplient les inter
prétations.
Des analyses désormais classiques ont postulé des
systèmes
sémiotiques
généraux, mettant
en
œuvre
des
valeurs abstraites
sous-jacentes
aux
prépositions
(par
exemple
G. Guillaume 1919, V. Brondal 1950, B.
Pottier
1962). Mais l opérativité
de
ces
descriptions est difficilement
contrôlable
au plan des sens en
emploi.
A l inverse,
la riche
étude
de
Spang-Hanssen
(1963) faisait une large part à ce niveau,
mais
pour
déduire souvent une
équivalence sémantique entre deux
prépositions
commutables
dans un contexte, sans demander
à ce
dernier tous les indices distributionnels qui
auraient
donné
accès
à
leur différence (cf.
aussi
Jaeggi 1956).
Plus
récemment,
les
prépositions ont
connu
un regain d intérêt avec l approche cognitiviste (Lakoff
1987,
Langacker 1987, etc.). Ce n est sans doute pas un hasard si les emplois spatiaux ont
été privilégiés. Ils se prêtent au mieux
à
illustrer le
rôle
des propriétés des objets
du
monde et des stratégies perceptives. Mais la pertinence des considérations cognitives
et
pragmatiques
doit
être
tempérée
par
le
fait
que la
langue
est
d abord
un système
de
représentation
autonome. Ainsi,
l hypothèse
de
Vandeloise
(1986),
selon
laquelle la
structuration des relations spatiales dans la
langue,
au
moins
dans
une transparence
étymologique initiale, procéderait
directement
de la perception, ne renvoie-t-elle pas
largement
les principes
d analyse
des
prépositions
à l extralinguistique ? *
Ces
repères
bibliographiques très
partiels
n ont
d autre
fonction que
nommer
trois pôles pertinents pour
l étude
des prépositions, l invariance postulée du
marqueur, l interprétation du syntagme, l interface de l énoncé avec l extralinguisti-
que.
Une telle
présentation
discrétise bien sûr, par
commodité, des niveaux qu on
peut vouloir appréhender dans un continuum.
Brondal V. (1950), Théorie des
prépositions : introduction à une
sémantique rationnelle,
Copenhague, Munksgaard.
Jaeggi
(1956), Le
rôle
de la préposition et de
la
locution prépositive dans les rapports abstraits
en
français
moderne, France, Berne.
Guillaume С (1919) rééd. 1975,
Le problème de
l article et
sa
solution dans la langue française,
Paris,
Nizet
Québec, Presses de
l Université
Laval.
Lakoff G.
(1987), Women, Fire and
Dangerous Things. What
Categories
Reveals
about the Mind,
Chicago, London, The University of Chicago Press.
Langacker R. W. (1987),
Foundations of
Cognitive Grammar, vol.1. Theoritical Prerequisites,
Stanford
University
Press.
Pottier B. (1962), Systématique des éléments de relation, Paris,
Klincksieck.
Spang-Hanssen E. (1963), Les
prépositions
incolores du français moderne, Copenhague, G.E.C.
GAD.
Vandeloise C. (1986), L espace en français,
Paris,
Le Seuil.
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1)
Des
approches
classiques, on
peut
retenir
le
souci
d abstraire, par réduction
à
partir des différents emplois, une représentation du « sens » des prépositions,
c est-à-dire des opérations
abstraites qui
régleront leur mise en emploi. Nous faisons
donc
nôtre
l hypothèse
que derrière la diversité
de ses
emplois, chaque préposition
a
un noyau
fixe de
sens,
appréhendable
en
termes abstraits de
valeur,
de procédures
ou
d instructions
Cependant, la trace de cette
invariance
ne peut
être
repérée que dans le
foisonnement
des
effets
de
sens. Cela
implique
de
désintriquer,
à
partir
de familles
d énoncés, les
variables
en interaction
dans
la production de
ces
effets,
de distinguer
le stable
du
contingent.
Pour
remonter de
l observable à l invariant, il faut prendre
un
appui
contrôlé
sur les
indices que livrent les co-variations
du
sens
et
des configura
tions ne
mise
en contraste systématique de prépositions
apparaît
par ailleurs
comme
une sorte
d heuristique permettant de dépasser
les
constats approximatifs
d identité qui généralisent hâtivement
à partir
d observations locales.
2)
L instruction donnée
par l invariant se traduit, au
niveau du
sens en emploi,
par des types de
conditionnements
du réfèrent, qui préformatent les
possibilités
de
parler
du monde. C est ce
que nous
avons voulu cerner
par la notion
de
«
représen
tation,
qui
revêt deux aspects.
Ce
qu on
appelle
ordinairement
«
cause
»,
« instrumental »,
« durée
»,
etc.
relève
de ce lieu intermédiaire
où viennent s intriquer
les propriétés des
prépositions,
du
lexique et des déterminants, sans exclure une
mobilisation
plus large du contexte
d apparition :
réseau
des relations actantielles induites
par
un verbe, un adjectif ou un
nom, thématisation, propriétés aspectuelles, etc. On peut toutefois traduire de
diverses
manières
ces
notions expérientielles
en
termes
plus
abstraits,
en
leur accolant
des propriétés
spécifiques,
en
repérant
des sous-ensembles
différenciées
d une cons
truct ion
apparemment
identique,
en
les
ramenant
à
des modulations locales
d un
invariant,
etc.
Déterminants
et prépositions entretiennent des liens
complexes.
Divers cas de
figure
sont représentés
par
les
prépositions
ou
emplois
étudiés
ici.
L absence
de
déterminant ou
une
détermination limitée
à
l article
défini, avec à,
après, avant,
de, en,
par,
sous,
sur
permettent
de construire des dénominations
ou
d élaborer des repré
sentat ions
plus ou
moins
extensives, calibrées,
épurées,
centrées, métaphorisées
du
réfèrent.
Pendant
et
pour
utilisent chacun
à
leur manière des clivages entre
types
de
détermination
pour
construire des interprétations différenciées. Passer de
à à
avec
dans deux emplois apparentés rejoue aussi les
déterminants
disponibles.
Ces deux aspects
ne
sont pas entièrement disjoints, puisque la façon
dont
le SN
prépositionnel donne le
réfèrent
contribue
à
instaurer les effets de sens dénommés en
termes expérientiels.
3)
La
mise en œuvre
d un
type de
représentation conditionne
la donation de la
référence
de
l énoncé
:
effets
de déréférenciation,
de
généricité,
de typicité,
sélection
parmi
les
interprétations potentielles des déterminants
et
des procès.
Les
prépositions
contribuent ainsi
à filtrer les relations qu un énoncé
peut établir avec des situations
extralinguistiques.
Mais
les
propriétés
pragmatiques
participent aussi
à cet ajust
ement référentiel.
On peut invoquer diverses formes d habitualité
(sous-jacentes à
la
constitution
de types,
intervenant dans la répartition
des
marqueurs
de
durée),
des
stéréotypies qui légitiment
l association
privilégiée d un verbe et d un complément,
l aptitude différente des notions
à
donner
lieu à une valeur centrée,
etc.
Les auteurs
n ont
pas pondéré ces trois pôles de la même manière, puisque nous
avons fait le choix de la diversité des modes d approche.
Contrastant à et
avec dans de nombreux contextes, P. Cadiot propose une
hypothèse
très
générale.
A
la
façon
de l anaphore associative,
l occurrence
de
à
s explique
par
un
mécanisme
de traitement analytique de la représentation
mentale
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4/5
associée
au
prédicat-tête (ou, dans le cas des noms composés, au
N1).
Aucune source
d information autre
n est
sollicitée.
L inverse
exactement est vrai de la préposition
avec,
qui
s interprète
comme la
trace
d une procédure synthétique. Ce
principe
d explication, dont
on peut au passage noter qu elle
s inscrit dans
le programme d une
linguistique « cognitive » entièrement procédurale qui éviterait de
confondre le
sens
avec le réfèrent, se monnaye par
l ensemble
des effets distributionnele
et
interprétatifs
que l auteur détaille, mais aussi
par
des traitements modulables de ces sources
référentielles.
Traitant
des combinaisons
préposition-article
zéro
(du type
sous anesthésie), J.-C.
Anscombre étudie les propriétés syntaxiques de ces constructions, leurs
restrictions
et
contraintes
distributionnelles, et propose une métalangue sémantique
qui
rejoint
celle
d autres auteurs
(propriétés
essentielles vs accidentelles,
homogénéité,
continu). Il
insiste notamment,
dans
le prolongement
de ses travaux antérieurs,
sur
les propriétés
aspectuelles des
noms
(stativité,
résultativité, cyclicité).
Partant
d une
opposition de
principe
entre nom
composé et
syntagme nominal
qui
se
noue essentiellement
autour des
catégories
du genre et du
nombre, B.
Bosredon
et
I.
Tamba
insistent
sur les
deux paradigmes qui se
dégagent pour
la préposition à.
A
l inverse
du
SN,
les
propriétés
de
N2
lui
sont,
dans
le
cadre
du
nom
composé
N.C.,
attribuées « en dehors de toute application à des referents
situationnels
».
es auteurs
montrent que le rapport
de sous-classification est au N.C. ce
que
le
rapport
de
prédication
et
au S.N.
et
opposent deux
types
de
motivations
internes
:
à
proche de
pour
et
à
proche de avec.
J.-J. Franckel et D. Lebaud recourent
à
une
hypothèse
unitaire sur en,
préposition et
préfixe, pour analyser un panel d emplois
aussi
variés
que
enrouler du
papier, du papier
en rouleau. Il est en ville. Il est
en
beauté,
un manteau
en
laine, en
homme, en 1981, en ces années terribles,
etc.,
et le
gérondif.
Le
paradoxe à
résoudre est
que si le nom qui suit en, presque
toujours
non déterminé,
ne
permet pas de distinguer
des
occurrences,
le réfèrent est pourtant saisi de façon contingente, circonstancielle :
II
trouve
son
ancrage
référentiel
dans
la
construction d une
occurrence
complexe
avec
un
second
terme.
Les
différents emplois de en
analysés sont ramenés à
des types qui
ne se confondent pas avec un étiquetage expérientiel mais reflètent des manifestations
différentes de cette
contingence
(actualisation, fusion, fonction, intégration, etc.).
Etudiant les
constructions
de type
hurler
de rage, D. Leeman montre
en
quoi
consiste le
calcul d ajustement des propriétés du
prédicat
verbal et du
nom-régime.
Elle met ainsi en évidence
l existence
de trois phases, donc
d un
continuum du
concret
vers
l abstrait,
qui est aussi un continuum interprétatif entre un sens référentiel
plein
(Luc klaxonne d impatience) et
un sens subduit, voire
entièrement métaphorique (Luc
brûle d impatience), où le
verbe
n a plus
qu un sens
intensif. Cette étude,
qui met en
jeu
de
nombreux
tests
syntaxiques,
peut
se
prolonger en une
sorte
de
grammaire
(dont
la préposition
de
serait le
pivot)
de
l expression
des affects (sensations, sentiments).
A.-M.
Berthonneau analyse des
versions
concurrentes de
la notion
de durée
et
délimite un sous-groupe de compléments qu on
peut dire
duratifs, sur la
base
de
propriétés partagées. Elle contraste ensuite
les
représentations différenciées de la
durée construites par pendant
et
pour, en
formulant une
description sémantique pour
chaque
complément, qui
a à
charge de rendre compte de
deux types
de
faits
: la
configuration du SN
duratif, la donation
de
la
référence
par
l énoncé.
Pendant oppose
la durée et
une autre
interprétation temporelle par des contrastes
clairs
de
détermi
nants,
our est
plus atypique. S ils se
paraphrasent
parfois, ces compléments ont
une
incidence différente
sur les
déterminants de
l énoncé et les
procès. Cette
hypothèse
sur
le
rôle structurant
du
sens
n exclut
cependant pas
la
prise en
compte
de
propriétés
pragmatiques.
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5/5
Une
part des problèmes abordés dans ces diverses contributions pourrait se
reformuler ainsi : quelles procédures sont en
jeu
dans l interaction entre prépositions
et détermination
? Les
faits
de
déréférenciation
et de « généricité » observés à propos
de
à,
en, de ont-ils leur
source
dans
la
préposition ou dans
le
déterminant
qui
lui
est
étroitement
associé
?
La
sélection
des
déterminants n est-elle
qu un
effet
des contrain
t s
lus générales
sur
la construction de la référence ? Comment
une
préposition
met-elle des contraintes locales
sur
les
déterminants
au
service
de la construction d un
type
de
représentation
?
Est-ce
que
l ensemble
des
propriétés
ne
se
déduit
pas d un
certain
nombre de principes simples : continu vs discontinu,
programme
de sens,
représentations synthétique
vs
analytique des connaissances.
A.-M. Berthonneau et P. Cadiot.